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(Pdv Sacha, la sœur)

Parfois, j'ai dû mal à croire que tout cela est réel. J'ai l'impression de ne plus réussir à penser clairement, comme si je me laissais emporter par le flot d'évènements pour m'y noyer.

Récemment, il y a eu cette nouveauté, ces « séances de perfectionnement personnalisées », un truc vraiment pas agréable dont je me serais bien passé. Le plus souvent, c'est le matin que je me coltine ce calvaire, mais comme mon emploi du temps n'est pas fixe, c'est un peu à l'improviste.

Lors des « séances de perfectionnement personnalisées » je dois me rendre dans un cabinet à part, et si les cuves servent à peut près à conditionner l'évolution de notre pouvoir dans un environnement manipulable, ces séances ont plutôt un but éducatif voir de contrôle. Je m'explique, dans ce cabinet, je rencontre trois scientifiques qui – pas diverses méthodes – cherchent à « exprimer » ma « mutation », et pour les autres, ceux qui l'ont déjà exprimé, il cherchent à la manipuler.

Les premiers examens ont plutôt visés à prendre connaissance des limites de ma régénération, ( pas forcément de façon très agréable ). Par exemple j'ai découvert que je me régénérais plus vite si j'avais conscience de ma blessure par la douleur; cette dernière anesthésiée localement, mon corps mettait presque le double du temps à reformer les tissus abimés.

Généralement, ce n'est pas allés vraiment plus loin, on aurait dit qu'ils savaient exactement comment s'y prendre. En même temps, pourquoi me coller l'étiquette « rouge » si ils ne savent pas de quoi je suis hypothétiquement capable ?

Le deuxième phase des examens a été nettement moins marrante.

Ils m'ont conduite dans une salle insonorisée, avec des murs acoustiques et blancs. La porte ouverte mesurait plus d'un mètre d'épaisseur sans doute comme le reste de la pièce qui était recouvert de dièdres, ces sortes de petites pyramides tapissées sur les murs.

Puis ils ont fait venir cette fille, une fille pas très grande mais très mince, au corps longiligne encadré par des cheveux en ailes de corbeau, lisses et coupés au carré. Elle avait les yeux mauves, je suis restée à me perdre dans ses iris d'une profondeur de volutes violettes.

La porte s'est fermée dans un grand bruit sourd.

La fille s'est avancée et m'a attrapé la tête avec ses mains. Je sentais ses ongles dans la peau de mes tempes. Avant d'avoir pu avoir le moindre réflexe défensif, de m'éloigner ou d'avoir peur, son pouvoir déferlait en moi. 

Mes tympans ont explosé sous la pression, mais je sentait mon corps vibrer, mes os s'entrechoquer, la vibration sonore pénétrer mon cerveau. Je crois que j'ai crié, je n'en suis même plus sûre, à ce moment là, le son semblait provenir de partout à la fois.

Lorsque j'ai repris conscience, j'étais seule dans le noir. Je saignais du nez et des oreilles, j'en avais plein la bouche. J'avais la sensation que le son se répercutait encore dans ma tête, et, incapable de bouger, je suis restée prostrée dans le noir, à attendre.

Au bout d'un temps qui me paru infiniment long, la véritable torture commença.

Un battement sourd commença à se répercuter dans la pièce, il me fallut un certain temps avant de comprendre que ce son angoissant était celui de mon cœur. Et lorsque j'ai commencé à paniquer, c'est l'air passer dans mes poumons que j'ai entendu, puis celui de mes articulations en mouvement quand je tentais de me boucher les oreilles. Je ne pouvais même plus me lever, dans l'obscurité, sans aucun son, je perdais l'équilibre et j'étais complètement désorienté. Après un son aussi fort, le silence total semblait renfermer un chaos effervescent. Et je ne pouvais qu'écouter les son de mon corps.

Sacha et SachaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant