Philippe marchait d'un pas lourd. Il avait rejoint sa tente pour se laver après cette séance d'entraînement et avait ordonné qu'on ne le dérange pas. Il retournait sans cesse les paroles de Sophie. Il ne l'avait pas beaucoup vue pendant cette semaine et pour une fois qu'ils auraient pu en profiter tous les deux, voilà qu'elle venait lui faire des reproches. Les femmes étaient décidément trop compliquées pour lui. Il lui avait montré maintes et maintes fois combien il l'aimait. Il l'avait prévenue sur la vie en camp militaire et sur le fait qu'elle le verrait peu. Elle avait Thomas et Éléonore pour lui tenir compagnie. Quel besoin avait-elle de l'avoir lui ? Il réussissait très bien à se détacher de sa famille pour ce concentrer pleinement sur ce qu'il faisait. Après s'être lavé rapidement, il s'habilla légèrement et appela d'une voix forte un de ses gardes :
– Dites aux hommes de préparer la meilleure soirée possible. Qu'ils en profitent avant le grand jour. Appelez les filles aussi afin qu'elles aident du mieux qu'elles peuvent à satisfaire nos hommes.
– Bien votre Altesse.
Il allait prouver à Sophie qu'il n'avait pas besoin d'elle pour profiter pleinement de la vie. D'un mouvement brutal, il renversa le récipient d'eau chaude en hurlant. Il avait besoin d'éliminer toute cette rage dans son corps. Deux gardes arrivèrent paniqués à l'intérieur, mais Philippe les rassura d'un geste et les renvoya. Il devait faire comprendre à Sophie qu'il était une personne libre et qu'elle devait rester à sa place.
Le soir venu, plusieurs grands feux de camps avaient été dressés pour fêter cette dernière soirée et profiter pleinement de la vie. Philippe déambulait entre chaque soirée, saluant ainsi chacun des soldats présents. Un verre de bière dans une main, il souriait en profitant pleinement de la musique. Il en était déjà à son cinquième verre quand il la vit apparaître devant lui, une robe rouge et blanche, façon tzigane. Il ouvrit en grand la bouche et cligna plusieurs fois des yeux.
Plus tôt dans l'après-midi, Éléonore avait trouvé sa maîtresse en pleurs, sur ses genoux dans la tente. Elle s'était aussitôt accroupie auprès d'elle, la prenant par les épaules. Caressant son dos, elle lui avait demandé ce qui s'était passé. Entrecoupés de hoquets, Sophie répondit :
– Il m'a dit ... très clairement qu'il allait me montrer à quel point il avait peu besoin de moi pour prendre du plaisir. Tu te rends co...compte Nonore ? Après tout ce que j'ai... subi ?
Éléonore serra un peu plus fort la jeune femme qu'elle tenait dans ses bras et murmura des paroles réconfortantes en lorrain.
– Savez-vous ce que nous allons faire ma petite ? Je m'occupe de Thomas, et vous, vous allez vous habiller de manière sublime pour la fête de ce soir.
– Je ne souhaite point aller à cette fête. Il y sera et les pros... filles aussi. Je ne veux point assister à cette scène.
– Il n'aura même pas eu le temps de trouver une de ces femmes impures qu'il vous regardera d'un œil envieux. J'ai un plan infaillible ma dame ;
Sophie écouta d'une oreille attentive le plan de sa suivante et ouvrit en grand les yeux et la bouche en entendant une partie :
– Es-tu folle ? C'est indécent voyons...
– Roh mais non voyons. C'est parce que vous n'êtes pas allée dans le monde extérieur que vous dites cela.
Et le soir venu, Sophie était habillée de rouge et de blanc, un masque de loup noir dans la main, prêt à être utiliser. Ses cheveux blonds étaient entièrement lâchés et reposaient sur ses épaules. Elle tenait un éventail à la main et tentait de faire rentrer sa poitrine comme il le fallait dans le « bout de tissu » qui l'habillait.
– Vous, êtes, parfaite ! Il faut maintenant rejoindre les autres qui vont faire le spectacle.
– Comment ? Tu veux que je fasse un spectacle ? Mais je ne sais ce que c'est.
– Arrêtez cet air guindé et détendez-vous, cela vous fera le plus grand bien. Vous allez voir, il va revenir vers vous directement. Allez, hop, vous allez vous amuser tandis que je veille sur Thomas.
Sophie inspira profondément avant de se diriger d'un pas ferme vers le groupe de gitans qui s'entraînaient. Une vieille femme s'avança vers elle et prit ses deux mains en murmurant des mots incompréhensibles. Cherchant du regard de l'aide, Sophie n'osait pas reculer par peur de brusquer la vieille dame.
– Vous, être heureuse pour encore très longtemps !
– Merci ma dame. Mais je ne le suis pas actuellement. Alors comment pourrais-je l'être à nouveau ?
La vieille dame posa une main abîmée sur la joue mouillée de larmes de Sophie. Cela eut pour effet de calmer directement la duchesse qui se ressaisit. Une fille arriva à cet instant et s'inclina devant la femme du duc.
– Oh non je vous en prie, relevez-vous, réagit Sophie en la prenant par les bras. Ce soir, je ne suis qu'une femme parmi d'autres qui souhaitent simplement passer une bonne soirée.
Les deux gitanes prirent la main de Sophie et l'entraînèrent dans une des charriotes pour la maquiller et finir de la préparer convenablement. Lorsqu'un miroir se posa devant elle, Sophie n'arriva même pas à se reconnaître. L'adolescente posa sa tête sur son épaule et murmura :
– Guapa señorita !
– Je ne connais point cette langue, est-ce celle que vos parents vous apprennent ?
L'adolescente acquiesça de la tête avant de l'emmener dehors près d'un des grands feux de camps où les hommes buvaient et embrassaient des femmes de petite vertu. Sophie passa au milieu d'eux avec une petite grimace sur le visage.
– Vous, suivre nos pas, dit tout à coup l'adolescente en commençant à se trémousser autour des feux.
Sophie l'observa quelques instants et tenta de faire de même en suivant la musique. Quelques rires s'élevèrent et aussitôt, la duchesse devint rouge de honte.
– Continuez à danser dame Sophie.
Cette dernière commença à prendre le rythme de la musique et cala ses pas sur ceux de la fille d'en face. Elle tournait et virevoltait, s'exprimant ainsi à travers la danse et la musique. C'est à ce moment là qu'elle le reconnut, un verre de bière à la main et la fixant.
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...