4 : Le Roy

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2 Novembre 1732


Deux mois étaient passés. A maintes reprises Sophie avait dû faire face à son mari. Et comme chaque à dispute, Philippe la violentait. C'était les seuls moments où il consommait leur mariage. En-dehors de ces instants difficiles, le duc passait la majeure partie de son temps avec la marquise. Cette dernière espérait d'ailleurs que cette tension dure entre Monsieur et sa femme. Elle pouvait ainsi en profiter pour l'avoir à sa guise et s'occuper de lui. Et ainsi, avoir du prestige à la Cour.

En ce jour du mois de novembre, Sophie se faisait soigner par sa suivante Éléonore. Elle venait une nouvelle fois de subir les violences faites par son mari. Et cette fois-ci, sa lèvre inférieure était fendue. Elle tressaillit en sentant le linge humide être tamponné délicatement contre ses lèvres. Sans le vouloir, elle repoussa durement Éléonore.

– Doucement votre Altesse. J'essaie de faire du mieux que je peux. Cette brute vous a bien maltraitée !

– Excuse-moi Nonore. C'est juste que je n'en peux plus de cette situation. Je vis au jour le jour, attendant apeurée de ce que mon mari pourrait me faire.

– Alors changez cela ma dame. Sortez, voyez du monde. Faites ce que votre mari vous reproche.

– Nonore ! Tu sais bien que je ne peux avoir d'amant. Premièrement car cela serait un péché mortel aux yeux de Dieu, et deuxièmement car je peux être répudiée pour cela. Ou pire, être tuée !

– Vous savez bien que je ne parlais point d'avoir un homme dans votre lit. Je pensais plus au fait de jouer avec votre mari. Le faire enrager et ainsi...

– Et ainsi lui donner plus d'occasions de me violenter ! la coupa Sophie.

– Ou alors éveiller quelque chose en lui...

Elle se leva et s'assit devant sa table à bijoux en riant et en choisit un qu'elle mit autour de son cou pour voir l'effet rendu. Elle le reposa et en essaya un autre tandis que sa suivante retirait les draps du lit. Le regard perdu dans le vide, Sophie repensait à ce que disait sa suivante. Si elle voulait affronter son mari, elle devait se faire des amis hauts placés. Et pour cela, elle devait participer à la vie de la Cour. Sophie sourit en pensant à son plan. Elle se tourna vers sa suivante et lui dit :

– Par où me conseillerais-tu de commencer Éléonore ?

– Je pense que le mieux, ma dame, est de jouer aux cartes. Au tarot plus précisément.

– N'est-ce pas démodé ? Nous n'y jouons plus depuis de longues années.

– Comme dirait mon grand-père, la mode se démode ! Il faut que vous inspiriez quelque chose aux personnes de cette Cour, que vous vous démarquiez. Vous vous ferez rapidement des amis et ainsi vous serez plus sereine pour affronter votre mari.

– Tu as raison Nonore. Il faut que je me ressaisisse et j'ai déjà un ami dans la place. Le Poète !

Sur ces mots, Sophie se leva, inspira et souffla calmement. Elle prit dans ses bras sa suivante et la remercia doucement avant de sortir en direction de la salle de jeu. Lorsqu'elle vit le monde qu'il y avait, elle fut tentée de faire demi-tour pour retourner dans sa suite. Mais son ami le Poète l'avait déjà aperçue et il se dirigeait vers elle. Avec un sourire nerveux, elle se dirigea vers lui pour discuter avec.

Lorsqu'elle avança dans la salle, plusieurs conversations s'arrêtèrent et certains se tournèrent vers la duchesse. Les dames murmuraient des mots à voix basses à leurs voisins de droite et les yeux suivirent Sophie. Deux en particulier. Vêtu de rouge, Le jeune homme de 22 ans était entouré de plusieurs femmes, toutes bien habillées, le corsage laissant entrapercevoir plus que ce que la Raison voulait entendre.

– Votre Majesté ? C'est à votre tour.

Une jeune femme lui tendit les dés en se penchant délicatement en avant, mettant en valeur son corsage. Louis XV récupéra les dés et regarda la dame. Celle-ci était d'une beauté particulière. Elle avait une mouche posée juste sous l'œil signe que c'était une « passionnée »., ses yeux étaient marrons clairs. Elle était encore plus ravissante que sa femme polonaise : Marie Leszczyńska.

– Je vous remercie, ma dame, dit-il poliment.

– Comtesse de Mailly pour vous servir Sire, répondit en s'inclinant la jeune femme.

Le jeune roy de 22 ans lui sourit et tendit les dés à la comtesse. Elle les récupéra étonnée, et le roy, lui murmura ces quelques mots :

– Si vous êtes chanceuse aux jeux, peut-être pourrez vous gagner quelque chose d'important. Faites honneur au roy et à la France, comtesse.

Il se leva, inclina sa tête envers la jeune femme. Il se dirigea d'un pas décidé vers la duchesse d'Aquitaine tandis que la comtesse de Mailly jouait et gagnait sous les yeux stupéfaits des courtisans présents.
La duchesse, qui discutait avec son ami, arrêta soudainement sa phrase lorsque le Poète s'inclina. Elle tourna son visage à droite et tomba nez-à-nez avec celui du roy. Il était proche. Vraiment très proche. Sa respiration se coupa et elle fit une gracieuse révérence.

– Duchesse. Puis-je m'entretenir quelques instants avec vous ?


D'un signe de la main, il ordonna au Poète de quitter la pièce, chose que ce dernier fit discrètement. Le roy se concentra à nouveau vers la jeune femme. Il prit sa main et la baisa délicatement avant de la regarder de ses yeux bleus.

– Vous êtes mariée à Monsieur mon frère depuis trois mois et pourtant, je ne vous connais pas aussi bien que je le souhaiterais.

– Quel honneur votre Majesté. Il est vrai que je ne passe point beaucoup de temps dans cette salle de jeu. Je préfère la compagnie de la nature dans les jardins.

– Il est vrai que je vous ai vue plusieurs fois déambuler dans les magnifiques jardins de Monsieur Le Nôtre ! Comment les trouvez-vous ?

En même temps qu'ils discutaient, le roy la conduisit jusque dans une salle plus calme et avec moins de monde. Sophie lui montra le sentiment de liberté qu'elle avait dans ces jardins, combien elle aimait Versailles malgré la présence d'un grand nombre de courtisans. Elle parlait aussi de son enfance, de sa région natale et comment elle lui manquait. Elle sourit au roy et ce dernier lui rendit son sourire. Pour une fois, elle avait l'impression d'être écoutée dans ce palais. Et par le roy lui-même. Elle frissonna, non pas de peur mais de surprise, lorsqu'elle sentit la main du roy posée sur le lourd tissu de sa robe qui faisait office de barrière entre sa peau et celle du roy....


Le Ballet royal de la nuit ou Ballet de la nuit est un ballet de la Cour de Isaac de Benserade mais attribué principalement à Lully. Il a été représenté pour la première fois à Paris en 1653. Le roy Louis XIV âgé de 14 ans y joue le rôle d'Apollon. 

 

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Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant