Le soleil se levait.
Qu'y avait-il, plus loin ? Au-delà de l'endroit où le soleil quittait la terre à chaque aube et la rejoignait à chaque crépuscule ?
À la plus haute fenêtre d'un vieux manoir, une petite fille se posait la question. Elle craignait de ne jamais le découvrir ; en effet, elle n'avait pas le droit de sortir de l'enceinte de la demeure.
Oh, bien sûr, il lui était déjà arrivé de se rendre à l'extérieur, mais toujours accompagnée, et surtout, jamais sans l'autorisation de son père. Celui-ci, regrettablement, en voyait rarement la nécessité. La petite fille avait un maître d'école personnel qui venait lui donner classe directement ici, au manoir. Elle aurait pourtant tant aimé avoir des petits camarades avec qui partager les bancs, comme tout le monde !
Cette petite fille s'appelait Isabella. Isabella monta sur le rebord de la fenêtre et se dressa sur la pointe des pieds pour atteindre le loquet qui maintenait la vitre close. Comme la fenêtre était grande, et comme elle était petite ! Enfin, elle parvint à le débloquer et ouvrit en grand les deux battants.
Un vent frais remua ses cheveux noirs. Ils balayèrent sa nuque et le haut de son dos. Isabella profita de cet instant. Elle le savait, dans quelques minutes une servante viendrait l'aider à se vêtir, puis elle devrait descendre prendre son petit-déjeuner. Après tout ça, la matinée serait déjà bien avancée et on fermerait les volets afin de protéger la maison de la chaleur étouffante du pays. Nul moment de la journée ne pouvait égaler l'aube et sa douceur aux yeux d'Isabella.
La petite fille lissa sa chemise de nuit et s'assit en tailleur. Elle regarda le chemin qui menait au portail où, cinq jours plus tôt, elle avait vu sa chère nourrice s'en aller. Elle se remémora sa démarche vacillante, sa valise à la main, son regard plein de tendresse. Isabella laissa échapper un soupir. Qu'est-ce que la vieille femme lui manquait ! Elle avait été la seule à lui témoigner de l'amour en ces lieux. Tantôt jouant le rôle d'une mère, tantôt celui d'une amie... Mais le père d'Isabella l'avait sauvagement mise à la porte lorsqu'il avait décidé que sa fille était trop grande pour requérir une nourrice.
La fillette peinait à le comprendre. Elle n'avait que huit ans ! À son sens, c'était encore tout à fait raisonnable, mais il était vrai qu'Isabella ne possédait pas une grande expérience du monde : ses seuls points de références sortaient de sa propre vie ou des livres de M. Valenciano, son maître d'école.
La porte grinça dans son dos.
— Il est l'heure de se lever Mademoiselle Isabella.
C'était Maria, la domestique. La fillette quitta avec regret le rebord de la fenêtre. Une nouvelle journée débutait.
*
Comme toujours, la domestique lui passerait par-dessus la tête les nombreuses couches qui constituaient sa robe, puis elle lui brosserait les cheveux. Elle ne manquerait pas de grimacer en dévoilant les oreilles pointues d'Isabella. Celle-ci était habituée. Bizarre, anormale, difforme... Voilà des mots qu'elle avait souvent entendu durant sa vie. La servante pensait peut-être qu'elle ne s'en rendait pas compte, mais la petite fille pouvait voir son visage crispé dans le miroir, elle pouvait la sentir frémir derrière elle. Isabella ne s'en formalisait pas : après tout, c'est vrai que ses oreilles avaient une drôle de forme.
Ça faisait toujours mal quand la servante passait la brosse, mais la fillette ne disait rien. Après, ses cheveux devenaient tout doux.
Ensuite, elle prendrait son petit déjeuner puis elle aurait classe avec Mr. Valenciano. Elle ferait sûrement du calcul où de la poésie, mais peu importait. Isabella aimait apprendre.
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Erzik
FantasyDu haut de ses huit ans, Isabella est plus seule que jamais. Son père, impitoyable, lui interdit presque tout. Il vient juste de renvoyer sa tendre nourrice ! La fillette ne sait plus où trouver du réconfort. Un soir, pourtant, en fouillant dans un...