30 octobre 1733, en Lorraine
Pendant ce temps, les troupes françaises étaient toujours en Prusse en train de se battre. Philippe avait reçu l'ordre de rentrer à Versailles afin d'être là au moment de la naissance de son enfant. Cela permettrait de faire venir de nouvelles troupes sur le champ de batailles et d'en faire revenir d'autres afin qu'ils profitent de leur famille. Ainsi, près de mille hommes étaient en route pour Versailles et toute la France. Certains bataillons quittaient en cours de route pour se diriger vers leurs régions natales. La nuit ne tardant pas à arriver, ils décidèrent de monter leurs tentes, non loin de Forbach, ville de Lorraine.
Plusieurs jours passèrent et les hommes étaient toujours en route lorsqu'un cavalier arriva au château, essoufflé. Il s'arrêta devant les gardes et tendit une lettre.
– J'ai une missive pour son Altesse, la duchesse d'Aquitaine. C'est de toute urgence, annonça-t-il essayant de bien articuler.
Les deux gardes se regardèrent puis prirent le papier et lui demanda d'attendre ici. L'un quitta son poste pour tenter de trouver la duchesse en question. Après avoir demandé des indications à plusieurs serviteurs, il arriva enfin dans le jardin où la jeune femme se trouvait. Elle était assise, dans un bosquet, avec son ami le Poète qui lui faisait la lecture.
– Votre Altesse, une missive venant de votre duché, s'inclina le garde royal.
– D'Aquitaine ? Cela est étonnant, je n'y suis encore jamais allée. Je vous remercie.
Enceinte de sept mois, Sophie se leva difficilement pour prendre la lettre des mains du garde. Elle la décacheta et parcourut des yeux ce qui y était écrit. Ses yeux s'agrandirent rapidement en lisant chaque ligne. Lorsqu'elle fut arrivée à la fin du parchemin, elle le lâcha et s'effondra en pleurs sur le sol. Le Poète s'approcha d'elle rapidement et la prit dans ses bras ne comprenant pas ce qui se passait.
– Ma douce amie, que se passe-t-il donc ? Pourquoi ces pleurs ?
Sophie n'arrivait pas à arrêter de pleurer aussi, elle lui tendit la lettre que son ami s'empressa de prendre et de lire.
« Ma chère fille,
C'est le cœur bien triste que je t'écris ces quelques mots. Je ne sais si tu l'as déjà appris ou non à la Cour de France, mais la nouvelle ne devrait tarder à arriver.
Les troupes dirigées par ton mari sont passées par nos terres. Plusieurs groupes se sont séparés afin de retourner dans leurs duchés respectifs. Nous en avons autorisés quelques uns à séjourner non loin de Forbach afin qu'ils reprennent des forces. Malgré les tensions entre nos deux pays, j'ai obligé François ton frère à accepter ma proposition. Ô ma chère Sophie, ce qu'ont fait les hommes du roy est tout simplement impardonnable. Les habitants de Forbach ont été décimés. Les hommes tués froidement, les femmes et les enfants torturés avant d'être lâchement assassinés. Nous qui les avions accueillis en paix, voilà qu'ils déclarent ouvertement la guerre. Ton frère est horrifié et est en train de se préparer à faire payer le prix fort à ton roy de France ainsi qu'à ton mari. Car oui, tout cela est de la faute du duc d'Aquitaine. S'ils avaient appris à ses hommes à bien se comporter même en temps de guerre, alors rien de tout cela ne serait arrivé.
Tu me vois désolée de te l'apprendre ainsi par une lettre et j'espère que tu montreras ta colère au roy de France. En espérant qu'il t'écoute.
Je t'embrasse mon petit ange et je sais que tu prendras les mesures nécessaires afin qu'il y ait réparation.
Elisabeth-Charlotte d'Orléans »
Le Poète aida son amie à se relever et la ramener dans ses appartements. Il l'assit dans un fauteuil et demanda à Éléonore de veiller sur elle le temps qu'elle se remette.
Pendant plusieurs jours, Sophie resta dans ses appartements sans vouloir recevoir du monde. Même le roy qui avait voulu lui rendre visite n'avait pu entrer. Malgré sa colère, les gardes n'avaient pas bougés et il avait dû repartir, de mauvaise humeur.
Le mardi, lorsque les troupes françaises pénétrèrent dans Versailles, Philippe à sa tête, tout le peuple l'acclamait. Il trotta jusqu'au château, heureux de retrouver sa femme. Cinq mois après avoir quitté la Cour, il avait longuement réfléchi à la situation. Il leur fallait plus de temps pour mieux apprendre à se connaître et pendant ces mois où ils se trouvaient qu'avec des hommes, il avait ressenti un manque. Oui, sa femme lui manquait. Et c'est pour cela, qu'il comptait les dernières marches qui le séparaient d'elle. Lorsqu'il arriva devant les portes closes des appartements de sa femme, il fut étonné de voir les lances des soldats s'abaisser devant lui.– Ouvrez-moi les portes, gronda-t-il, sourcils froncés.
– Son Altesse ne veut point être dérangée. Cela fait deux jours qu'elle ne reçoit plus de visiteurs.
Philippe perdit patience et empoigna le garde au col en le plaquant contre le mur et murmura des menaces à son oreille. Le garde déglutit et acquiesça de la tête avant de regarder son camarade. Ce dernier ouvrit les portes et invita le duc à entrer. Philippe relâcha l'homme, épousseta ses habits, tira sur ses manches et avança jusque dans la chambre de son épouse.
Lorsqu'il la vit, allongée sur le lit, le visage tourné vers le mur, il sourit. Sourire qui disparut bien vite en entendant les paroles de son épouse :– Éléonore, j'ai dit que je ne voulais voir personne. Tu peux dire à sa Majesté de repartir aussitôt dans ses appartements. Peu importe qu'il soit roy ou non.
– Navré de vous décevoir très chère, mais je ne pense pas être une femme. Encore moins votre servante.
Sophie se retourna et observa son époux, les yeux rouges. Philippe fit un pas vers elle mais regretta aussitôt lorsqu'il la vit prendre un bougeoir sur sa table de chevet et le brandir, il sut que quelque chose n'allait pas. Spécialement quand elle le lança dans sa direction. Grâce à ses réflexes, il arriva à le saisir au vol avant qu'il n'atteigne son torse. Il regarda longuement l'objet avant de relever les yeux vers sa femme.
– Alors là, il va falloir m'expliquer...
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...