II - 19. On ne coure pas au combat les mains dans les poches

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PRINCIPE N° 19 : ON NE COURE PAS AU COMBAT LES MAINS DANS LES POCHES

***

Nozikaa ne savait pas à quoi s'attendre en se rendant au Département des Affaires Terriennes le lendemain matin : son oncle lui avait annoncé la veille qu'il lui réservait un exercice particulier.

Rien ne se produisit de la matinée. Ils suivirent la même routine que d'habitude, Sihimanus discourant avec enthousiasme, Nozikaa partageant son attention entre son apprentissage qu'elle souhaitait absorber au maximum et ses soucis annexes, et les gardes surveillant la porte.

En dix jours, les connaissances de la jeune fille à propos de sa destination s'étaient multipliées au centuple. Sihimanus l'avait averti sur tout : comment se loger ; comment se faire de l'argent ; comment ne pas se trahir en changeant de vie régulièrement ; comment manipuler les humains curieux ; comment ne pas oublier les rendez-vous obligatoires. Nozikaa avait vu des cartes. Elle savait où elle allait et dans quel sens elle pourrait évoluer. Elle avait appris ce qu'elle avait le droit de faire - en gros, presque tout -, les interdits absolus - très réduits -, qui elle croiserait potentiellement sur Terre : exilés, explorateurs, chercheurs, agents de la commission des exils... Sihimanus lui avait tout expliqué des relations qu'entretenait ce beau monde ; à qui elle devrait faire confiance et qui elle devrait éviter.

À force, même l'espagnol ne sonnait plus si étranger aux oreilles de l'adolescente. Elle saisissait quelques passages dans les moments où son oncle, pris d'une folie quelconque, ne déblatérait plus que dans ce langage étrange.

Il aimait utiliser ses propres écrits pour illustrer ses thèses, ce que Nozikaa appréciait. On n'était jamais mieux servi que par soi-même.

Mais, alors que les jours restants s'égrainaient plus vite que la poussière dans un sablier, les fonctionnaires du Département se montraient plus insistants. Ils faisaient pression pour que Nozikaa s'en aille. La plupart des hors-la-loi ne restaient pas en formation durant la quatorzaine maximum entière ; ils étaient jugés apte bien avant. Le Département désirait récupérer sa salle et renvoyer les gardes mobilisés. Sihimanus bataillait pour les convaincre que Nozikaa n'était pas encore prête. Mais quelques soit les efforts du spécialiste de l'espèce humaine, ils ne reculeraient pas la date butoir.

Il restait quatre jours avant la fin. Avant le début.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre.

Quand le soleil se lèverait sur le cinquième, elle serait partie.

C'était dur à imaginer et pourtant, la surprise de Sihimanus la projeta avec succès dans son futur proche.

Elle advint après la pause du déjeuner. Nozikaa somnolait sur son pupitre (l'addition de la digestion à ses nuits sans sommeil) au moment où il sortit de sa besace un miroir rectangulaire de la taille d'un livre. Elle se redressa sur un coude.

— À quoi ça va servir ?

— Nous avons un test à faire.

— Quoi, si je ne suis pas assez jolie, je n'ai pas le droit de partir ?

Il prit en main une petite fiole dont le liquide rose avait une texture laiteuse.

— Effectivement, c'est à propos des apparences.

Nozikaa commençait à comprendre. Elle laissa néanmoins son oncle expliquer :

— Tu te souviens quand je t'ai dit que les bannis avaient droit à des injections pour garantir un effet durable ? Voici la potion que moi et une poignée d'autres utilisons pour traverser le portail sur une courte période. C'est grossièrement le même contenu. Elle te munit tout aussi efficacement d'une apparence humaine. Aujourd'hui, tu vas essayer. Voir un peu comment tu te sens, ainsi transformée ! Ça peut être une expérience troublante, après tout.

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