- Lisa ? Lisa !
Mes yeux se rouvrent brusquement. Je viens de vivre une crise d'angoisse. Une de plus.
Le visage soucieux de Julien me fixe.
- Ça-va ?
- Oui, marmonné-je la gorge nouée.
Ce n'est pas la première fois que ce genre de sensation me contrôle. La psy dit que c'est normal après un traumatisme.
- Tu saignes, constate Julien.
Du bout des doigts, il effleure ma tempe.
Maintenant qu'il le dit, je sens effectivement des picotements, j'ai dû m'érafler en tombant. Rapidement- peut-être trop au passage- je me redresse. Un gout de bile envahit aussitôt ma bouche et je ferme mes paupières le temps de reprendre mes esprits.
Quand je les rouvre, il est toujours là et il agite un tissu blanc devant mon nez. Bien que contre mon gré, j'attrape le mouchoir qu'il me tend et j'éponge délicatement mon front. Je ressens quelques légères piques, mais ça semble superficiel.
Le regard de Julien ne me quitte pas un seul instant. Il pèse sur mes épaules.
- C'est bon, merci, dis-je un peu sèchement.
Il hoche la tête de haut en bas mais ne bouge pas pour autant. Ses sourcils sont froncés d'inquiétude et je tente un petit sourire pour le rassurer.
- Ne t'inquiète pas, tout va bien, c'est réglé.
- Je n'en suis pas si sûr... débute-t-il.
- Moi si.
Pour prouver mes paroles, je me lève d'un bond, j'ignore superbement mes jambes tremblantes et je me dirige vers la foule. Mon sang bat encore fort dans mon crane, mes oreilles émettent toujours un petit sifflement, mais ce n'est pas comparable à la douleur que je viens de subir. Ce genre de crise qui me vrille le cerveau.
Je me mêle aux invités et je garde le regard braqué au sol. Les battements de mon cœur finissent par reprendre un rythme normal et petit à petit tout semble reprendre sa place dans mon corps.
Silencieuse, je contemple mes larmes qui s'écrasent sur mes chaussures une à une au fur et à mesure, des commentaires et musiques que j'entends. Chaque élément faisant ressurgir des souvenirs qui me sont chers. Chaque élément me fait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur. Chaque élément ravive ma culpabilité.
Des mains se posent sur mes épaules, me serrent contre des torses, essuient mes joues. Je ne relève même pas les yeux. Je laisse les gens onduler et s'agiter autour de moi, je laisse leurs paroles me glisser dessus sans même m'effleurer.
- Tu sais Lisa, tu as toujours été là pour moi, à mon tour maintenant, me murmure Ambre avant de s'éloigner.
Les invités partent en fin d'après-midi et il ne reste rapidement plus que maman et moi sur les lieux, dans le cimetière. Elle est assise devant la pierre tombale et je vois ses épaules qui tressautent. Elle pleure. Je songe à venir la serrer dans mes bras mais encore une fois, j'ai l'impression qu'un ravin a été creusé entre moi et elle.
Enfin, disons un ravin entre moi et tout le monde, moi et le reste de la population. Je me dirige alors vers les grilles du fond, vers l'autre allée, celle qui je connais par cœur, celle de ma meilleure amie. Est-ce humain de vivre deux drames en un an ? Est-ce que quelqu'un sur cette planète serait capable de les supporter ?
A mon tour je m'assois et je contemple les lettres gravées.
- J'aimerais tellement que tu sois à mes côtés, murmuré-je. Toi tu pourrais me dire ce que je suis sensée faire. Tu pourrais m'épauler, me faire rire, me transmettre ta joie de vivre.
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Recto-verso
Teen FictionEncore touchée par le décès de Jade, sa meilleure amie, Lisa reprend doucement contact avec la vie, les amis, les fêtes, les gens autour d'elle... La jeune fille remonte la pente et tente de tourner la page. Un matin que tout annonce ordinaire, alo...