Chapitre 7 : Je ne sais pas quoi te dire

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- Je...je...Mais !

Aucun mot ne parvient à franchir mes lèvres, j'ai l'impression qu'au fond de ma gorge, quelque chose s'est bloqué. Ma respiration est saccadée.

Cet homme !

Mes mains deviennent moites, un courant froid me traverse le dos.

Je tente d'appeler Ambre, de lui dire ... de lui dire quoi ? Mais elle prend les commandes et me tire violemment dans la rue voisine. On se met alors à courir. D'un même mouvement. J'ai l'impression de suffoquer, je n'arrive plus à reprendre mon souffle, j'entends un bourdonnement sourd qui étouffe le bruit de mes pas sur le goudron.

Puis. Brusquement. On s'arrête. Je prends appui sur un lampadaire. Essoufflée, troublée et perdue, je tente de faire le tri dans les informations qui arrivent par milliers dans mon cerveau.

Cet homme. Je l'ai reconnu en un regard, son visage carré, ses sourcils aiguisés. La dernière fois que je l'ai vu, j'étais accroupie au bord de ma fenêtre, je guettais. La dernière fois que j'ai l'ai vu, c'était avant que tout bascule. La dernière fois que je l'ai vu, j'étais terrorisée dans ma chambre. Le poseur de bombe ! Est-ce lui qui a tué papa ?

J'ai besoin de parler et d'exprimer ce que j'ai sur le cœur. Instinctivement, je me tourne vers Ambre mais son regard est baissé et ses cheveux noirs font rideau. Elle aussi semble perturbée ... mais ... pourquoi ? Comment peut-elle connaître cet homme de malheur ?

Je tente de trouver une explication plausible, mais sur le coup, rien ne me vient.

- Ambre ? Ambre !

Elle tourne enfin son beau visage vers le mien.

- Tu le connais ! m'exclamé-je.

- Évidemment, murmure-t-elle.

- Mais ... co ... comment ?

- On peut marcher un peu ? dit-elle en relevant le regard.

Pas vraiment consciente de mes mouvements, j'acquiesce et je cale mon pas sur le sien. La rue est étonnement silencieuse, quelques voitures nous doublent et s'éloignent, une piétonne sort de la boulangerie et rejoint sa voiture.

Les battements de mon cœur ralentissent et je me calme au fur et à mesure que mon regard circule.

- Alors ? relancé-je.

- Alors, c'est mon père.

Je me fige. Littéralement. Mes jambes ne fonctionnent plus. J'ai l'impression que plus rien ne fonctionne. Mon père. Mon père. Mon père.

- Pourquoi ? Tu ne savais pas ? questionne Ambre. Mais alors, pourquoi as-tu réagi si violemment ?

- Je ... je l'ai vu.

C'est tout ce que j'arrive à prononcer et croyez-moi, c'est déjà un exploit que ma bouche coopère.

- Quoi, tu l'as vu ? Moi aussi, je l'ai vu !

- Non mais pas aujourd'hui je l'ai déjà vu le soir où ... le soir.

- Quel soir ? Lisa !

Je sens qu'elle s'agace. Je recommence donc à marcher, elle me suit, mais son regard est toujours aussi insistant.

- Je ne sais pas quoi te dire, murmuré-je parce que c'est la simple et pure vérité.

Par où commencer ? Elle n'est au courant de rien. Rien. Rien ! Elle ne sait ni pour Jade, ni pour papa, elle ne sait pas ce qui m'est arrivé ! Elle n'est pas au courant de cette soirée passée à guetter, de mes soupçons, du carnet. Non, elle n'est au courant de rien. Je me sens mal pour elle, mal de ne pas pouvoir me justifier.

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