Le lendemain, Philippe d'Aquitaine était convoqué par le roy et ses ministres dans la grande salle de réunion. Lorsqu'il pénétra dans la pièce, toutes les conversations s'arrêtèrent et toutes les têtes se tournèrent vers lui.
– Vous m'avez demandé ?
– Prends place mon frère, sers-toi un verre et mets toi à l'aise.
– Sans façon. Je compte sur ta rapidité pour me dire ce que tu désires avant que je ne parte dans mon château.
– Certes tu partiras, mais pas là où tu penses. Vois-tu, nous avons un souci. François, duc de Lorraine et frère de ta femme, s'est rendu au mariage de Frédéric de Prusse. Nous nous doutons qu'il y a intérêt politique en-dessous de tout cela.
– En quoi cela me concerne-t-il ? Demanda Philippe en observant ses mains.
– La guerre mon frère. Oui, sourit Louis XV en voyant les yeux de son frère se poser sur lui, la guerre est à nos portes. Le trône de Pologne est actuellement libre suite à la mort de du roy Auguste II en février dernier.
– Et tu revendiques ce trône ?
– Hum... En réalité non votre Altesse, interrompit Germain Louis Chauvelin, ministre des Affaires Étrangères. Ce trône est pour le père de la reine de France : Stanislas Leszcynski. Il a été déchu en 1709.
– Et c'est sûrement pour une bonne raison. Les polonais ne voulaient sûrement plus de lui.
– Philippe, la politique est une chose. Ne t'en mêle point. Tout ce que tu dois savoir est qu'une guerre se prépare. La Lorraine a choisi son camp : François soutient Auguste III, le fils du dernier roy de Pologne.
– Donc... Nous allons nous battre contre la famille de Sophie. Tu veux que je dirige nos hommes dans une guerre sans pitié pour remettre sur un trône ton beau-père ?
– La Pologne ne compte que 24 000 soldats d'après nos espions, intervint le secrétaire d'Etat de la Guerre, le seigneur d'Angervilliers.
– Et combien de pays soutiennent le fils du roy décédé ?
Le secrétaire d'État de la Guerre et le ministre des Affaires Étrangères commencèrent à compter sur leurs doigts pour savoir combien ils avaient d'ennemis. Philippe roula des yeux et les interrompit dans leurs pensées, en tapant du poing sur la table.
– Louis, écoute-moi, je refuse d'affronter la Lorraine. Que cherches-tu à faire ? Ruiner mon mariage ? Cela ne t'a point suffit de le faire une première fois ? Il te faut donc recommencer ? Pour faire quoi après, me marier de nouveau avec un allié ?
– Tu ne peux refuser de m'obéir, s'emporta Louis XV en se levant brusquement. Tu es mon serviteur.
– Je sers surtout la France, l'interrompit Philippe en se levant aussi.
– La France c'est moi. Je suis le roy de France et de Navarre. J'ai été choisi par Dieu pour accomplir Sa volonté. Je dirige ce pays et tous ses loyaux serviteurs. Tu es un enfant de la France, tu dois donc me respecter et m'obéir.
– Arrête de parler de Dieu et de Ses choix. Tu n'es rien de plus que le premier fils né de notre père. Tu devais donc le premier à monter sur le trône s'il venait à mourir. Il est mort bien avant que le roy te précédant ne décède lui-même. Si j'avais été l'aîné...
– Je t'aurais respecté car tu aurais été roy. Je t'aurais obéi comme j'espère que tu vas écouter ce que je vais dire. Je ne suis peut-être point le roy le plus noble, je ne suis peut-être point un grand roy stratège mais je suis quelqu'un d'honnête. Et tu dois me croire lorsque je te dis que je ne suis pour rien dans la mort de ton épouse.
– Et que feras-tu donc quand je serai partie ? Tu coucheras avec ma femme ?! Comme tu l'as très bien fait avec la moitié de la Cour et Louise ?
– Il suffit ! Hurla Louis en jetant tous les papiers à terre. Tu vas partir pour la Lorraine et la traverser. S'ils opposent la moindre résistance , tu les tues. François ne décide pas encore de tout car sa mère est régente.
– Si tu fais cela, tu me perdras à jamais. Sache-le mon frère.
– Si je dois te perdre pour que la France resplendisse, alors je te dis adieu. Mon frère.
– Est-ce tout ce que vous aviez à me dire ? demanda Philippe en toisant les ministres qui faisaient profil bas.
– Dix mille hommes seront sous vos ordres et seront prêt dès demain. Vous devriez mettre une semaine à arriver jusqu'en Lorraine. Il faudra la traverser pour arriver jusqu'en Rhénanie. Le seigneur d'Angervilliers partira de toute façon avec vous et suivra nos ordres.
Le secrétaire d'État se leva pour se faire connaître par Philippe et inclina la tête. Le duc le regarda de haut avant de tourner les talons et de partir, hors de lui.
Louis XV se laissa tomber sur son siège, une main sur son front.– Espérons qu'il ne nous pose point de soucis d'ici le départ et une fois qu'il sera seul.
– Qu'allez-vous faire en attendant votre Majesté ? Demanda le cardinal de Fleury.
– Mon frère pense que je suis la cause de la mort de sa première épouse. Prouvons-lui que non en nous occupant bien de la seconde.
Les ministres acquiescèrent puis se levèrent un par un pour quitter la pièce, laissant seul le roy de France et de Navarre.
*
– Comment cela vous partez pour la Lorraine ? Et je ne peux venir avec vous?!
– Sophie écoutez-moi, je vais affronter les saxes, les russes, les autrichiens et les prussiens. C'est-à-dire plus de cinquante mille hommes et...
– Et vous allez les affronter seul ? Sans aucun soldats français à vos côtés. Et puis pourquoi partir vers la Lorraine ? Pourquoi ne point passer par l'Italie pour se rendre en Pologne ?
– Nous perdrions beaucoup trop de temps et les italiens ne nous portent guère dans leur cœur.
– Quand partez-vous ? demanda Sophie, résignée et la tête baissée.
– Dans une semaine. Ce qui nous laisse du temps pour continuer à apprendre à nous connaître, dit-il en posant une main sur la joue de son épouse.
Sophie ferma les yeux et apprécia le contact de la paume contre elle. Pourquoi cela était-il si dur de quitter son époux ? Elle qui pensait ne rien ressentir pour lui, voilà que son cœur disait le contraire. La jeune femme s'avança vers Philippe et entoura son torse de ses bras tout en calant sa tête contre son torse.
– Vous allez me manquer Philippe.
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...