I - 23. L'histoire de Lian

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Izidor recula derrière Nozikaa.

Elle avait passé les deux dernières semaines à se demander où sa mère pouvait être, à parcourir de longues distances pour la retrouver, à chercher son regard dans la salle du procès... Et maintenant qu'elle se tenait là, devant elle, Izidor ne souhaitait qu'une chose : qu'elle fasse demi-tour.

Edeï toussota.

— Eh, ça ne vous dirait pas de descendre avec moi ? lança-t-elle à Lioski et Ozaharta. Il y a des... des chooooses dont je veux vous parler !

Les parents de Nozikaa ne se firent pas prier et suivirent la Ouahali en chef hors de la tribune. Izidor se recroquevilla un peu plus derrière son amie. Elle entendit Lian soupirer.

— Izidor, approche. S'il te plaît...

La voix de sa mère était toute douce, bien plus douce que quand elle avait parlé devant le conseil. À contrecœur, Izidor contourna Nozikaa et s'avança.

Comme elle refusait de lever les yeux, Lian s'agenouilla pour être à sa hauteur. La mère et la fille s'observèrent pour la première fois depuis huit longues années. Le monde entier s'estompa.

Si une personne extérieure avait levé la tête vers la tribune de l'accusé, cette nuit-là, il y aurait vu deux femmes emplies d'une grande émotion qui partageaient le même sang, cela n'aurait fait aucun doute : leurs mentons pointus, leurs coiffures similaires, leurs yeux gris, leurs peaux pâles, leurs joues rouges... L'observateur se serait sûrement demandé si la jeune femme n'était pas la version adulte de la fillette.

Mais personne n'observait la tribune. Lian regarda Izidor comme on aurait contemplé un bijou. Une larme roula sur sa joue et avec prudence, elle passa sa main sur celle de sa fille.

— Tu es tellement jolie...

Izidor se permit d'en douter. Elle devait avoir les yeux rouges, de gros cernes, des cheveux en bataille, des peintures à moitiés effacées sur le front et les joues et un air parfaitement ahuri. En plus de cela, elle tremblait de tous ses membres.

Mais Lian sourit avec tendresse.

— Et tu as tellement grandi !

Les mots restèrent bloqués dans la gorge d'Izidor. Lian eu l'air infiniment triste, soudain. Elle soupira encore et baissa la tête.

— Je... Je suis désolée pour l'autre jour. Je réalise maintenant à quel point j'ai dû te paraître affreuse. Mais j'ai eu tellement peur ! Tu n'étais pas censé être là, je... J'ai paniqué...

Elle leva les yeux sur elle, bouleversée.

— Tu ressembles tellement à ton père !

Izidor en eut le souffle coupé. Personne ne lui avait jamais dit qu'elle ressemblait à son père avant. Jamais.

Lian se remit debout et soupira pour la troisième fois.

— Edeï m'as tout raconté de comment tu es arrivé jusqu'ici. Je m'en veux tellement, si j'avais su plus tôt que tu étais à Erzik, j'aurais... J'aurais...

— Est-ce que tu ne voulais pas de moi ? Est-ce que c'est pour ça que tu es repartie en me laissant au manoir quand j'étais bébé ?

Les mots coincés dans sa gorge s'étaient échappés sans qu'Izidor ne puissent les retenir. Lian en resta comme deux ronds de flanc, la bouche béate.

— Quoi- Je... Non ! Non, non, bien sûr que non ! s'affola-t-elle. Pourquoi penserais-tu une chose par... Oh, par Erzikaa, oui, je comprends comment tu as pu penser une chose pareille. Eh bien, ce n'est pas du tout la vérité ! Je n'ai jamais, jamais, voulu te fuir !

ErzikOù les histoires vivent. Découvrez maintenant