Lorsque Sophie rentra dans sa suite en appelant Éléonore, c'était avec un grand sourire. Cette dernière s'en étonna. Tout en l'installant pour la préparer pour le bal de ce soir, la suivante lui demande ce qui s'était passé dans la salle.
– Oh Nonore si tu avais vu comment il m'a regardée durant toute notre discussion !
– Qui donc ma dame ?
– Le roy. Il a arrêté de jouer pour venir me parler, délaissant toutes les jeunes femmes qui se trouvaient près de lui. Te rends-tu compte ? Rien que pour discuter avec moi !
– Ne vous faites pas trop d'illusions. Il fait ceci avec toutes les dames qu'il aimerait avoir près de lui. Les maris de ces femmes ne peuvent rien dire malheureusement.
– A-t-il des maîtresses ? demanda soucieuse la duchesse.
– Je ne crois point votre Altesse.
– Alors je sais qu'il est fidèle à sa femme. Il m'a longuement parlée d'elle, Marie Leszczyńska.
– Que vous a-t-il demandé ?
– Seulement de sourire plus. Ce que je vais faire ! Je me sens mieux après lui avoir parlé. Entendre une personne vous faire des compliments, pouvoir discuter avec lui de tout ce qu'on veut. Savoir que l'on est écouté, cela fait tellement de bien.
Éléonore leva les yeux au ciel tout en finissant de préparer sa maîtresse. Elle l'écouta parler de tous les sujets de conversation qu'elle avait pu avoir avec le roy et dans sa tête, elle se dit qu'elle devait faire attention à ce que sa maîtresse ne saute pas trop d'étapes. La suivante était pour qu'elle aille dans la couche du roy mais pas de cette manière. Il fallait qu'il soit attachée à elle pour qu'il la garde comme favorite le plus longtemps possible. Et elle allait réussir à mettre en place un plan. Foi d'Éléonore !
La trompette souffla annonçant l'arrivée du roy et de la reine. Tous se tournèrent vers la grande porte dorée. Le roy habillé de blanc et d'or avait le sourire aux lèvres. Il tenait par la main sa jeune épouse, âgée de 29 ans. La reine, d'origine polonaise, était habillée en bleu et blanc. Elle portait encore les stigmates de son dernier accouchement : la naissance de la princesse Marie-Adélaïde. La reine était cependant élégante et avait un visage fin. Elle savait mettre en valeur son visage tant par ses bijoux que par sa coiffure.
Sophie, qui se tenait aux côtés de son mari, l'observait avec de grands yeux. La manière dont avait décrit le roy son épouse, était réaliste. Et elle savait à ce moment-là qu'il était amoureux de sa femme. D'où le fait qu'il n'ait pas de maîtresse. Au fond d'elle-même, Sophie espérait que cela dure. Ce serait une première depuis Saint Louis qu'un roy n'ait pas de maîtresse. Lorsque le roy demanda le silence à tous les courtisans, Sophie se fit plus attentive à ce qu'il allait dire.
– Vous tous présents dans cette salle nommée le Salon d'Hercule. Terminée depuis deux ans maintenant. La reine et moi-même souhaiterions vous faire part d'une grande nouvelle. La reine attend son septième enfant !
L'ensemble des courtisans applaudirent pour l'annonce de cet heureux évènement. Tous priaient pour que ce soit un enfant au cas où le Dauphin venait à décéder. Sophie regarda son mari avec un grand sourire, heureuse de cette nouvelle. Philippe n'avait pas bougé. Ses bras étaient toujours croisés et pas une seule émotion n'était présente sur son visage. Lorsqu'il s'aperçut que sa femme le regardait, il tourna la tête vers lui et vit des yeux humides.
– N'est-ce pas une bonne nouvelle, Monsieur ? L'arrivée d'un enfant devrait être une source de joie pour tous, dit la duchesse d'une voix douce.
Surpris par la phrase de sa femme, le duc ne sut que répondre. Il vit une larme rouler le long de sa joue et instinctivement, il l'essuya de son index. Son épouse sentant le contact de sa peau eut un mouvement de recul. Le regard de son mari se refroidit lorsqu'il vit qu'elle faisait un pas en arrière. Inspirait-il donc une si grande crainte à son épouse ? Il fronça les sourcils, s'inclina en s'excusant et sortit de grande salle de réception.
Sophie le regarda partir et baissa la tête, laissant une autre larme s'échapper de son œil. Elle releva la tête et ne put s'empêcher de sourire en voyant le visage ravie et inondé de lumière de la reine Marie.Plus tard dans la soirée, alors que Sophie discutait avec Nicolas-Prosper Bauyn d'Angervilliers, secrétaire d'État à la guerre, le roy s'approcha d'eux et s'immisça dans leur conversation. Le seigneur d'Angervilliers parlait de sa femme et de ses enfants qui se trouvaient à Angervilliers, petit bourg non loin de Paris.
– Monsieur d'Angervilliers. Serait-il possible que je m'entretienne seul à seul avec la duchesse je vous prie ?
– Tout ce que vous voudrez votre Majesté, répondit le secrétaire d'État en s'inclinant et s'éclipsant discrètement.
Le roy le remercia d'un sourire puis se tourna vers la duchesse. Cette dernière retint sa respiration en pensant à la discussion qu'ils avaient eu quelques heures auparavant. Elle sourit, avala sa salive et dit :
– Je souhaitais vous remercier sire pour votre écoute attentive.
– Ce fût un réel plaisir que de mieux vous connaître. Et maintenant je commence à mieux vous cerner Sophie de Lorraine.
Sous cette appellation, Sophie ne put s'empêcher de rougir. Elle prit son verre et but une gorgée en essayant de commencer une discussion avec le roy de France. Alors qu'ils discutaient des enfants du roy, il fit part d'une requête à Sophie :
– J'aimerais que vous soyez proche de ma femme duchesse.
– Vos désirs sont des ordres votre Majesté.
– Ce n'est pas un ordre direct. Je suis persuadé qu'elle vous apporterait beaucoup de connaissances de la Cour et que vous lui apporteriez un certain réconfort. Surtout durant sa grossesse. Et savoir qu'elle vous apprécie serait un réconfort pour moi.
– Un réconfort votre majesté ? s'étonna Sophie
– J'admire énormément mon épouse. Être marié avec elle est une source de bonheur. Tout ce qu'elle me dit a de l'importance à mes yeux et j'aimerais qu'elle vous connaisse. La famille est une notion importante à mes yeux. Et vous en faites désormais partie. Grâce à ce mariage.
– Sa Majesté me flatte. J'accepte avec grand plaisir cet ordre qui n'en est pas un, dit en riant Sophie.
Ils continuèrent de discuter avec entrain pendant un long moment lorsqu'ils furent interrompus par Philippe d'Aquitaine. Il s'inclina devant son frère et se plaça aux côtés de sa femme.
– J'espère ne pas vous interrompre dans cette discussion qui semble très intéressante et amusante en tout point. Si cela ne t'ennuie pas Louis, j'aimerais récupérer ma femme pour passer du temps avec elle.
– Je t'en prie mon frère. Mais fais attention à elle. Sophie est fragile et ne faisait que discuter avec moi.
– Sophie n'est-ce pas ? Discuter ? Bien sûr.
Il s'inclina, prit par le bras son épouse et l'entraîna en dehors du Salon d'Hercule. Dans sa tête, Sophie redoutait le pire. Qu'avait-elle fait de mal cette fois-ci ? Mis à part discuter avec le roy. Elle qui pensait bien faire. Elle suivit difficilement son mari jusque dans la chambre conjugale.
"Idylle Sur La Paix" est une oeuvre créée par Jean-Baptiste Lully en 1685. Elle a été composée sur un poème de Jean Racine pour une référence à la trêve de Ratisbonne signée le 15 août 1684.
Le portrait du haut est la reine Marie Leszcynska, épouse du Roy de France Louis XV. Ce portrait a été peint en 1747.
VOUS LISEZ
Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Narrativa StoricaSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...