2 : Promenades

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2 septembre 1732


Un mois était passé depuis leurs noces et Sophie n'attendait toujours pas d'enfant. Le couple était retourné à Versailles près du roy. Leur nuit de noces s'était déroulée quelques jours après leur arrivée, au grand malheur de Sophie qui ne le désirait pas. Malgré sa demande de ne rien faire, ivre comme il avait été, elle n'avait pas eu beaucoup le choix.

Sophie avait appris quelques jours plus tard que son mari avait une maîtresse. La marquise Catherine de la Garrière. Malgré son mariage avec Sophie, il n'avait pas décidé d'arrêter de la voir. Malgré trois ans de plus que lui, la marquise savait mener par le bout du nez le duc, utilisant sa position, son argent et sa demeure.

Le marquis de la Garrière était décédé au printemps 1730 suite à une épidémie de peste. La comtesse de Mailly, favorite du roy, l'avait donc conviée à Versailles. Depuis, elle avait rencontré le frère du roy et avait une liaison.
Après avoir appris cela, Sophie s'était choisi des activités à réaliser. De la littérature jusqu'à l'équitation. Elle s'était rapproché d'un homme que l'on appelait le Poète. Renommé à la Cour, il avait les faveurs du roy depuis plusieurs années. Beaucoup voulait donc être son « ami » mais peu était considéré comme tel par cet homme.

Rencontré par hasard dans la pièce dédiée aux répétitions des pièces, le Poète n'avait pu s'empêcher de discuter avec cette jeune femme étrangère à la Cour. Il l'avait donc invitée d'assister à toutes les répétitions afin d'avoir son avis. Plus les semaines avançaient, plus leur amitié se renforçait. Après les dîners officiels, elle rejoignait son ami dans un des salons pour écouter les différents musiciens jouer, ou bien les différents poètes déclamer leurs vers.

En journée, Sophie évitait à tout prix de croiser son époux. Lors des dîners et des réceptions elle devait rester près de lui mais dans les autres cas, elle arrivait à ne pas être en sa présence De temps en temps, lorsqu'elle passait dans le salon de jeux, elle pouvait le voir. Lui, en train de jouer et perdre de l'argent, et sa maîtresse, une main posée sur son épaule en lui murmurant des mots doux à l'oreille.

Sophie hâta le pas pour éviter de nouvelle fois une honte. Arrivée près du bassin d'Apollon, elle s'assit sur le rebord et sortit un de ses livres. Le soleil était encore présent en ce mois d'octobre, et elle en profitait autant qu'elle le pouvait. Alors qu'elle était pleinement plongée dans son livre, un aboiement la fit sursauter. Un grand chien s'approcha d'elle pour la renifler. Prenant peur devant sa grande gueule, elle se releva et tenta de lui échapper.


– Ouste, ne reste pas près de moi. Allez va t'en.


Un jeune homme sortit des bosquets et s'arrêta pour reprendre son souffle. Voyant la scène où la jeune femme agitait sous son livre au-dessus de la gueule de l'animal, l'homme ne put s'empêcher de rire doucement. Sophie, entendant le rire, releva les yeux et vit la personne près du bosquet. L'inconnu avait des cheveux blonds, attachés en une queue de cheval. Il s'approcha d'elle et s'inclina.

– Ma dame, pardonnez mon rire de tout à l'heure. Je ne voulais pas vous faire peur.

– Qui êtes-vous donc ?

– Le maître-chien de sa Majesté. Le chien qui s'est approché de vous se nomme Apollon. Il est un cadeau de son Altesse royale à sa Majesté.

– Quel est votre nom ?

– Calixte, ma dame.

– Dites-m'en plus sur son Altesse Royale je vous prie, Calixte, demande la duchesse en avançant vers les bosquets.

La suivant dans le labyrinthe du jardin, Calixte marcha à ses côtés, le chien en laisse. Il lui lui raconta alors tout ce qui se disait sur le frère du roy, sa vie mais aussi sa femme.

– La rumeur court dans les cuisines que la duchesse est magnifique. Malheureusement, elle n'est pas assez aimée par son mari, déclara Calixte.

– Ah oui ? L'avez-vous déjà rencontrée ?

– Jamais, ma dame. Mais je pense que votre beauté est bien supérieure à la sienne.

– Votre flatterie me touche, monsieur.

– Appelez-moi Calixte, ma dame. Je ne suis qu'un maître-chien alors que vous, vous êtes la Vénus de Versailles.


Gênée par ces mots, Sophie déploya son éventail et regarda ailleurs. Voulant partir, elle ne savait comment prendre congé du jeune homme. Heureusement pour elle, le Poète arriva à ce moment là. Il s'inclina devant elle et lui dit :

– Votre grâce, nous avons rendez-vous avec les musiciens dans la salle Lully. Souhaiteriez-vous venir avec moi ?


– Je suis à vous dans un instant mon ami.


Sophie se tourna vers le bosquet pour parler au jeune homme mais ce dernier n'y était plus. Elle soupira un instant puis épousseta sa robe avant de la soulever légèrement pour être à l'aise en marchant. Elle prit le bras de son ami et ils discutèrent en se dirigeant vers le lieu de réception.
Près d'une fenêtre d'une chambre du château, un homme les regardait, bras croisés, marcher dans l'allée. Deux bras passèrent autour de son torse tandis qu'une bouche se posait sur sa nuque :

– Que fais-tu donc mon amour ?


– J'observe.

La jeune femme tourna alors son regard vers l'extérieur et fronça les sourcils en reconnaissant la duchesse. Elle recula alors de quelques pas et posa ses mains sur ses hanches nues.

– Ne me dis pas que tu commences à aimer ta femme.


– Ce que je ressens ne te regarde point Catherine.


– En ce qui te concerne si, n'oublie point que je suis ta maîtresse.

– Et toi, dit le duc en se tournant vers elle - un regard menaçant dans ses yeux, n'oublie point que je suis duc et frère du Roy. Je fais ce que bon me semble.

Il enfila sa robe de chambre longue et la toisa avant de dire sèchement :

– Je vous conseille de rassembler vos esprits... Et de vous rhabiller, nous avons une réception ce soir.


Sur ces paroles, il sortit rapidement de la suite de la marquise, non sans lui avoir jeté un regard empli de colère. Il rejoignit sa suite et commença à se préparer pour la réception, sa colère toujours présente. Il allait devoir discuter avec ce Poète très rapidement ainsi que mettre les choses au clair avec sa femme. 

La Marche pour la Cérémonie des Turcs a été composée par Jean-Baptiste Lully en 1670 pour la pièce de théâtre "Le Bourgeois Gentilhomme" de Molière

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La Marche pour la Cérémonie des Turcs a été composée par Jean-Baptiste Lully en 1670 pour la pièce de théâtre "Le Bourgeois Gentilhomme" de Molière. 

Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant