Quand le soleil apparut derrière les collines, à l'aube du troisième jour, Izidor commença à angoisser pour de vrai. Pas seulement pour sa potion, mais pour elle. Pour sa vie. Si ça se trouvait, elle arpentait ses dernières heures... Ce lever de soleil était peut-être le dernier qu'elle verrait !
Durant la journée, la reine déterminerait de son sort. Ou peut-être l'avait-elle déjà fait ? Izidor ne savait plus quoi penser. Elle ne l'avait plus revu depuis le procès, ni elle, ni Féltèr, ni aucune des personnes présentes sur le comptoir cette nuit-là. Sihimanus avait-il réussi à les convaincre ? De lui non plus, elle n'avait aucune nouvelle...
Izidor n'était pas la seule à redouter cette dernière ligne droite. Tout le monde se leva tôt, mangea en silence. Comme si elle était déjà morte. Lioski et Ozaharta s'enfermèrent rapidement dans le bureau de ce dernier et Nozikaa lui apprit qu'ils planifiaient un repli vers le portail, au cas où les choses tourneraient mal.
La plus terrifiée était sans nul doute Lian. Quand Izidor était là, elle se montrerais courageuse et confiante, mais la fillette voyait bien que dès qu'elle tournait le dos, la jeune femme parcourait de long en large la maison en se rongeant les ongles et en s'arrachant les cheveux.
— Vous avez fait tout ce qui était en votre possible, ne cessait de lui répéter Parki. De ce qu'on m'a dit, votre plaidoirie était excellente et personne d'autre n'aurait pu la faire à votre place.
— Oui... soupirait Lian. Mais j'aimerais pouvoir faire quelque chose de plus. Cette attente est insupportable !
Izidor attendit que Nozikaa parte à l'école pour se rendre à l'atelier. Elle ne savait pas combien de temps elle y resterait. Le temps nécessaire pour finir sa potion ; elle se l'était promis.
De longue minutes durant, elle resta là, assise sur son tabouret, à contempler ses notes et sa liste d'ingrédients. Elle avait trouvé tout ce qu'il lui fallait. Ça, c'était une certitude. Elle avait essayé toutes les techniques de mixage, tenté de changer l'ordre des ingrédients, essayé de faire cuire sa mixture, de la laisser reposer, demandé de l'aide à toutes les Ouahalis qu'elle pouvait croiser... Alors pourquoi les bulles continuaient-elles à se former ?
Elle était toute proche, elle le savait. Certains de ses tests s'étaient révélés presque concluants. Mais au final, le snil finissait toujours par coaguler.
Izidor regarda son établi croulant sous les fioles, les poudres, les matières végétales et animales, les laits, les sèves, les béchers, les épluchures et autres dégâts collatéraux. Que n'avait-elle pas encore essayé ? Rien... Rien du tout. Ses yeux menaçaient de se fermer et son cerveau pesait aussi lourd que du plomb. Les nuits avaient été courtes dernièrement...
Non. Elle ne devait pas se déconcentrer. Elle y était presque. Que n'avait-elle pas encore essayé ? A part tout ce que les Ouahalis lui avaient conseillé ?
Mais qu'est-ce que les Ouahalis ne lui avaient pas conseillé ? Qu'est-ce qu'elle, Izidor, laissait de côté ? Il fallait penser à l'extérieur de la boîte... A l'extérieur...
La réponse la frappa tellement fort qu'elle tomba de sa chaise.
Texture. Texture, texture, texture.
La fillette se releva et gravit les escaliers quatre à quatre jusqu'à la réserve. Les ouahalis parlaient d'ingrédients, d'ordres et de techniques de préparations, mais jamais de textures. Elle redescendit et manqua de se retamer contre les marches. Lorsqu'elle vivait au manoir, elle s'était mise en tête de reproduire les couleurs de l'arc-en-ciel dans ses mixtures. Izidor lâcha une nouvelle flopée d'ingrédients sur sa paillasse. Ses mélanges du manoir, elle souhaitait qu'ils aient tous la même texture. La fillette attrapa un chaudron et se lança dans la préparation d'une nouvelle base.
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Erzik
FantasyDu haut de ses huit ans, Isabella est plus seule que jamais. Son père, impitoyable, lui interdit presque tout. Il vient juste de renvoyer sa tendre nourrice ! La fillette ne sait plus où trouver du réconfort. Un soir, pourtant, en fouillant dans un...