Le soir même, un grand dîner était donné pour accueillir leurs Altesses royales. Le roy était au centre de la table avec son épouse, sa belle-sœur à côté et son frère près de la reine. Cela laissait tout le loisir à Louis de discuter avec Sophie et ainsi rentrer dans ses bonnes grâces. Elle était la seule femme à lui résister et cela lui plaisait.
– Comment va votre fils Sophie ? Se porte-t-il bien ? Est-il baptisé déjà ?
– Thomas se porte bien je vous en remercie. Il a été baptisé dans notre demeure peu après sa naissance afin que les grâces de Dieu l'accompagnent au plus tôt.
– Vous m'en voyez ravi. Sachez que je suis heureux que vous soyez revenue. Votre présence nous manquait et à moi tout particulièrement.
Il prit sa main après avoir dit cela mais Sophie se dégagea rapidement pour continuer de manger en souriant. Elle ne voulait plus être touché par cet homme de quelque manière que ce fut. Philippe ne perdait pas une miette de ce qui se passait entre son épouse et le roy. Même s'il se trouvait en grande discussion avec la reine, qui lui expliquait ses péripéties en tant qu'étrangère à la Cour.
Un serviteur se plaça au centre de la pièce et réclama le silence pour accueillir la favorite du roy.
– Votre Majesté, la marquise de la Garrière.
Tous les courtisans furent surpris et chacun poussèrent un « Oh ». Philippe releva brutalement la tête et observa l'arrivée de celle qui fut autrefois son amante. Catherine de la Garrière s'avança gracieusement jusqu'au serviteur et s'inclina devant le roy et la reine.
– Votre Majesté, c'est un honneur pour moi que d'être ici parmi vous.
Louis XV se leva et alla rejoindre sa maîtresse. Prenant sa main, il annonça officiellement que la marquise était sa favorite et que quiconque osait lui manquer de respect se verrait aussitôt être renvoyé de la Cour. Philippe se leva, faisant crisser sa chaise, et partit d'un pas lourd jusque dans les Jardins. Sophie regarda de manière mauvaise Catherine, posa sa serviette et rejoignit son mari. Arrivée dans les Jardins, elle mit un peu de temps avant de s'habituer à l'obscurité. Elle vit son époux adossé contre la rambarde de pierre, penché en avant et regardant au loin. La jeune femme s'approcha de lui et passa ses bras autour de lui, appuyant son menton sur son dos.
– Tout ceci est pour me narguer. Pour montrer qu'il peut avoir toutes les personnes dans son lit. Peu importe qu'elles aient été avec moi. Peu importe qu'elles aient été rejetées par son frère. Il sera là pour les remettre sur pieds. C'est un affront envers moi.
– Mon amour, s'il souhaite avoir les restes alors que grand bien lui fasse. Nous sommes heureux non ? dit Sophie en posant ses lèvres sur son dos.
Philippe se dégagea d'elle et tapa du poing contre la pierre.
– Ce que tu ne comprends pas Sophie, c'est qu'il veut montrer qu'après Catherine, il te prendra toi. Et je ne pourrai rien y faire.
– Encore faut-il pour cela que j'accepte, répondit-elle les sourcils froncés. Si je ne l'aime pas, cela va être difficile pour lui de me choisir comme maîtresse.
– Il peut te choisir comme favorite sans forcément te mettre dans son lit. Mais tu devras faire chambre séparée avec moi et l'on ne pourra plus se voir. Tu seras séparée de Thomas. Et ça, je ne l'accepterai point.
Il se retourna vers elle et posa une main sur sa joue. Sophie l'attrapa et la serra de ses doigts fins en fermant les yeux.
– Depuis quand sommes-nous passés au tutoiement votre Altesse ? murmura-t-elle en souriant.
– C'était instinctif pardonnez-moi Sophie.
– Au contraire, j'aime bien. Cela change et nous rapproche j'ai l'impression. N'ayez point peur pour ce qui est de mon avenir. Je me trouverai à vos côtés quoiqu'il advienne. Et notre enfant aussi. Mon amour pour vous, pour toi, est infaillible.
– Plus le temps passe, et plus je vous trouve merveilleuse ma chère et tendre Sophie.
Il l'enlaça et embrassa sa tempe. Oui, il ferait tout pour la garder près de lui. Il l'emmènerait où qu'il aille afin que son frère ne puisse pas la prendre. Il en faisait le serment.
La fête battait son plein lorsque les amoureux rentrèrent dans la salle. Les tables avaient été poussées et les danseurs étaient au centre, s'amusant avec leurs partenaires. Le roy était lui en train de danser avec sa nouvelle favorite.A la vue de cela, Philippe se tendit et son épouse lui serra un peu plus fort la main. Elle se hissa sur la pointe des pieds et dit à son oreille :
– La prochaine danse est pour nous ?
Philippe acquiesça et la regarda en souriant. Une fois que la musique fut terminée, il décida de l'emmener au centre. Les musiciens jouèrent un morceau permettant de danser le Passe-Pied. Se mettant l'un en face de l'autre, ils s'inclinèrent avec un grand sourire et commença les pas glissés légers. Sautillant de temps en temps, ils se regardaient toujours les yeux dans les yeux jusqu'au moment où Philippe se rapprocha d'elle et posa une main sur sa taille tandis que l'autre prenait sa main à elle. Ensemble ils tournoyèrent jusqu'à faire disparaître le monde autour d'eux. Les deux danseurs se regardaient : la jeune femme avec des étoiles dans les yeux, profitant de ce moment présent tandis que lui, observait sa femme avec un regard passionné.
Les personnes extérieures murmuraient entre eux admirant ce couple qui semblait fou d'amour. Malgré les tensions qu'il y avait pu avoir, tous les courtisans voyaient à présent à quel point la passion et l'amour avaient pris place dans leur cœur. Même le roy et sa maîtresse les observaient. Le roy avait les yeux fixés sur Sophie, se demandant si un jour il pourrait l'avoir auprès de lui ; la marquise rageant de n'avoir pu garder près d'elle Philippe d'Aquitaine. Lorsque la danse prit fin, Philippe arrêta sa partenaire et ensemble, ils reprirent leur souffle, continuant de se regarder.
– Merci pour ce moment, murmura-t-elle en souriant.
– Merci à vous d'être présente dans ma vie, répondit-il en la serrant contre lui.
"L'Europe Galante" est un opéra composé par André Campra en 1697. Certains de ces passages étaient utilisés sous Louis XV pour danser le Passe-Pied.
Le passe-pied est une danse européenne. Il s'agit d'une danse à trois temps, vive et gaie, proche du menuet , mais plus rustique. Elle a été mise en place sous Louis XIV mais Louis XV l'utilisa beaucoup plus. Cette danse remplaça la Pavane qui était jusque là la danse préférée des Français.
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...