1.

148 6 9
                                    

8 ans plus tard, banlieue de Paris.

Je m'appelle Sacha, j'ai 14 ans et une sœur jumelle. Je commence par ça car c'est une information cruciale pour comprendre ma vie.
Elle, c'est, Sacha aussi, à se demander si nos parents ne préféraient pas un seul enfant quand nous sommes nés. On se ressemble physiquement comme ce n'est pas croyable : on a les cheveux bruns, les yeux verts et exactement les mêmes traits mais version sexe opposé. Il paraît que « même pour des jumeaux c'est étrange et que si ça se trouve on est des clones ». Enfin, c'est ce qu'on vient de nous dire.
Cette remarque débile a un seul mérite : Je vais rectifier mon intro pour qu'elle convienne mieux à la situation actuelle.

Je m'appelle Sacha, j'ai 14 ans, une sœur jumelle et je commence sérieusement à me demander ce que je fais là.

Là, c'est-à-dire, dans ce vieil entrepôt qui tombe en ruines, avec des gens que je connais à peine, et qui n'ont visiblement pas du tout les mêmes centres d'intérêt que moi. Ils rigolent à des blagues débiles ou perverses, racontent trente-cinq mensonges et idioties par phrases et ils ont sorti un paquet de cigarettes. Ok, très peu pour moi.

Je meurs d'envie de partir. Mais les autres et surtout le regard assassin de ma sœur m'en empêchent. En même temps, c'est ma faute, c'est moi qui ai insisté pour venir ici après les cours, malgré les réticences de Sacha, ma jumelle. Il faut dire que quand on m'a demandé si je voulais venir, je n'ai pas trop réfléchi. Comme d'habitude dirait ma sœur.
On m'a présenté ça comme un endroit cool et tranquille pour traîner, et puis c'était l'occasion de faire connaissance avec des gens. Ce dernier argument m'a convaincu, et pour cause, cela faisait presque deux semaines que nous avions changé de collège et nous ne connaissions toujours personne, ou presque. Ayant l'habitude des déménagements, je savais que cela n'allait pas être facile de s'intégrer –une énième fois- dans ce milieu hostile et hiérarchisé qu'est un collège. Je vous assure que c'est beaucoup plus compliqué que ça en a l'air. Surtout quand on est comme moi et ma sœur « bizarres ».

Attention, « bizarre » ne veut pas dire comme dans les livres de science-fiction que lit Sacha qu'on a des pouvoirs ou une maladie ultra rare qui fait de nous des mutants. Ce n'est pas non-plus qu'on vient d'une autre planète ou d'un univers parallèle. Non, c'est bien pire ! À côté de nous, des extra-terrestres, c'est la normalité absolue pour les autres collégiens.... Nous, c'est plein de petits détails qui nous font sortir de la norme et qui terrorisent les gouverneurs suprêmes appelés « populaires ». (Tin tin tiiiiiin)
Ces populaires sont les chefs et décident du sort de chaque élève. Et toutes les personnes susceptibles de faire résistance sont évincées de manière subtile et cruelle. Ce qui risque de nous arriver très prochainement, à mon avis. Le fait que l'on dise que nous n'avons pas de portable vient de signer notre arrêt de mort. Merci à notre mère qui s'oppose à cet « engin du démon » et qui nous condamne donc automatiquement à la peine maximale....

Pourtant, jusque-là, on s'en sortait plutôt bien. C'est vrai quoi, c'est la première fois qu'on a autant de mal à s'intégrer dans un collège. Il suffisait de mettre de côté la partie « bizarre » et on est sympa. Je ne veux pas me vanter, mais je crois que c'est la vérité. On avait pas mal de potes. Pas les mêmes, mais on en avait.

Il faut savoir que, même si on se ressemble avec Sacha, on est très différents côté caractère. Elle, elle est beaucoup plus réfléchie que moi et plus déterminée aussi. Elle ne laisse pas tomber facilement et m'oblige à travailler pour que j'aie une bonne moyenne. Je précise que pour elle c'est 18. Pour l'instant je suis à 15,65 et je sais que je pourrais atteindre facilement l'objectif que m'a fixé ma sœur, en faisant mes devoirs de latin par exemple, mais ça ne m'intéresse pas vraiment d'être excellent. À quoi ça sert puisque je sais que j'ai les capacités ? Enfin bon, ça ne sert à rien de discuter avec Sacha qui est la personne la plus têtue que je connaisse. Quand elle m'énerve vraiment trop je suis obligée de lui rappeler la mauvaise volonté absolue dont elle fait preuve quand il s'agit d'anglais ou de musique. Elle déteste ces deux matières et c'est moi qui dois la forcer à travailler quand on doit apprendre une chanson. Elle n'arrête pas de râler et généralement je finit par laisser tomber.

Sacha et SachaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant