I - 13. Un oncle savant

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— Maman, c'était incroyable !

À l'instant où les fillettes débarquèrent dans la pièce, Nozikaa se jeta dans les bras de sa mère.

— Comment avez-vous réussi à les faire partir ? demanda Parki qui arrivait derrière elles. Je les aurais pensée plus persévérants...

Lioski repoussa gentiment sa fille.

— Féltèr était à leur tête. Je connais ce type, s'il y a une personne pire que la reine, c'est bien lui ! Il ne lâchera pas le morceau. Mais je me demande pourquoi il a pris lui-même cette affaire en main. Il travaille avec le roi, donc il n'a jamais été intéressé par la justice. Peut-être qu'il n'aime pas les humains... Ça ne serait pas le premier.

Isabella se sentit coupable. Tout ce qui arrivait à la famille de Nozikaa était de sa faute. En acceptant de la protéger, Lioski se tissait un statut de hors-la-loi... La fillette pensa qu'elle ferait mieux de partir sur le champ pour éviter de leur créer plus d'ennuis, mais son courage flancha : sans l'aide de Nozikaa, Lioski et Parki, elle se ferait attraper en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "mère" ! Elle passa avec angoisse la main sur sa nuque.

— Mais nous avons une question plus importante à régler, décréta la maîtresse de maison, les deux mains à plat sur la table. Comment, par Erzikaa, Féltèr a-t-il pu savoir qu'Isabella se trouvait ici ? Vous n'êtes pas sorti depuis trois jours, que je ne sache ?

Isabella et Nozikaa hochèrent la tête.

— Attendez, fit Parki, Nozikaa, tu ne disais pas que vous alliez quelque part, juste après avoir rencontré Isabella ? Mais oui, vous alliez au P...

— Non ! coupa Nozikaa. On est restée à la maison, en fin de compte.

— Ah ?

Pourquoi Nozikaa mentait-elle ? Lioski les observait avec attention.

— Alors quel – ou qui – peut bien être sa fameuse source ? Personne n'a la moindre idée ?

Lioski sonda chacun des visages qui lui faisait face sans y trouver de réponse. Un souvenir revint alors à la mémoire d'Isabella : le jour où elle avait rencontré Nozikaa, cette dernière l'avait traînée jusqu'au Palais... En rentrant, Isabella avait croisé le regard d'une jeune fille avec des couettes. Elle avait relégué cet événement dans un coin de son cerveau, mais elle n'avait pas oublié le regard accusateur que l'inconnue lui avait lancé. Plus inquiétant encore, la fillette les avait vu entrer dans la demeure de Nozikaa. Et Isabella avait eu le sentiment qu'elle savait tout...

Elle hésita à raconter cet épisode. Après tout, était-il vraiment lié aux événements d'aujourd'hui ? Si elle parlait, elle compromettait le mensonge de son amie... Et puis, elle craignait que Lioski ne se mette en colère. Elle n'aurait jamais dû accepter de sortir ! Et si Lioski déclarait qu'elle était trop compliquée à protéger ? Et si elle se faisait jeter dehors ? Isabella tenta de contrebalancer ses craintes : La mère de Nozikaa venait de renvoyer un conseiller royal afin de s'assurer de la sûreté de la fillette... Ce n'était pas maintenant qu'elle changerait d'avis... Si ?

Isabella était presque décidée à tout avouer lorsque Lioski soupira.

— Bon, nous nous inquièterons de cela plus tard. On ne va pas rester là à ne rien faire en attendant que Féltèr ne revienne. 

Elle redressa la tête.

— Nous allons te cacher... D'une autre manière !

*

Enfermées dans une calèche aux banquettes de velour vert sapin, Isabella, Nozikaa et Parki dodelinaient de la tête au rythme des cahots de la route pavée. De chaque côté de la rue, les grandes maisons aux toits plats s'alignaient et se ressemblaient. Isabella observait par l'étroite fenêtre le dione qui tirait la voiture, majestueux animal reptilien aux écailles noirs et jaunes.

ErzikOù les histoires vivent. Découvrez maintenant