39 : Entraînement

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10 avril 1734, Trabarch.

A cette date-là, les français, arrivés il y a huit jours sur le lieu du siège, décidèrent d'empêcher les prussiens de se ravitailler en nourriture. Ils s'installèrent donc autour de la forteresse et décidèrent d'y camper en pillant les convois. Chaque journée qui passait rendait plus faible les soldats à l'intérieur de la forteresse. Sophie occupait les femmes de soldats en leur faisant fabriquer des pièces de vêtements ou bien des couvertures pour la nuit.

Alors que les soldats s'entraînaient dans un enclos, Éléonore donna un coup de coude à sa maîtresse pour regarder dans la direction qu'elle pointait. Sophie tourna rapidement la tête et vit son mari avancer vers un de ses soldats au centre de l'enclos.

– Le sergent qui va se battre contre votre époux, est le vainqueur de chaque entraînement. Je me demande bien qui gagnera celui-ci, dit-elle avec un petit sourire.

– Mon époux n'est pas assez combatif pour gagner, répondit Sophie en reprenant sa couture. Cela ne m'intéresse guère.

Le duc s'avança en chemise et pantalon, ses bottes de cuir bien cirées malgré la boue présente. Dans sa main droite se trouvait son fleuret. Saluant bien bas son adversaire, les deux hommes enchaînèrent passe sur passe.
Éléonore se pencha de nouveau vers sa maîtresse et murmura :

– Le fantassin retient ses coups. Cela se voit.

– Mon mari ne gagnera jamais à la loyale. Tout le monde fera attention à ce qu'il ne soit pas blessé. Donc je ne vois point l'intérêt de faire cela. S'il perd, il sera la risée de ces hommes. En revanche, s'il gagne, les hommes l'admireront. Les hommes de mon frère faisaient la même chose.

Le duc se jeta sur son adversaire et l'effleura légèrement au niveau de l'abdomen, créant une entaille fine. Le soldat grimaça avant de cracher à terre. Philippe, ouvrit ses bras comme pour le narguer et cria bien fort :

– Si mes hommes retiennent leurs coups avec moi, qu'en sera-t-il sur le champ de bataille ? Vous ferez grâce à l'ennemi ?

Plus bas, il dit : « Bats-toi comme si j'étais un de tes subordonnés. Je ne suis point duc à cet instant. » Et sur ces mots, il lâcha son arme et courut droit vers l'ennemi en hurlant. Son adversaire, mesurant cinq bons centimètres de plus que lui et faisant deux fois son poids, l'attrapa par la taille et le jeta à terre, sur le dos. L'air sortit violemment des poumons de Philippe sous le choc et il resta quelques instants sur le sol. Pensant avoir gagné, le sergent leva les bras en l'air espérant se faire applaudir. Quelques clappements se firent entendre avant de s'interrompre brusquement en entendant un gémissement.
Philippe se relevait tant bien que mal de terre. Une fois redressé, il cracha et nargua le sergent.

– C'est tout ce que tu as dans le ventre ? Je suis sûr que tu peux faire bien mieux.

Le colosse grogna et s'avança vers le duc. Lançant un crochet sur la droite, Philippe esquiva rapidement en se baissant et se mit sur le côté pour donner un coup au niveau des côtes. Il grimaça de douleur en sentant la dureté de la peau et des os. L'autre en profita pour lui donner un coup dans le ventre, le faisant reculer de quelques pas. Il gémit en posant un genou à terre et souffla fortement pour récupérer le plus d'oxygène possible. Il se releva de nouveau et courut vers son adversaire, donna un coup dans le ventre, se poussa sur le côté pour éviter un coup et attaqua les lombaires. L'autre hurla de douleur et se retourna pour décocher un coup de poing. Les métacarpes touchèrent la pommette du duc qui vit des étoiles devant lui. Il se pencha en avant et un filet de sang s'échappa de sa bouche. Le goût de fer se répandit dans cette dernière .

– Monseigneur, abandonnez-vous ? demanda le soldat devant lui.

Pour toute réponse, le duc se redressa et enchaîna coup sur coup pour terminer par un crochet droit suivi d'un coup dans l'abdomen. Le géant, tomba sur ses genoux en inspirant lourdement tout en regardant le prince.

– Un membre de la famille royale n'abandonne jamais !

Et sur ces mots, il acheva son adversaire avec un coup sur la tempe, le faisant s'évanouir. Tous les soldats autour des barrières hurlèrent de joie et applaudirent en voyant le duc vainqueur. Philippe cracha du sang et sourit en regardant ses hommes. Voilà comment on gagnait le cœur des soldats de France. Le maréchal pouvait dire ce qu'il voulait, son frère aussi, lui était proche des soldats qui allaient combattre sous ses ordres. Il tourna la tête vers la table où les femmes se trouvaient et cherchaient du regard son épouse. Il la vit concentrée sur sa couture et fronça les sourcils. Comment se faisait-il qu'elle ne l'admirait pas et ne le regardait pas avec des étoiles dans les yeux ?

Sophie termina son travail et décida d'aller voir son enfant dans la tente. Une fois qu'elle fut à l'intérieur, elle regarda avec un sourire tendre Thomas dormir. Elle demanda à un des gardes présents devant sa tente d'aller chercher de l'eau chaude pour le mettre dans le grand bassin, à l'intérieur de la tente. Elle attrapa un des livres que le Poète lui avait donné avant le départ. S'allongeant sur le lit de camp, elle commença sa lecture en attendant la venue de son mari. Le connaissant, il ne devrait pas tarder à arriver. Ayant les paupières lourdes, elle finit par s'assoupir au bout de quelques instants de lecture. 

Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant