25 : Rapprochement

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15 octobre 1733, Versailles

Les semaines passèrent pour laisser la place au mois d'octobre. Sophie était enceinte de six mois. Son corset était moins serré pour qu'elle puisse mieux respirer malgré son ventre qui était bien visible.

Avec tous les bals donnés, le roy Louis avait pu se rapprocher de sa belle-sœur. Beaucoup de ces fêtes étaient données en son honneur sans que Sophie ne sache trop pourquoi.
Chaque semaine, elle envoyait une lettre à son époux qui se trouvait à présent à la frontière entre la Lorraine et la Prusse. Comme il lui avait demandé, elle racontait ses journées dans le château, de tous ces bals donnés, de leur enfant qui grandissait en elle. Lui, mettait plus de temps à répondre. Parfois, elle avait de la chance, la jeune femme recevait un courrier par mois. A d'autres moments, c'était tous les trois mois.

Alors qu'elle se trouvait dans les jardins en compagnie du roy, elle grimaça en sentant une légère contraction. Louis s'arrêta et posa les mains sur le ventre de la jeune femme.

– Sophie, avez-vous mal ? s'inquiéta-t-il en la regardant.

– Ce n'est rien votre Majesté. Une légère contraction qui va passer rapidement, dit-elle gênée par l'attitude du souverain.

Il lui prit la main et ensemble, ils marchèrent près des fontaines. Sophie regardait autour d'elle, cherchant une personne à aborder pour se soustraire à cette main qui enserrait la sienne. Voyant un banc, elle lui proposa de s'asseoir permettant ainsi de se libérer. Cela ne dura pas longtemps car Louis se tourna vers elle et lui prit cette fois ses deux mains.

– Sophie... Il faut que je vous parle. Je sais que votre époux vous manque et que vous vous sentez seule ici.

– Les journées sont longues en effet Sire. Mais grâce à vous, elles sont supportables. Mon mari m'écrit aussi, me permettant de penser à autre chose. J'espère qu'une seule chose, c'est qu'il revienne de cette guerre afin de profiter de sa présence.

– Ma chère et douce Sophie, mon frère a plus que de la chance de vous avoir. Vous êtes si... Parfaite, murmura-t-il en se rapprochant d'elle. J'aimerais tant vous avoir à mes côtés en tant que reine.

Il se pencha vers elle et effleura ses lèvres. Sophie, sous le choc, ne sut comment réagir à part se raidir. Elle recula légèrement et ferma les yeux.

– Votre Majesté, je ne peux. Je suis une femme mariée.

– Et moi un homme marié mais à une femme que je n'ai pu choisir. Tout comme vous avez accompli un mariage de raison. A cause de votre frère.

– Cela était compliqué votre Majesté mais... J'ai appris à connaître votre frère. Et je suis plus qu'heureuse avec lui, murmura-t-elle en regardant le palais. Je suis persuadée que lui aussi.

– A votre avis, pourquoi ne vous envoie-t-il pas des lettres toutes les semaines comme vous le faites ? Mon frère ne s'est jamais attaché à personne. Même la marquise de la Garrière n'a su lui ravir son cœur. Oh Sophie, vous êtes si innocente.

– Votre Majesté... Je pense que je vais rentrer dans mes appartements si cela ne vous dérange point. Je vais me reposer avant le bal donné.

Elle fit une révérence et partit, pratiquement au petit trot vers ses appartements. En chemin, Sophie repensait à sa discussion avec le roy. Disait-il la vérité ? Philippe lui avait pourtant murmuré qu'il l'aimait. A bien y repenser, il avait seulement répondu oui à une question posée et cela devait sûrement être pour la consoler. Comme elle avait été stupide de montrer ses émotions alors que ça n'allait que dans un sens. Elle se courba en avant en sentant une contraction dans son ventre arrondi. Ne pas s'inquiéter. Cela n'était pas bon pour l'enfant. La jeune femme s'appuya contre un mur et inspira lentement pour tenter de se calmer. Depuis le départ de son époux, elle n'avait reçu que trois lettres. Alors que lui en avait eu pratiquement toutes les semaines. Si la duchesse comprenait l'effort qu'il devait accomplir dans cette guerre, lui devait comprendre qu'elle se sentait seule ici. Malgré la présence du roy qui était très réconfortante. Louis avait offert énormément de cadeaux à sa belle-sœur et ils avaient passé beaucoup de temps ensemble.
Sophie alla s'allonger sur son lit, essayant de dormir quelques heures avant le début de la soirée.

La fête se déroulait sans encombre dans la grande galerie des glaces. Le bal était masqué laissant ainsi, planer un doute quand à l'identité de son cavalier ou de sa cavalière. Tous avaient reconnus le roy et la reine. La duchesse d'Aquitaine aussi à cause de sa grossesse. Louis XV avait vite rejoint sa belle-sœur sur le balcon pour discuter, Sophie ne supportant plus la chaleur qui régnait dans la grande pièce.
Le jeune homme posa ses mains sur la balustrade et regarda Sophie.

– Sophie, je peux voir de la tristesse dans vos yeux. Expliquez la moi, murmura-t-il en la tournant vers lui.

– Sire, depuis la fin de notre conversation d'avant la fête, je ne cesse de repenser à ce que vous avez dit sur votre frère, avoua-t-elle la tête baissée. Je pensais que mon enfant à naître et notre excursion à Lunéville nous auraient rapprochés. Et pourtant, plus j'y pense, plus je me dis que vous aviez raison. Après tout, il est votre frère. Vous le connaissez mieux que moi.

Deux larmes roulèrent le long de ses joues pour s'écraser sur la pierre froide du sol. Dire cela lui brisait le cœur mais ce devait être la vérité. Louis prit son menton entre ses doigts et l'obligea à relever la tête. D'un geste tendre, il lui essuya les joues de ses pouces avant de murmurer :

– Votre cœur est tendre et généreux Sophie. Ne soyez pas peinée pour une personne qui est dure comme votre époux. Il est loin d'ici et je sais qu'il est heureux lors de ses batailles. Mais vous ma chère, vous êtes fait pour l'Amour.

Il se pencha en avant et effleura ses lèvres des siennes. Ô combien il avait rêvé de faire ça à la duchesse. La belle duchesse dont beaucoup d'hommes rêvaient d'avoir comme maîtresse et dont beaucoup de femmes jalousaient.
La jeune femme ferma les yeux, se laissant aller au baiser du roy. Oui, il avait su être là pour elle. Il avait réussi à lui donner confiance en elle malgré tous les courtisans qui la détestaient. Elle qui venait d'une famille dont le frère avait trahi la France pour s'allier à la Prusse. Et voilà qu'elle embrassait le roy de cet immense pays. Comme il serait simple de se laisser aller dans ses bras et de devenir une maîtresse royale, d'être comblée de cadeaux.
Tout à coup, devant elle apparut le visage de son époux. Ses yeux verts qui l'observaient. Elle poussa brutalement les épaules du roy et recula de quelques pas.

– Sire, nous ne pouvons nous permettre ce baiser, dit-elle rouge de honte. Nous sommes tous deux mariés et je dois fidélité à mon époux.

– Voyons Sophie, mon frère n'en saura jamais rien. Et je sens que vous avez besoin de moi comme j'ai besoin de vous, dit-il en tendant les bras vers elle.

– Non ! Votre Majesté. Je ressens quelque chose pour votre frère et nous avons bâti quelque chose de solide. L'enfant que je porte est de lui et je refuse de trahir son père.

– N'exagéreriez-vous point un peu duchesse ?

– Si votre Majesté veut bien me pardonner. Je retourne à l'intérieur saluer la reine avant de monter dans mes appartements. Veuillez m'excuser.

Et sur ces mots, elle s'inclina et fit ce qu'elle avait dit. Une fois arrivée dans sa chambre, elle s'assit sur la chaise face au miroir et enleva boucles d'oreilles et collier. Sophie se regarda longuement dans le miroir. Que s'était-il passé pour qu'elle réponde ainsi au baiser du souverain ? Un moment de faiblesse était apparu et elle le regrettait amèrement. Elle prit sa tête dans ses mains et pleura amèrement de ce qu'elle avait fait. Elle qui demandait à son mari de ne pas voir sa maîtresse, voilà que maintenant c'était elle qui en devenait une. 

 

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Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant