I - 4. Le portail bleu

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Isabella avança quelques pas mal assurés dans les bois qui bordaient la route avant de s'arrêter pour déplier sa carte. Elle regretta de ne pas avoir entouré au crayon le ruisseau du Passeur car elle prit dix minutes supplémentaires à le retrouver sur le plan. Isabella traça ensuite avec son doigt un chemin qui lui permettrait de s'y rendre rapidement. Le truc, c'est qu'elle n'avait aucune idée du sens dans lequel il fallait tourner la carte.

La petite fille rebroussa chemin. Il n'y avait qu'une route qui partait du manoir, il serait plus facile de se repérer là-bas.

Elle retrouva la route sans trop de difficultés.

À partir de là, ce fut un véritable fiasco.

Isabella choisissait son chemin tantôt depuis ce qu'elle pensait que la carte lui indiquait, tantôt en se fiant à son instinct. Si au début la fillette marchait insoucieusement, tout à son enthousiasme de pouvoir enfin décider du sentier qu'elle prenait, l'inquiétude s'insinua petit à petit en elle. Il n'avait personne aux alentours. L'obscurité était totale. La lune paraissait de temps à autre derrière un nuage, sous la forme d'un mince croissant, mais rien de suffisant pour lui permettre de discerner où elle mettait les pieds. Parfois le hululement perçant d'une chouette en pleine chasse rompait le silence et la faisait sursauter.

Puis très vite, la carte devint inutile. Il était impossible de repérer les panneaux dans les ténèbres. Où se situait-elle sur le chemin ? Elle pensait qu'elle serait déjà arrivée au ruisseau ! Elle avait dû louper le tournant.

Isabella hésita à revenir sur ses pas. Et si elle ne s'était pas trompée ? Finalement, elle fit demi-tour et s'enfonça dans la forêt en empruntant un tout petit sentier. Le vent violent qui soufflait s'atténua aussitôt, coupé par les arbres. La fillette entendit plusieurs petits grattements et autres bruissements de fourrés : les animaux des bois s'écartaient sur son passage. Le tonnerre gronda, tout près.

Plic, ploc ! Une pluie fine se mit à tomber, ruisselant sur les feuilles et gouttant sur ses cheveux. Et tandis que les nuages se vidaient de leurs lourds chargements, Isabella s'interrogea : pourquoi rien n'allait comme il fallait !

La petite fille décréta qu'elle était entièrement perdue lorsqu'elle passa pour la troisième fois devant le même rocher couvert de mousse. Une boule se forma dans sa gorge. Elle allait devoir rentrer au manoir et réessayer un autre jour... Si on ne l'en empêchait pas ! De désespoir et à bout de force, elle se laissa tomber dans un renfoncement de la pierre et encercla ses genoux de ses maigres bras. La pluie ne l'atteignait plus, mais elle grelottait. Elle attendrait ici que l'orage passe. La fillette ne savait même pas de quel côté se situait le manoir. Ce qu'elle était stupide ! Elle avait cru qu'elle, du haut de ses huit ans, aurait pu se débrouiller seule en pleine nuit ? Voilà une idée parfaitement idiote. Des larmes se mélangèrent aux gouttes de pluie sur ses joues. Elle en avait assez de pleurer tout le temps.

A l'instant où elle pensait cela, une chaleur s'alluma au creux de sa poitrine, comme un feu crépitant. Ce feu l'incita à se relever, à continuer d'avancer. Il la réchauffa aussi, plus efficacement qu'un bol de chocolat chaud.

Isabella se redressa et dévia du sentier. Elle marchait dans les broussailles sans se poser de question, c'était comme si ses jambes fonctionnaient toutes seules. Comme si ses pieds connaissaient le chemin.

Tout à coup, il y eut un « splash » et la fillette se retrouva les deux pieds dans l'eau.

Elle n'arrivait pas à y croire. Le ruisseau du Passeur, elle l'avait trouvé ! Bien sûr, il aurait pu s'agir de n'importe quel autre torrent qui passait dans la région, mais c'était le bon, Isabella en était persuadée !

ErzikOù les histoires vivent. Découvrez maintenant