Retour forcé

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PDV FLORA : KARAOKÉ 4)

J'étais inquiète. TRÈS inquiète.
Quelqu'un de normalement constitué serait le plus heureux du monde si son professeur de biologie tombait sérieusement malade, avait trente-neuf de fièvre et toussait ses tripes. Mais il avait eu la gentillesse de m'emmener malgré ça au karaoké en voiture pour que je m'amuse avec mes amis, je cite, « comme tous les jeunes de mon âge, et c'est pas un vieux crouton qui doit t'en empêcher ». Il avait été sacrément dur avec lui-même, et je regrettais profondément d'être venue alors qu'il était si mal en point. Tous semblaient s'amuser, mais je tentais à éviter d'avoir à chanter. Je préférais me ronger les ongles d'inquiétude pour mon colocataire stupide qui était sorti sous la pluie en courant avec une mine affolée pour, encore une fois je cite, « sauver les petits chatons que Sally a chez elle sinon ils vont souffrir, les pauvres ! » il y a deux jours, et qui avait attrapé une vilaine bactérie stupidement. Par ailleurs, les chats vivaient désormais chez nous. Lui qui détestait la poussière était servi : trois animaux d'un coup !
Le premier était d'un roux éclatant, avait des yeux bleus incroyablement beaux, et c'était moi qui eut choisi son nom : Simba. Pierre, oui, j'avais l'autorisation de l'appeler ainsi à la maison, était contre, mais j'eus tellement insisté qu'il avait fini par accepter. À contre-coeur, mais cela n'était pas important. Le deuxième était gris pâle avec des tâches blanches, et ses yeux étaient de la même couleur que l'autre. Nous avions décidé de l'appeler Gribouille. Le troisième, enfin, était la seule femelle du lot de trois : mon professeur avait décidé de l'appeler Caramel en hommage à son pelage marron aux reflets orangés et à ses yeux gris. Ils étaient stérilisés, et heureusement. C'était déjà suffisamment compliqué comme cela.
Ainsi, nous n'allions peut-être pas avoir cours lundi avec lui. Nous allions sauter une évaluation, ce qui était franchement un soulagement.
Mais le voir ainsi était... compliqué pour moi. Lui qui d'habitude se moquait de moi n'en avait même pas la force. Il n'avait pas non plus touché à son déjeuner, ce qui était une première.
J'étais installée sur le canapé, mais je ne me sentais pas à ma place : j'étais entourée de couples. C'était affreusement gênant.
Serena était partie nous chercher à boire, et Mei ainsi que son copain avaient disparus de ma vue. Je me faisais draguer par ci par là, mais je les avais repoussés.
J'avais d'autres préoccupations.
Le pire c'est que le connaissant il va travailler quand même cet abruti !
La petite lanterne dans mon cerveau s'alluma d'un coup : il n'était pas du genre à se reposer en temps normal, mais là, il en avait le besoin. Je pariais qu'il était sur son ordinateur pour préparer ses cours de la semaine.
Je vais le tuer.
J'attendis le retour de mon amie, et fut étonnée de voir à ses côtés Kalem, vêtu d'un survêtement.
Moi qui pensais qu'il ne viendrait pas. Il l'a fait juste pour elle ? Comme c'est mignon...
Je souriais diaboliquement à cette idée. Ils étaient tellement mignons. L'un était peu tactile, incroyablement timide mais caractériel, blasé, l'autre était une vraie pile électrique. C'étaient les exacts opposés. Et pourtant.
Les opposés s'attirent.
Elle s'asseyait à côté de moi et me tendit un verre de jus de fruits, pendant que son « ami » en fit de même en soupirant.
- Vous étiez en mini rendez-vous ?
Kalem : Non. Et la prochaine fois, surveille ton amie, sinon t'étonne pas qu'elle se fasse violer.

Au moins, ça avait le mérite d'être honnête. L'actrice semblait mal à l'aise, alors je fronçais les sourcils.
- Et c'est censé vouloir dire ?

Il claqua sa langue contre son palet.
Serena : Euh... ben... un paparazzi m'a suivie... il m'a aidée.
- C'est vrai ?!
Kalem : Mmm.
- Je suis désolée.
Serena : Ne t'excuse pas, tu n'y es pour rien. Ou est Gloria?
- Partie avec Nabil.
Serena : Ils sortent ensemble ?
Kalem : Il s'est pris un râteau. Et éloigne-toi de moi.

Elle était en effet collée complètement à lui, et était prête à passer sa main autour de sa taille, avant qu'il ne l'en empêche. Je pouffai de rire.
Mais mon inquiétude ne partait pas.
- Excuse-moi Serena... mais il faut que je rentre.
Serena : Pourquoi ?
- Beh... euuh... mon frère est tombé malade... il faut que je m'occupe de lui... je suis vraiment mal de le laisser comme ça...

J'étais forcée de lui mentir : lui dire que je vivais avec monsieur Stone nous aurait porté préjudice.
- Tu aurais un vélo ?
Serena : Non...
Mei : Moi, j'en ai un, j'habite à côté.

La jeune femme apparut d'un coup derrière moi, me faisait sursauter.
- Merci, Mei.

J'enfourchais le vélo aussi rapidement que je le pouvais, sous les regards étonnés de mes amis.
Parmi eux, le dénommé Hugh semblait suspecter quelque chose.
La preuve, il me posa la question tant redoutée : « quel est le nom de ton « frère » ? » tout en insistant bien sur le dernier mot.
J'avais alors bafouillé des excuses pendant qu'il fronçait les sourcils. J'eus donné le vrai nom de celui-ci, soit Brice. Mais je savais que je le regretterais tôt ou tard.
Une fois arrivée, j'ouvris la porte, méfiante, et préparant un potentiel assassinat.
Il était en effet rouge tomate, penché sur son ordinateur à taper sur les touches d'une lenteur incroyable, preuve de son manque de sommeil.
- Pierre...

Je me dirigeai derrière lui et lui agrippai fermement les épaules pendant qu'il eut un frisson de peur parcourant son échine.
Stone ( Pierre ) : Fl... Flora... tu devais pas... être au karaoké...?

Il toussait entre deux mots, son visage ruisselant de transpiration et rosi.
- Au lit. Immédiatement.
Stone ( Pierre ) : Je... dois travailler... pour lundi...
- La pluie de tes sarcasmes glisse sur la toile cirée de mon indifférence.
Stone ( Pierre) : Plus explicitement... s'il te plaît...?
- Je m'en fous complètement de ton avis. Au lit.
Stone ( Pierre ) : Mais...
- Contrarie-moi et je te garantis que je te porte, ou te traîne jusqu'au lit.
Stone ( Pierre ) : Je suis... trop lourd pour toi.
- On parie ?

Je croyais lui avoir flanqué suffisamment la frousse pour qu'il parte sans broncher se coucher, mais il me dévisageait avec un sourire moqueur l'air de dire « fais-le si tu l'oses ».
Il s'en sortira pas comme ça.
Je passai alors mon bras sous les siens, lui agrippai la taille, puis commençai à le soulever. Son bras était enroulé sur mes épaules.
Il est plus lourd qu'il en a l'air...
- Tu pues la sueur.
Stone ( Pierre ) : J'y peux rien.

Au bout de quelques minutes qui me semblaient avoir duré une éternité, j'étais parvenue à l'amener jusqu'à sa chambre, manquant de tomber à plusieurs reprises sous son poids. Il se laissa tomber sur son futon, et je le retournai sur le dos.
- Pas bouger.

L'homme se laissa gentiment faire sans rien dire, pendant que je lui mis sur le front une serviette imbibée d'eau fraiche pour ensuite la passer sur son cou et ses joues.
Stone ( Pierre ) : Tu aurais pu... rester là-bas...
- Tais-toi.

Je n'avais jamais été si vulgaire et tranchante avec lui, alors celui-ci savait qu'il ne fallait pas me contredire.
Je partis vers la cuisine pour lui prendre des médicaments divers, un verre d'eau, puis lui tendis doucement en l'aidant à se redresser.
- Ce soir, soupe. Ou purée.

Pierre fit la moue, sachant pertinemment que s'il faisait une tête de chien battu je changerais d'avis. Et en effet, ce fut ce qui arriva... malheureusement.
- Pot-au-feu. dis-je en soupirant.

Il murmura un petit « yes! » pour lui même, ce qui m'agaça profondément.
- Je peux encore changer d'avis.
Stone ( Pierre ) : Tu n'oserais... pas.
- Tu me connais mal.
Stone ( Pierre ) : Aie pitié... de ton pauvre... professeur.
- Arrêtez avec cette tête.

Il souriait de toutes ses dents malgré son état, ce qui renforça mon envie de râler. Je partis en direction de la cuisine, tout en soupirant, afin de préparer le repas. Exceptionnellement, je décidai de ne pas l'épicer.
Lorsque je revins dans l'objectif de le border, je vis qu' il s'était endormi paisiblement, ce qui me procura un sentiment de soulagement immédiat. Simba était confortablement installé derrière ses longues jambes.
Je repoussai des mèches bleues de son visage fin pour replacer le chiffon trempé sur son visage aux traits fins.
Il a intérêt à m'écouter bien sagement pour une fois... Ce serait bête que sa fièvre empire.
Hors sujet mais... Il a des super longs cils ! Et ça, personne le sait.
Claque mentale.
Je mis le repas dans le frigo et m'endormis moi aussi de sorte à rester à son chevet : juste à côté de ses jambes, la tête dans mes bras, assise sur une chaise. De quoi me casser le dos...

Coucou ! Voici pour ce chapitre 18 du point de vue de Flora.
J'espère qu'il vous a plu !
Bisouus

Le coeur à L'ouvrage Où les histoires vivent. Découvrez maintenant