9 : Le Conseil

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Plusieurs jours s'étaient écoulés et la duchesse ne se remettait toujours pas. Le nombre de morts au palais augmentait : des nobles, des serviteurs, des ouvriers, des prisonniers. Beaucoup de nobles ne sortaient presque plus pour éviter d'attraper cette maladie. D'autres allaient se confesser pour remettre tous leurs péchés à Dieu, au cas où un malheur viendrait les frappait.
Éléonore était toujours auprès de sa maîtresse, épongeant sa sueur grâce à des linges mouillés. Elle la sortait de son lit uniquement pour lui faire prendre un bain et pour aller sur le pot. Le médecin avait inspecté son urine et ce dernier était foncé, montrant ainsi qu'il n'y avait aucune évolution.
Le mari de Sophie, Philippe, se consolait en montant à cheval. Il disparaissait plusieurs heures pour revenir ensuite au chevet de sa femme. Malgré les mises en garde des médecins, il voulait rester auprès de celle qui portait son futur enfant.
Le roy n'avait pas le droit de se rendre auprès de sa belle-sœur sur ordre de ses conseillers. Aussi, restait-il dans ses appartements à parler de guerre, de politique et d'arrangement. Il entretenait une correspondance avec son beau-père concernant le trône de Pologne. Il devait essayer de persuader l'empereur romain germanique et sa femme de se prononcer pour choisir Stanislas Leszczynski et ainsi, empêcher une guerre. C'est ainsi qu'il avait réuni ses plus proches conseillers pour discuter de l'affaire du trône de Pologne.

– Sire, commença le cardinal de Fleury, ministre d'Etat, cet homme n'apporte rien de bon pour notre pays. Nous devons à tout prix l'envoyer en Pologne où il pourra diriger la Pologne.

– Mais, l'interrompit le marquis de Grosbois, secrétaire des Affaires Etrangères, nous nous devons de l'escorter comme il se doit. Et puis, cela ne porterait-il pas préjudice à notre pays si nous nous opposons à l'empereur Charles VI ?

– Je persiste à dire que non. Si nous faisons croire aux germains que le beau-père de sa majesté est sur le territoire français, alors nous pourrons l'emmener où bon nous semblera, continua le ministre.

– Fleury, il me semble que plusieurs espions germaniques ont été détectés dans beaucoup de villes françaises, dit le roy sceptique. Votre idée est bonne mais... Nous devons trouver un autre moyen pour faire croire qu'il se trouve à nos côtés.

– Et pourquoi ne mettrions-nous point un sosie sur un navire français ? Les espions ne sont normalement point sur nos bateaux, proposa le secrétaire de la Marine, le comte de Maurepas.

Tous les intéressés se tournèrent vers ce petit homme – car oui il était petit, et sourirent comme convaincus par cette idée. Le roy Louis XV s'approcha de lui et tendit sa main que le comte de Maurepas n'hésita pas à serrer avec envergure.

– Comte, je crois bien que c'est bien la première fois que vous avez une aussi bonne idée. Quel navire est le plus proche de nos côtes ?

– Il y a un navire marchand français qui est accosté à Bordeaux mon roy.

– Non. Il mettra beaucoup trop de temps pour se rendre jusque là-bas. Il faut que nous trouvions un port plus proche pour que la nouvelle se répande au plus vite tandis que nous extrayons le futur roy.

– Le Diamant, un nouveau vaisseau de guerre, vient d'être terminé à Brest majesté, se hasarda le seigneur d'Angervilliers, secrétaire d'État à la Guerre.

– Très bien. Alors je veux que la rumeur comme quoi il se trouve sur ce navire soit sur les lèvres de tous les nobles de la Cour.

– Votre Majesté, les nobles restent chez eux. La maladie n'est toujours pas éradiquée.

– Tous les médecins doivent se pencher sur la question pour savoir comment vaincre cette maladie ! A partir de maintenant. En attendant, Maurepas, vous êtes chargé de trouver un sosie du futur roy de Pologne. Qu'il soit escorté jusqu'au navire et qu'une foule l'acclame comme s'il était Stanislas Ier.

– Bien votre Majesté. Cela sera fait.

Tous s'inclinèrent puis quittèrent la salle du Conseil laissant le roy seul avec son 1er valet de chambre. Le roy s'assit face à la fenêtre et contempla les jardins vides de son château.

– Bontemps... Comment se trouve la duchesse ?

– La duchesse d'Aquitaine se repose et ce depuis plusieurs jours. Les médecins sont plutôt pessimistes quant à son état.

– N'avons-nous donc aucun moyen pour la soigner ? J'ai fait une promesse à mon frère. Je suis le roy et je me dois donc de respecter les promesses que je fais.

– Cela va sans dire votre Majesté. Malheureusement, tout est entre les mains de Dieu.

– Prononce-t-elle quelques mots encore ou bien sa fièvre la tait ? demanda Louis soucieux.

– Elle demande à ce qu'on lui apporte des fleurs chaque jour. Et ce, je cite, pour retrouver la fraîcheur des jardins lorsqu'elle se promenait.

– Que l'on exauce son souhait.

– Mais sire...

– Si elle doit passer les derniers jours de sa vie dans son lit, au temps qu'elle les passe avec ce qu'elle aime le plus. Les fleurs.

A ces mots, il prit un iris dans un des vases posé sur un des meubles. Il huma la fleur tout en fermant les yeux. Il se souvenait de la première fois qu'il l'avait vue lorsqu'elle était descendu du calèche quelques jours avant ses noces. Le vert était une couleur qui lui allait à ravir. A cet instant, il sut que lui, Louis XV, en tant que souverain, il devait la protéger. Quoi qu'il advienne. Que ce soit de son frère ou des complots de la Cour, il devait l'épargner de toute cette douleur. Il s'était fait un serment ainsi qu'une promesse à son frère. Si elle devait mourir, alors pourquoi Dieu l'avait-il choisi pour être roy de France et de Navarre ? Cela allait remettre en cause son droit sur le trône. Surtout que son frère allait lui en vouloir et n'hésiterait pas à le dénigrer devant les autres nobles. Philippe était intenable. Et ce depuis leur plus tendre enfance. Élevé d'une main de fer par son père, Philippe avait appris très jeune qu'il ne devrait pas se mettre en travers du chemin de Louis. Mais dès que ses deux parents furent décédés, et que Louis prit le pouvoir, Philippe n'avait pas hésité à s'afficher devant toute la Cour avec sa maîtresse. Que ce soit devant les français eux-mêmes ou bien devant les ressortissants étrangers. Dès ce moment, il n'avait plus réussi une seule fois à contrôler son frère. Si sa femme venait à mourir, il rentrerait dans une phase que Louis appréhendait. Aussi le roy de France ferma les yeux et tenta de trouver toutes les solutions possibles pour échapper à ce problème. 

"Vedro Con Mio Deletto" de Vivaldi est un morceau de la pièce chantée "Giustino"

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"Vedro Con Mio Deletto" de Vivaldi est un morceau de la pièce chantée "Giustino". L'opéra a été composé pour le Carnaval de 1724 à Rome. Cette oeuvre a été commandée par le directeur du théâtre Capranico : Fédérico Capranica. 

J'ai encore deux chapitres d'avance pour cette histoire donc la semaine prochaine vous en aurez encore un. Prenez soin de vous et restez chez vous !

Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant