I - 24. Excuses et promesses

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— Izidor ! Debout !

La fillette ne bougea pas d'un poil. Oh, elle était réveillée ; elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Mais elle aimait bien, là sous ses couvertures. Là où aucune hache aiguisée ne pouvait atteindre son petit cou. C'était parfait.

— Aller ! Dépêche-toi !

D'un geste brusque, Nozikaa dégagea ses édredons. La lumière du soleil déjà haut dans le ciel aveugla Izidor. Elle poussa un grognement digne d'un ours de caverne. Nozikaa se pencha sur elle.

— Est-ce que tu as dormi, au moins ? T'as la même tête que Kla' le jour où je l'ai fait tomber dans le fleuve.

Izidor la regarda en haussant un sourcil. Non, elle n'avait pas dormi. Comment aurait-elle pu, alors qu'un énorme sablier venait de s'enclencher au-dessus de sa tête ?

Dans la nuit, après l'annonce de la reine, les soldats avaient conduit Izidor dans la fosse entre les gradins et les tribunes. Elle y avait retrouvé les autres en ébullition, se posant des tas questions, réfléchissant à la marche à suivre, et puis Féltèr était arrivé. Il s'était approché doucement, sans bruit, comme un loup traquant une proie. Quand il s'était interposé, ils avaient tous sursauté.

— Ne penses surtout pas t'en tirer comme ça, avait-il pesté à l'intention de Lian.

Pesté, mais avec une étincelle de joie dans le regard plutôt terrifiante.

— L'entièreté de tes fautes viennent juste d'être révélées et crois-moi sur parole, dès que nous serons débarrassés de ça (il jeta un coup d'œil méprisant en direction d'Izidor), tu seras la prochaine.

Izidor avait deviné qu'il parlait des choses que sa mère avait dissimulées lors de son premier procès, il y avait huit ans.

— Va voir ailleurs, Féltèr, avait marmonné Lian en avançant d'un pas, les sourcils froncés.

— J'ai hâte de voir tes espoirs réduits à néant...

Izidor s'était rendu compte à cet instant que les deux se connaissaient. Autrement, pourquoi se tutoieraient-ils ? À ce moment-là, Ozaharta était arrivé par derrière et Féltèr avait fui la queue entre les pattes.

— Il me déteste, avait confié Lian en le regardant partir, et Izidor n'avait pas su si elle s'adressait à sa fille ou à elle-même. Enfin, c'est réciproque. C'est parce qu'on n'était pas favorable à ce qu'il devienne le futur roi... Il y a des années de cela ! Mais cet homme est malade. Avoir la rancune aussi tenace, c'est pas bon pour le transit.

Après ça, alors que Nozikaa devait tenir les paupières d'Izidor pour que cette dernière reste éveillée, il y avait eu de longues discussions avec la justice sur la possibilité pour la famille de continuer à l'héberger durant les trois jours à venir. Au début, la réponse avait été un "non" ferme et catégorique. Après tout, Lioski et Ozaharta, ainsi que Sihimanus étaient tous hors-la-loi pour avoir aidé la fillette et tout comme Lian, la justice avait promis de s'attarder sur leur cas plus tard (si Izidor n'avait pas été sur le point de s'écrouler sur l'épaule de Nozikaa, sa culpabilité aurait percé le plafond). Au fur et à mesure des négociations, ils avaient obtenu l'autorisation à condition qu'une escouade de soldats demeure toujours devant la maison et qu'ils accompagnent Izidor dans tous ses déplacements. Une escouade de soldats qui n'obéiraient pas aux ordres d'Ozaharta.

— Je savais que cette histoire allait m'attirer des ennuis, avait bougonné le Capitaine de la Garde en sortant du Palais entouré de ses propres soldats.

Lioski avait proposé à Lian de loger chez eux le temps du délai car elle habitait loin, ce que la jeune femme avait accepté en se répandant en remerciement. Izidor, si elle avait été assez réveillée pour cela, aurait sûrement grimacé : elle avait beau avoir compris pourquoi sa mère avait réagi si violemment en la voyant pour la première fois, elle ne se sentait toujours pas à l'aise à ses côtés. Elle aurait deviné que durant les prochains jours, elle passerait beaucoup de temps à l'éviter.

ErzikOù les histoires vivent. Découvrez maintenant