Ma main abaisse la poignée. Le petit grincement caractéristique de cette porte, ce petit grincement qui me paraissait tellement insignifiant prend à présent toute son ampleur. La pièce est plongée dans la pénombre et la légère odeur de sucré y flotte toujours, signe que le bocal de guimauve à l'entrée n'a pas bougé.
J'actionne l'interrupteur et aussitôt le néon s'empresse d'illuminer la pièce exiguë. Devant moi, le vieux bureau se dresse, fier, imposant ... vide. Pas un seul papier, pas un seul stylo. Je sais que c'est papa qui l'a vidé car lors de la première visite de la police, c'est moi qui leur ai montré cette pièce et elle était déjà dans cet état. Tous les papiers avaient déjà déserté le meuble. La question que je me pose à présent : où sont-ils à présent ? Et ça, je compte bien le découvrir. J'examine minutieusement les étagères pleines de livres et albums que je ne pense pas que papa ait lus. C'est comme si je voyais et découvrais la pièce pour la première fois.
- Où sont tous les papiers et dossiers qui étaient éparpillés ? demandé-je tout haut.
Je sais que l'ancien propriétaire avait fait poser un coffre dans la maison, sous l'escalier. Petite, j'en étais très fière et je trouvais que c'était comme dans les films. Évidemment, papa et maman ne m'avait pas dit sa localisation. Peut-être bien qu'il les a mis là-bas ... ou peut-être dans cette pièce.
Sans grande conviction, je déplace la lourde chaise et écarte les livres dans l'espoir de voir apparaitre une pile de feuilles. J'ai beau passer le bureau au peigne fin, chaque étagère, le tapis. Rien.
- Réfléchis Lisa ! Est-ce que papa aurait caché tous ces papiers ici ? Non, sûrement pas, n'importe qui voulant les trouver chercherait ici en premier. Mais où dans ce cas-là ? Dans une autre pièce ? Ou dans le coffre ?
Je me laisse lourdement tomber au sol. La tête dans mes mains, je tente d'y voir plus clair. L'odeur de guimauve me chatouille les narines.
- J'aimerais tant qu'il soit là, qu'il m'explique ...
Bizarrement, je n'ai même pas envie de pleurer, les larmes ont trop coulé. Petit à petit, la boule de douleur s'est tassée sur elle jusqu'à former un groupe compact qui est venu se loger sur mon cœur, l'oppressant à chaque instant.
- Je veux comprendre, murmuré-je. Je veux avoir une explication rationnelle ! Est-ce trop demander ? Je n'ai même pas le droit à ma meilleure amie, à mon père, à ma vie, et des pauvres papiers ça non plus ?
Je donne un coup de pied rageur dans l'étagère en me redressant.
- Où tu les a mis papa ? Dis-moi ! Tu les as jetés ? Brulés ?
Un long soupir m'échappe, oui peut-être qu'ils sont détruits à l'heure qu'il est. Mais ce n'est pas logique. Il les a cachés pour ne pas que l'on puisse les trouver. Qui ne devait pas les trouver ? Laurent Viallon ?
Je ne pense pas qu'il s'en soit débarrassé pour autant, il ne savait pas qu'il allait mourir, mais il se sentait sûrement menacé.
Je sors à reculons de la petite pièce. Je suis venue pour avoir des réponses et je ressors bredouille.
Dans la cuisine, l'assiette préparée par maman m'attend toujours, mais mon estomac la repousse. Je continue à marcher, je traverse la maison en long et en large, sans but. Seulement des interrogations tourbillonnant dans ma tête. Est-ce qu'un jour cette folie va me quitter ? Est-ce qu'un jour j'aurai l'esprit tranquille ?
Tout en ruminant, je marche au hasard avant de me résigner, c'est forcément sous l'escalier. Mon humeur change. J'ouvre les battants du fameux placard qui me faisait certaines fois penser à celui d'Harry Potter en plus exigu, plus sombre et plus petit. Les vieux manteaux de ma mère y sont toujours suspendus, rien d'anormal, si on omet le post-it gisant par terre. Il n'est pas recouvert par la couche de poussière, signe que son arrivée est récente. Quoi à part un coffre pourrait attirer un de mes parents ici ? Je le pensais abandonné et inutilisé, sinon ma mère l'aurait signalé aux policiers. Mais peut-être pas en réalité.
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Recto-verso
Teen FictionEncore touchée par le décès de Jade, sa meilleure amie, Lisa reprend doucement contact avec la vie, les amis, les fêtes, les gens autour d'elle... La jeune fille remonte la pente et tente de tourner la page. Un matin que tout annonce ordinaire, alo...