PRINCIPE N° 12 : UNE ANTICHAMBRE PERMET D'ÉTUDIER LES VISAGES ET DE DEVINER LES OPINIONS
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La chambre des parents de Nozikaa était un trésor massif de décoration, et pourtant la jeune Nartiz n'y entrait presque jamais. Ce plaisir lui était refusé. Aujourd'hui, cependant, elle y avait été convoquée pour une discussion à la fois déplaisante et impatiemment attendue.
Adossée à la table de bois vernie au centre de la pièce, Nozikaa regardait ses parents s'apprêter. Droit devant elle, il y avait un grand lit rond, profond et attirant. Plus jeune, elle se faufilait dans la pièce pour y rebondir ; le souvenir remonta sans prévenir. De chaque côté du lit, deux miroirs face à face devant deux commodes ouvragées créaient un reflet sans fin. Ozaharta occupait le miroir de gauche, où il attachait les boutons de sa chemise, Lioski, le miroir de droite, ou elle passait un peigne dans ses cheveux courts. Ils baignaient tous les trois dans la lumière pâle de l'aube.
À droite de Nozikaa grimpait un escalier de pierre blanche menant à une coursive qui traçait le tour de la chambre. Le plafond aux poutres de pierre et de verre s'élevait très haut. La propre chambre Nozikaa n'avait qu'un seul pauvre étage, ce qui était franchement injuste.
Les appartements continuaient derrière la table où elle s'appuyait avec un salon et la jolie double porte d'entrée. Le mur dans son dos regorgeait de peintures aux cadres d'or. Nozikaa n'y prêtait aucune attention. Elle fixait les doigts aux gestes précis et rapides de son père alors qu'il enfilait une veste bleu marine, version alternative de son uniforme de Capitaine. Ce n'était pas l'homme soucieux et agité qu'elle avait épié dans son bureau un peu plus tôt, mais un officier aux pensées illisibles derrière son masque de détermination. La jeune fille se demanda depuis quand il n'avait pas dormi. Pas cette nuit, c'était sûr. Et avant ? Les funérailles du roi Tahalanor avaient pris tout son temps. Alors comment, au nom de la Bonne Fortune, demeurait-il comme tous les autres jours de sa vie : impeccable et bien coiffé ?
Si ses parents étaient silencieux, c'est qu'il venaient d'achever leur tirade - ce pourquoi Nozikaa était là. Ils lui avaient expliqué comment le procès se déroulerait. Comme elle avait moins de quatre-vingt ans, Ozaharta parlerait en son nom. Il prendrait sa place dans la tribune de l'accusée, ce qui ne surprit guère Nozikaa, vu comme ils l'avaient ignoré toute la nuit, mais ne la mit pas moins en colère. Son père n'était pas coupable ! Et, s'ils avaient décidé de ne pas nier ni mentir, alors Nozikaa voulait prendre le crédit complet de ses actions. De plus, elle avait pratiquement quatre-vingt ans. Que représentaient deux ans et une saison, à l'échelle d'une vie ?
Lioski avait détaillé un peu leur plan d'attaque :
— La seule chose sur laquelle nous pouvons tirer, autre que l'argument de la jeunesse, c'est rappeler qu'il s'agissait d'un accident. "Je ne l'ai pas fait exprès", comme tu le dis si bien.
C'était petit de la part de sa mère, mais encore une fois, cela ne surprit guère Nozikaa.
— Ce qui, soyons francs, sera fortement atténué lorsqu'ils mettront en évidence tout ce par quoi tu es passé pour planifier ton cambriolage.
Ce que Nozikaa voulait vraiment savoir, c'est si on lui donnerait l'occasion de se défendre elle-même. Elle ne savait pas si elle pourrait se retenir, de toute façon ; pas si les choses tournaient mal devant ses yeux. Il n'y avait qu'à demander, mais... savoir que dorénavant ses parents la détestaient lui liait la langue.
C'était une sensation bizarre. Jamais elle ne s'était préparée à cette éventualité ; l'éventualité qu'elle cause assez de problème pour qu'ils cessent de l'aimer. La détesteraient-ils pour toujours ?
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Erzik
FantasíaDu haut de ses huit ans, Isabella est plus seule que jamais. Son père, impitoyable, lui interdit presque tout. Il vient juste de renvoyer sa tendre nourrice ! La fillette ne sait plus où trouver du réconfort. Un soir, pourtant, en fouillant dans un...