38 : Sur le Départ

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Lorsque le convoi partit de Versailles, il n'y avait que le roy, son épouse et sa favorite présents. Les autres nobles avaient eu pour consignes de rester à l'intérieur du château. Nul ne savait pourquoi. Sophie était dans la calèche, avec sa gouvernante et son fils tandis que son mari était à la tête du convoi.

– Pour combien de temps en avons-nous Nonore ? demanda la duchesse en regardant le paysage.

– Une journée votre Altesse. Nous nous arrêterons pour dormir dans une auberge pour vous et le petit Thomas. Votre mari devrait rester avec ses hommes.

– Pourquoi donc ne nous rejoindrait-il point ?

– A ce qu'on m'a dit, le duc reste avec ses hommes tout le temps. Peu importe qu'il doive dormir sous la pluie ou par un temps d'hiver. Et c'est ce qui fait qu'il est apprécié par tous. Sur le front, la tente de son Altesse n'est en aucun cas distinguable des autres. Point de tapis, de table ou autres pour son confort. Il dormirait à la dure. Les maréchaux quant à eux emportent tout le nécessaire pour être au mieux.

– Je vais donc devoir dormir seule pendant toute la durée de la guerre, soupira Sophie. Moi qui pensais que nous allions en profiter pour continuer à mieux nous connaître et surtout que Philippe profite de notre enfant.

Pour toute réponse, Éléonore fit une grimace devant le bébé pour le faire sourire tandis que Sophie regardait par la fenêtre le paysage passer. Elle se demandait si ça avait été une bonne chose de quitter le confort du domaine d'Aquitaine pour aller dans un terrain inconnu, entouré de soldats en sueur et sales. Dans un lieu où elle ne verrait que rarement son mari.
Lorsque le convoi arriva à l'auberge du soir, Philippe partit discuter avec ses hommes tandis qu'un des gardes aida la duchesse à descendre. Sophie récupéra Thomas et regarda longuement son époux rire avec ses hommes. Elle soupira et se dirigea vers l'intérieur. La femme de l'aubergiste la conduisit jusque dans sa chambre et commença à faire bouillir l'eau dans la marmite pour le bain.

– Le petit a b'soin d'quelque chose ?

Sophie sourit en entendant le fort accent lorrain et les manières campagnardes de la femme. Elle demanda si l'aubergiste avait du lait de chèvre frais.

– Pour sûr ! Ici on élève les meilleures chèvres m'dame.

– Ne savez-vous point que vous vous adressez à la duchesse d'Aquitaine aussi Altesse royale de France ? se fit soudain entendre une voix grave.

La vieille femme prit peur, s'inclina et disparut pour aller chercher le lait tout en s'excusant. Sophie soupira et se laissa tomber sur le lit avec Thomas dans les bras. Philippe, qui avait parlé, s'assit à côté d'elle et joua avec la petite main potelée de son fils.

– Je ne dormirai point avec vous ce soir.

– C'est ce que j'avais cru entendre mon ami. D'après ce que j'ai entendu, vous dormirez toutes les nuits avec vos hommes lors de notre arrivée sur le campement.

– Je suis heureux que vous me compreniez, dit le duc en l'embrassant sur la tempe. Cathe... Euh la marquise voulait que ... Vous avez raison, ce n'est pas important, ajouta-t-il en toussotant et en voyant le regard noir de son épouse.

Sophie soupira et enleva la main de Philippe pour garder contre elle Thomas. Dans sa tête se mélangeait plusieurs émotions : la peur, la colère, l'amour, la tristesse. Toutes ces émotions étaient en elle sans qu'elle sache trop pourquoi.

– Je me demande bien ce que vous faites encore ici, dit-elle en se levant pour aller vers la cheminée. Vos hommes sont en train d'installer les tentes pour dormir. Si vous souhaitez vraiment partager ce qu'ils font, monter la vôtre.

– Je ne suis quand même pas un soldat de basse classe. Mes gardes montent ma tente. Certains surveilleront l'entrée de l'auberge pour votre protection.

– Nulle besoin de protection lorsque 5 000 hommes dorment dehors, répliqua la duchesse froidement.

– Je pense qu'elle est nécessaire. Je vous souhaite une bonne nuit Sophie. Nous nous verrons demain pour le départ.

Le duc s'approcha d'elle et l'embrassa dans le cou avant de quitter la chambre. Sophie inspira longuement avant d'inspirer. Regardant Thomas, elle murmura :

– Ne vous inquiétez point mon enfant, je reste près de vous quoiqu'il advienne.

***

Le lendemain, Sophie était déjà éveillée et prête lorsqu'Eléonore arriva dans la chambre. Elle fut surprise de cette énergie soudaine venant de sa maîtresse mais ne dit rien et arrangea quelques mèches de sa coiffure. Elle resserra les lacets de son corset lui servit un verre d'eau.

– Éléonore, quel jour sommes-nous aujourd'hui ?

– Nous sommes le 25 mars. Et c'est un jeudi.

– Je te remercie. Je descends manger un morceau avant de reprendre la route. J'ai déjà demander à l'aubergiste de préparer du lait tiède pour Thomas. Je te laisse lui donner.

– Très bien votre Altesse. Tout s'est-il bien passé hier soir ?

La duchesse acquiesça tout en mettant ses gants de fourrure pour éviter qu'elle n'ait trop froid. Elle embrassa sur le front son fils puis descendit vers la salle à manger pour déjeuner. Après s'être rassasiée, la jeune femme remercia l'aubergiste et son épouse avant de se diriger vers le carrosse. Son mari arriva à ce moment là avec un grand sourire sur le visage.

– Sophie, j'espère que vous avez bien dormi. Nous arriverons dans l'après-midi sur le lieu du siège. Je vous dis à tout à l'heure.

Il l'embrassa sur la tempe et repartit en trottinant vers son cheval qui l'attendait. Il donna l'ordre de se mettre en route et tout le convoi partit au petit trot. Sophie, à l'intérieur avec sa suivante et son fils, soupira et commença à réciter son chapelet. 

 

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Les Secrets du Duc d'AquitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant