PRINCIPE N° 16 : PERSONNE N'A BESOIN DE TRISTESSE INUTILE
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— Je sais que tu apprends vite Nozikaa, mais crois-moi, une fois là-bas tu me remerciera de t'avoir appris les bases.
— Je connais déjà les bases d'espagnol, je te ferais savoir. Izidor m'a appris des trucs il y a très longtemps.
— Très bien, fit Sihimanus, joueur. Alors tu n'auras aucun souci à me répondre !
Il parla à toute vitesse dans un dialecte chantant et coulant à souhait. Nozikaa ne saisit pas le moindre mot.
— D'accord, d'accord, monsieur je-parle-six-langues, ne vous enflammez pas. Je sais dire buenos dias et me llamo Nozikaa, ça s'arrête là !
Il rit.
— C'est un début. La moindre avance te sera précieuse si tu dois apprendre l'espagnol. Ce ne sera pas tâche facile. Le nartizi, c'est tout dans la gorge, vois-tu ? Mais l'espagnol, c'est tout dans le roulement de la langue. Très difficile à maîtriser, au départ.
— Y'a des potions qui existent pour comprendre une langue sans l'apprendre.
— Oh oui, mais ne crois pas y avoir droit. Elles sont rares. Tu imagines bien qu'elles ne sont pas distribuées de bonté de cœur aux bannis, vous êtes supposés vous débrouiller. C'est pour ça que je veux t'aider à...
— Hum, pardon de t'interrompre, mais vraiment ? Tu veux m'apprendre une langue entière en huit jours ? demanda Nozikaa, sarcastique, les bras croisés sur sa chaise.
Sihimanus attrapa une deuxième chaise sur laquelle il s'assit à l'envers, en face du pupitre de sa nièce.
— D'abord ; non. Je vais t'enseigner les bases. Ensuite... Tu sais que dans tous les cas, tu vas devoir apprendre, pas vrai ? Si tu passes des années à n'entendre que ça, je te garantie que tu vas apprendre, quand bien même tu résisterais de toute ta volonté.
— C'est réglé alors. Je vais apprendre de toute façon ; autant de pas gâcher du temps sur ça !
Sihimanus plissa les yeux.
— Es-tu en train de me contredire juste pour le plaisir ?
Nozikaa haussa les épaules.
— C'est trop facile avec toi. Je ne peux pas m'en empêcher.
— D'accord, je vois. Ne gâchons pas plus de temps, comme tu le dis !
Il se leva.
— Apprendre une langue est un travail fastidieux dont nous n'avons pas l'habitude, ici. Surtout que, contrairement à notre nartizi, les langages terriens bougent sans cesse. Les conventions changent, des nouveaux mots apparaissent tous les ans. Pour une même langue, il y a des dizaines d'accents dissemblables ! L'espagnol que j'ai appris quand j'ai commencé - quand était-ce donc... 1875 ? - n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui et lui-même ne sera pas le même dans quarante ans. Forcément : une langue inventée par ceux qui la parlent est condamnée à évoluer. La nôtre est guidée par nos instincts. Ça fait toute la différence.
Il traça à la craie des courbes représentant les deux langues, inscrivit des mots et traça des flèches.
— À cause de cela, tu auras besoin d'une grande capacité d'adaptation compliquée à convoquer pour nous qui vivons là où tout reste toujours pareil. Cette constante actualisation, les humains la font sans même réfléchir ! Tu verras comme c'est impressionnant. Je ne veux pas m'étendre - j'ai déjà écrit un livre sur le sujet - mais leur espérance de vie courte leur prodigue des capacités dont nous n'avons pas idée !
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Erzik
FantasyDu haut de ses huit ans, Isabella est plus seule que jamais. Son père, impitoyable, lui interdit presque tout. Il vient juste de renvoyer sa tendre nourrice ! La fillette ne sait plus où trouver du réconfort. Un soir, pourtant, en fouillant dans un...