Sophie leva les yeux vers son mari et vit que son visage était fermé. Elle posa une main sur son bras ne sachant que faire d'autre. Le duc se tendit avant de se laisser aller. Il fronça les sourcils, posa sa main sur celle de sa femme pour l'enlever.
– Je ne veux plus que vous fréquentiez mon frère le roy !
– Pourrais-je en connaître la raison Monsieur ? s'étonna Sophie.
– Vous ne connaissez rien de la Cour, des enjeux qu'il y a. Tout ce qui s'y passe. Vous ne connaissez pas le passé de notre famille. Le mien comme celui de mon frère.
– Je ne peux tout simplement point lui dire que je ne désire plus lui parler. Il est mon roy et...
– Et je suis votre époux ! s'emporta Philippe.
Sophie sursauta en entendant le ton employé par son mari et instinctivement elle baissa les yeux. Il était déjà tard et elle ne voulait pas subir ses coups une fois de plus. Aussi elle déglutit difficilement et dit d'une voix chevrotante :
– Je ferai tout mon possible pour éviter de le croiser Monsieur. Soyez en assuré !
Le duc d'Aquitaine s'approcha d'elle et posa une main sur sa joue. Il sentit qu'elle se tendait dès son toucher. Il soupira, secoua la tête de droite à gauche et quitta les appartements. Avec une idée bien en tête : oublier ses soucis auprès de la marquise.
Sophie respira à nouveau lorsqu'il eût quitté la chambre. Aussitôt, une douleur perça dans son ventre. Elle se plia en deux en grimaçant de douleur. La jeune femme se dirigea aussi vite qu'elle put vers le pot de chambre, se mit à genoux et vomit tout ce qu'elle avait pris quelques heures auparavant.
Elle fut surprise dans cette position par sa suivante qui rentrait avec sa robe pour le lendemain. Cette dernière lâcha aussitôt le vêtement et courut vers sa maîtresse pour lui tenir les cheveux.– Voilà voilà ma dame. Je suis là ne vous inquiétez point. Je suis à vos côtés.
Après avoir dit cela, elle hurla pour qu'une personne vienne à l'intérieur de la chambre. Ce fût un jeune homme qui portait des bûches de bois qui entra à ce moment là. Il resta figé sur le seuil de la porte en voyant les deux jeunes femmes à genoux. L'une en train de rendre ses tripes, l'autre la tenant par les épaules et en murmurant des paroles de réconfort.
Éléonore se tourna vers le serviteur et l'insulta en allemand, pays d'origine de la suivante.– Ne reste pas là comme ça blödian1 ! Va chercher le médecin et à toute allure.
Une fois qu'il fut parti, Éléonore raccompagna lentement sa maîtresse vers le lit. Elle commença à lui enlever sa robe puis son corset pour qu'elle puisse respirer plus simplement. Au bout d'une heure, le médecin de la Cour arriva enfin. C'était un vieil homme qui marchait avec l'aide d'une canne, un sac noir dans une de ses mains. La suivante voyant tous les objets que le médecin sortait, se tourna vers sa maîtresse et lui demanda :
– Dois-je faire venir votre époux ma dame ?
Pâle, Sophie acquiesça de la tête et ferma les yeux. Pourquoi se sentait-elle aussi mal ? Même si elle avait une idée du maux qu'elle avait, sa mère n'avait pas eu aussi mal pour son petit-frère et ses petites-sœurs. Elle était persuadée que si elle écrivait une lettre à cette dernière, elle la rassurerait et lui dirait que ça irait mieux par la suite. Mais elle n'osait la déranger. Surtout dans l'état dans lequel elle se trouvait actuellement. Elle ne souhaitait en aucun cas ressembler à sa mère ou grand-mère. Gourmande au possible et qui se voyait au niveau de son physique.
Elle fut interrompue dans ses pensées par son mari qui entra rapidement dans la chambre. Il se positionna face à elle, devant le lit et apostropha le vieil homme :
– Dites-moi ce qu'elle a !
– Oui votre Altesse, je serai rapide.
Il prit le scalpel fin parmi les outils déposés près du lit. Il prit le bras de la jeune femme qui tremblait et le regardait apeurée. Il la rassura avec quelques mots et entreprit de taillader au-niveau de l'avant-bras. Après ce qui sembla être une éternité, il recueillit assez de sang pour pouvoir l'examiner.
– Alors ? s'impatienta le duc.
– Je peux vous annoncer que la duchesse n'a point été empoisonnée.
A ces mots, Sophie se redressa vivement sur ses coudes, les yeux grands ouverts.
– Qu'avez-vous dit ?
– Nous vérifions toujours en premier pour la famille royale si votre état n'est pas dû à un empoisonnement. Et dans votre cas, ce n'en est point un. Si vous voulez bien vous lever pour passer au test prochain votre Altesse.
Avec l'aide d'Éléonore, Sophie se leva et prit la cuvette tendu par le médecin. Comprenant ce qu'elle devait faire avec, elle demanda aux hommes de se retourner et à sa suivante de l'aider en soulevant sa chemise. Non sans difficultés, elle urina dans la cuvette et le tendit, gênée au médecin. Ce dernier la remercia et posa la cuvette sur son meuble avec les outils puis versa un peu de vin. Il mélangea le tout et patienta quelques instants.
– Alors ? s'impatienta Philippe.
– Alors, la duchesse attend un enfant, dit le médecin en se retournant vers la jeune femme.
Philippe regarda sa femme qui s'était rallongée. Une larme coulait le long de sa joue. Malgré la soirée bien avancée, elle avait envie de sauter partout pour laisser éclater sa joie. Mais elle n'en fit rien. Premièrement car son mari glacial était en face d'elle, deuxièmement car elle la duchesse d'Aquitaine et était donc observée sous toutes les coutures par la Cour. Son mari remercia le médecin et le congédia. Puis il s'approcha du dossier du lit et s'assit près de Sophie.
– Il faut croire que malgré mes courtes visites dans votre chambre, nous allons avoir un enfant. Le même jour où mon frère l'annonce.
– Si cela ne vous ennuie point, j'aimerais attendre quelques semaines avant de l'annoncer.
– Si vous le souhaitez, dit-il en posant sa main sur celle de sa femme. Et dire que vous me parliez de la joie que procurait l'attente d'un enfant. Voilà que vous allez être servie.
– Allez vous rester avec moi cette nuit ?
Malgré la légère appréhension qu'elle avait lorsqu'elle était face à son mari, Sophie ne voulait pas qu'il parte cette nuit où il y avait enfin une bonne nouvelle. Elle ne souhaitait pas qu'il aille se vanter auprès de la marquise. Elle voulait partager ce bonheur encore un peu avec son mari.
– C'est que...
– Je vous en prie. Après je vous laisserais toute la vie s'il le faut mais rien que cette nuit.
Le duc acquiesça de la tête et lui dit qu'il allait se changer pour venir la rejoindre. Sophie en profita, avec l'aide de sa suivante, pour se préparer pour la nuit. Elle se recoucha et attendit que son mari arrive. Elle patienta de longues minutes s'étonnant qu'il n'ait toujours pas passé la porte de sa chambre. Ce n'est qu'au bout de longues minutes qu'elle s'endormit, ses deux mains sur son ventre.
Lorsque Philippe entra pour accomplir le souhait de sa jeune épouse, il la vit endormie. Alors apparut sur son visage, quelque chose qui n'avait pas été vu depuis plusieurs mois. Un sourire.
1 : blödian signifie abruti en allemand
"Au Matin" est un morceau composé par Edvard Grieg pour la pièce de théâtre "Peer Gynt". Il a été réalisé en 1874.
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Les Secrets du Duc d'Aquitaine
Historical FictionSi vous saviez ma chère, le nombre de personnes présentes au mariage de Monsieur frère du roi ! C'est que l'événement était de taille, probablement le plus important de l'année. Que dis-je, de l'année ? Du siècle au moins ! Philippe d'Aquitaine, frè...