Chapitre 20 : C'était si simple au final

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- C'est... il ressemble beaucoup à...bégaye Romane.

- ...à Jade, complété-je. C'est normal puisque c'est son frère, son petit frère.

Je pense qu'il m'a reconnu, son regard accroche au mien. Ça faisait longtemps que je ne l'avais plus vu. Ça fait longtemps que je n'avais plus vu personne de sa famille. Mais il suit rapidement l'adulte qui l'accompagne et disparaît de mon champ de vision.

- On ne continue pas de marcher ? s'étonne Romane.

C'est seulement à cet instant que je me rends compte que j'ai cessé d'avancer.

- Oui, oui continuons, dis-je. Enfin, il est peut-être temps de rentrer, non ?

Elle acquiesce.

Quelques instants plus tard, nous nous asseyons sur les sièges usés des bus en regardant le paysage défiler. Le moins qu'on puisse dire c'est que cette journée fut particulière. Enfin, il est seize heures et rien ne me dit que c'est terminé.

Mes pensées sont à cet instant entièrement tourné vers Jade. Jade. Jade.

- À quoi penses-tu ? questionne Romane face à moi.

- Jade.

Le bruit du moteur me berce, les klaxons lointains et les discussions des autres passagers. Elle aussi était dans un bus avant de se faire renverser, c'était sûrement les derniers sons et la dernière ambiance qu'elle a vécus. À quoi pensait-elle pendant ce dernier trajet en bus ? Elle devait penser aux petits soucis du quotidien, à la journée qui l'attendait. Ou bien elle pensait peut-être à un projet secret qu'elle n'a pas eu le temps de dévoiler, peut-être qu'elle venait d'avoir une idée incroyable, mais qu'elle n'a jamais pu la partager...

Sans que je m'en rende compte, une larme s'échappe et se permet de son propre chef de glisser sur ma joue. C'est seulement là que je me souviens que Romane me regarde depuis le début du trajet.

Gênée, je l'essuie rapidement. Je m'attends presque à une moquerie ou un rire, mais non, elle prend ma main et la serre dans la sienne. Un signe de soutien. Je dirais même, un signe d'amitié.

- Je suis désolée pour tous ces mois où j'ai été distante, dis-je.

- Et moi odieuse.

On conclut un pacte, une trêve, tout ça en silence, nos deux mains liées. Des promesses, des excuses, de la souffrance passent à travers cette simple poignée de main.

Nous nous quittons à la descente du bus avec une nouvelle optique, une nouvelle vision l'une de l'autre. Nos regards ont changé aujourd'hui.

- Mais tu as raison, je vais prendre des nouvelles de Mathis et des autres, dis-je. Il faut que l'on se revoie.

C'est la dernière phrase que je pensais prononcer en me levant aujourd'hui. Encore une fois, ces derniers temps, en y réfléchissant, j'étais très égoïste, très renfermée et axée uniquement sur moi-même.

- On n'a qu'à se retrouver demain, décide Romane. Je vais prévenir tout le monde.

Je n'ai d'autre choix que d'hocher la tête avant de m'éloigner dans ma rue. J'ai pris ce matin le bus sur un coup de tête, j'avais besoin d'air, j'avais besoin de ne penser à rien. Qui aurait pu deviner quelle toute autre tournure ces heures ont prises ?

* * *

Comme prévu, le lendemain, je revois Mathis, Julien et Romane. Nous sommes tous un peu mal-à-l'aise, on sait bien qu'il manque une pierre à l'édifice. Il manque notre Jade.

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