II - 1. Le Jour des Unions est bien plus drôle lorsqu'on ne s'unit pas

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PRINCIPE N° 1 : LE JOUR DES UNIONS EST BIEN PLUS DRÔLE LORSQU'ON NE S'UNIT PAS

***

Une idée suffit à changer pour toujours la vie de Nozikaa.

Non pas que Nozikaa souhaitât changer sa vie. À bien des égards, sa vie était parfaite, mais l'idée s'infiltra avec un tel naturel que rien ni personne ne put l'arrêter. Encore moins Nozikaa elle-même.

Plus tard, la jeune fille ne saurait mettre le doigt sur le moment précis où l'idée était apparue. Cependant, quand elle relaterait les événements, elle commencerait de la manière suivante : par un jour de fête.

Un jour lumineux et effervescent, au cours duquel Nozikaa prouva une de ses théories favorites : quand il s'agissait d'obtenir ses désirs, les mensonges et les sourires valaient autant que l'argent. Or, si on pouvait se trouver démuni de l'un, l'autre durait éternellement.

Ce jour-là, Nozikaa voulait une liqueur. Et elle l'aurait ! Le stupide vendeur aux longues oreilles rougeâtres qui la lui refusait importait peu.

— Je... Je suis vraiment désolé mademoiselle. Si vous n'avez pas d'argent sur vous, je ne peux rien vous donner !

Pff. Nozikaa souffla :

— Ah, c'est beau, la solidarité ! Ah oui, vraiment ! Un Jour des Unions, en plus !

Derrière elle, la foule d'erzikiens assoiffés se pressait au stand. Une vieille femme la bouscula.

— C'est mon tour !

— Ouais, avancez !

— C'est pas ma faute si cet aberrant benêt refuse de me servir ! clama Nozikaa pour que tous l'entendent.

La file hua. Le vendeur, suant, protesta :

— Je ne refuse pas de vous servir... Vous n'avez pas de quoi payer !

— Nous sommes le Jour des Unions ! Je croyais que ce jour prônait l'amour et la prospérité, le lien qui unit tous les Nartiz. Pas l'avarice !

— Quoi ? Mais...

— Allons, allons. Pourquoi ne voulez-vous pas servir la jeune fille ? demanda un client.

— Je ne peux pas distribuer des boissons gratuitement ! J'ai un patron ! gémit le vendeur.

— Vous savez ce qui me rend triste ? scanda Nozikaa, toujours face à la foule. C'est que, de nos jours, nous ne pouvons plus compter les uns sur les autres. Pour un détail aussi futile que de la monnaie, je me vois refuser le droit de me désaltérer en cette fête si joyeuse. Quel jour tragique pour le Rikdoménèl, mes amis ! Quel jour tragique !

Le jeune homme derrière le stand se consterna :

— Mais n'importe quoi !

Les gens de la foule s'animèrent :

— Ouais, elle a raison !

— Les jeunes de maintenant ne font plus preuve d'aucune solidarité, grogna la vieille femme à côté de Nozikaa.

Cette dernière surenchérit :

— C'est à cause de ce genre de comportement que le monde verra sa perte !

— Servez donc la jeune fille !

— Ouais, servez-là !

— Servez-là !

— TRÈS BIEN ! Je vais vous servir !

Nozikaa baissa les poings.

— S'il vous plaît, calmez-vous, rouspétait-il. Tout le monde se calme !

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