II - 3. Les grand-mères sont des créatures assoiffées d'attention

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PRINCIPE N°3 : LES GRAND-MÈRES SONT DES CRÉATURES ASSOIFFÉES D'ATTENTION

***

L'Èlio déclinait dans le ciel. Nozikaa s'entraînait depuis son retour, mais elle ne ressentait aucune fatigue. Une énième fois, elle agrippa une Lame de Pluie. Elle se concentra sur sa cible, un mannequin de mousse décapité à de trop nombreuses reprises. Elle visa la tête et lança. Le couteau alla se planter dans le mur du fond, effleurant tout juste la côte droite du mannequin.

Nozikaa saisit une nouvelle Lame de Pluie sur l'étal. Alors qu'elle s'apprêtait à réitérer son geste, elle baissa le bras. Sa concentration s'évapora. Sans prévenir, elle se focalisa tout entière sur autre chose :

Lian.

Lorsque Nozikaa avait atteint les soixante-dix ans, elle avait enfin reçu l'enseignement de la communication à distance. À ce moment-là, elle ignorait tout du double tranchant de cet outil si pratique. Pire : la personne avec qui il aurait été le plus utile de pouvoir comploter malgré la distance ne pourrait jamais réaliser aucun exploit télépathe.

Projetant son esprit vers la mère de cette personne précise, la jeune Nartiz pensa distinctement :

"Lian ? Salut, Izidor est par là ?"

Elle sentit le vibrement familier de la pointe de ses oreilles.

"Bonsoir Nozikaa" répondit son interlocutrice depuis un autre coin de la ville. "Oui, qu'est-ce que tu veux lui demander ?"

"Ce qu'elle fiche demain. C'est super important."

Transmettre ses messages à Izidor ne devait pas emplir de joie la pauvre femme, mais, eh ? Qu'est ce que Nozikaa en avait à battre ? Lian aussi faisait passer ses messages à sa fille à travers elle.

"Elle dit qu'elle va à l'atelier, mais qu'elle essaiera de passer dans l'après-midi" répondit la Ouahali après un temps.

Nozikaa poussa un long grognement de frustration.

"Dis-lui de passer se faire voir, plutôt !"

"Euh... Je ne vais pas lui dire ça."

"Je comprends. Bonne soirée."

Nozikaa ouvrit brusquement une Lame et amputa sans merci le mannequin de sa jambe gauche. Elle connaissait sa meilleure amie : si Izidor se rendait à l'atelier du Palais, elle oublierait tout sens du temps et ne ressortira que d'un coup de pied au derrière de la part d'Edeï, la Ouahali en chef. Nozikaa pouvait annuler tous ses plans.

Alors, elle se dit : "si seulement les ateliers étaient ouverts au grand public".

Elle adorerait découvrir l'univers d'Izidor ! Cette restriction était stupide. En plus de devoir étouffer sa curiosité, la jeune fille exécrait l'idée d'être limitée dans ses mouvements ; elle ne coupait pas une fente dans toutes ses robes pour l'esthétique ! Enfin si, en partie, mais quand même.

Nozikaa souffla. Elle décida de ne plus y penser et de poursuivre son entraînement.

La porte grinça derrière elle alors qu'une nouvelle lame manquait de sectionner un des tuyaux cuivrés qui acheminaient le snil, le liquide précieux apportant lumière et chaleur aux Nartiz.

Sans une parole, un homme en uniforme prestigieux pénétra dans la pièce et s'assit sur un des coffres à cibles en mousse. Il sourit brièvement puis fixa un œil gris et attentif sur elle, les bras croisés.

Nozikaa alla récupérer ses trois Lames de Pluie au fond de la longue salle d'entraînement. Elle était contente d'être en compagnie de quelqu'un qui comprenait quelque chose à la vie ; ça changeait. Son père faisait partie des rares personnes qu'elle n'incluait pas dans tout ce qu'elle avait dit à sa mère, en bas.

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