Lorsque la duchesse entra dans sa chambre, elle appela sa suivante pour l'aider à se préparer. Alors qu'elle commençait à défaire ses lacets de robe elle-même, Sophie arriva près de son lit et découvrit un œillet rouge sur son oreiller. Elle prit délicatement la fleur entre ses doigts fins et la huma, les yeux fermés. Cette fleur lui rappelait son enfance et sa région bien-aimée : la Lorraine.
Elle fut tirée de ses pensées par sa suivante qui entra. Après une révérence, Éléonore se dirigea vers elle et continua à lui défaire les lacets de sa robe.
– Qu'avez-vous fait hui1 votre grâce ?
– Je me suis promenée dans les jardins. Oh, Eléonore, si tu avais vu comme ils sont magnifiques.
– Chaque jour vous me dites pratiquement la même phrase.
– Oui mais c'est parce que depuis un mois je n'arrive pas à me lasser de cette merveille créée par Monsieur Le Nôtre. Comme tous les jours, je me suis arrêtée pour lire au bord d'une fontaine et j'ai lu. Puis, le Poète est venu me voir et m'a invitée à sa réunion avec les musiciens. Là encore quel spectacle ! La manière dont il reprenait les morceaux de Monsieur Lully.
La servante finissait de défaire les lacets de son corset en écoutant sa maîtresse lorsque cette dernière se retourna perplexe. Ses longs cheveux tombaient en cascade sur son épaule. Elle regarda sa suivante et demanda :
– Dis-moi Éléonore, n'as-tu vu entrer personne dans ma chambre ?
– Mis à part votre mari ? Personne votre grâce.
– Mon mari ? Que voulait-il? interrogea Sophie, curieuse.
– Discuter avec vous. Je ne sais en revanche de quel sujet mais ce que je peux vous assurer, c'est qu'il semblait énervé.
Soucieuse, la duchesse réfléchit à ce que venait de lui dire sa suivante. Si son mari semblait énervé alors ce n'était certainement pas lui qui avait déposé la fleur sur son lit. Mais alors, qui ? Elle huma une deuxième fois la fleur en fermant les yeux tandis que sa suivante continuait de de s'occuper d'elle.
Une fois que sa robe et son corsage furent enlevés, il ne restait sur Sophie que sa chemise. Elle s'avança vers sa table à miroir et s'assit, lorsque la porte s'ouvrit. Prenant rapidement un drap, elle se cacha du mieux qu'elle put pour affronter le visiteur.
Ses yeux s'agrandirent en reconnaissant son époux.– Que faites-vous donc ici ? Ne savez-vous point que l'on ne doit entrer dans la chambre d'une dame sans frapper ?
– Sachez, qu'avant être une dame, vous êtes mon épouse. Je peux donc entrer et sortir à ma guise.
– Je refuse monsieur, dit-elle sèchement.
D'un claquement de doigt, il ordonna à Éléonore de sortir de la chambre. Cette dernière posa la brosse à cheveux sur la table avant de faire une révérence et de partir. Sophie suivit du coin de l'œil son départ. Elle se retourna face à son miroir et prit sa brosse à cheveux pour les démêler. Son mari se positionna derrière elle et l'observa par le miroir. Puis, il dit d'une voix froide :
– Vous ne pouvez me parler sur ce ton ! Et encore moins devant votre servante.
– Pourquoi donc ? A cause de votre rang ? Je suis votre épouse et donc duchesse. Il me semble que je peux vous parler comme bon me semble. Je vous prierais de bien vouloir sortir afin que je puisse terminer de m'habiller.
– Vous me semblez bien proche de votre ami le Poète.
– En effet.
L'oeil du duc fut attiré par la fleur rouge posée sur la table devant sa femme. Il se raidit et demanda sèchement :
– Qui donc vous a offert cette fleur ?
– Moi qui pensais que vous teniez un peu à moi, répondit Sophie. Je suis déçue que ce ne soit point vous qui me l'ayez offerte.
– Ne jouez pas avec moi Sophie. Je vais vous poser une question et j'attends une réponse claire !
– Est-ce un ordre, monsieur ? répondit-elle la tête haute en se tournant vers lui tout en se levant.
– Entretenez-vous une relation avec votre ami le Poète ?
– Je garde mes informations privées et en aucun cas, je ne souhaite les partager avec vous. Maintenant, si vous voulez bien me laisser me préparer.
Elle lui tourna le dos et s'avança vers le fauteuil où était posée sa robe pour la réception. Elle était en train de la prendre dans ses mains lorsqu'elle dû se retourner de force face à son mari. Il tenait d'une main son poignet et le lui serrait fortement.
– Vous êtes sous mon autorité. Si je vous ordonne de répondre alors vous devrez le faire. J'ai tout pouvoir sur vous !
– Si vous pensez cela alors c'est que vous un fou.
Philippe fit un pas en arrière et gifla sa femme. Cette dernière s'écroula sur le sol sur le ventre, sous la violence du choc. Elle toucha sa joue chaude, sa respiration haletante, la douleur apparaissant. Du bout de sa botte, le duc la tourna pour qu'elle soit sur le dos. Il s'accroupit près d'elle et posa une main sur sa hanche. D'une voix douce mais froide, il dit :
– Je déteste la violence donc ne m'obligez pas à l'être. Je ne voudrais point abîmer votre joli teint Sophie.
Il se pencha vers elle et l'embrassa durement. Sophie n'eut d'autre choix que de se laisser faire à contre-coeur. Puis il se releva, réajusta ses habits et sortit de la chambre non sans avoir écrasé l'œillet dans sa main et l'avoir jeté sur le parquet. Sophie se redressa difficilement et ramassa la fleur. Elle caressa du bout des doigts sa joue meurtrie et sous le lancement de la douleur, des larmes coulèrent de ses yeux bleus-gris. La porte s'ouvrit de nouveau et Éléonore courut vers sa maîtresse avec un mouchoir humide.
– Oh ma dame, j'ai tout entendu. Je sui tellement navrée pour vous.
– Ce ne sera pas la dernière fois Nonore. Penses-tu pouvoir faire quelque chose pour cacher cette rougeur qui apparaît ? Je n'aimerais pas que cela se voit durant la réception.
– Pourquoi ne pas en parler au Roy ? Il vous a en grande estime.
– Si le mariage ne fonctionne point, l'alliance sera réduite à néant. Je ne pourrais point rentrer, ni rester, fit remarquer Sophie. Je vais aller à ce dîner et me montrer au bras de mon mari. Je laisserai à la marquise le soin d'occuper sa soirée.
1 : hui signifie en ce jour, aujourd'hui
Rondeau des Indes Galantes est un opéra-ballet composé par Rameau en 1735. Il est composé d'un prologue et de 4 entrées.
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...