Sacha et Sacha

24.

Sacha (la sœur)

Mon souffle se coupe dans ma gorge, j'appréhende la réaction de Timothée un peu comme un enfant pris sur le fait. J'ignore pourquoi je me sens si ridicule face à ce type qui n'en impose même pas par son physique ou sa taille. Il est si maigre que je pourrait l'écraser comme un moustique, et pourtant mon instinct me hurle de me méfier de lui.

Le jeune scientifique sourit.

- Tu peux entendre la télépathie d'abord ? je m'exclame avec insolence.

Il me lance un regard indifférent.

- Ça ne changera rien à ce qui va t'arriver, réplique-t-il sur un ton qui nous indique immédiatement qu'on l'énerve. Puis il ajoute pour lui même en murmurant : je dois bien avouer que débuter dès maintenant les expérimentations humaines... m'arrange.

Je déglutis en essayant de ne pas imaginer tous ce qu'il pourrait nous faire. Timothée fini par entrer dans la chambre avec un ordinateur sous le bras en trainant une grosse machine à roulette pleine de fils et de câbles, de boutons et de led. Elle ronronne doucement et avance en rinçant. Je sens mon frère se tendre et bouger à côté de moi, puis il demande :

« Donc tu arrives à m'entendre ? »

- Ce n'est pas une raison pour commencer à parler, dit-il sèchement en poussant la machine jusqu'à nous.

Je sens quelque chose frémir sous ma peau et j'ai le réflexe de ramener ma main droite contre mon ventre. D'abord je pense que c'est l'angoisse, ou peut-être le souvenir de la barre de fer et finalement je réalise que ce n'est aucun de ceux là. Sans savoir si ça a un lien ou pas, je sais que c'est cette main qui a touché la chose monstrueuse d'hier soir, depuis elle me démange, elle gratte et j'ai des fourmis dans les doigts. Je sursaute en surprenant le bleu du regard calculateur de Timothée. Il a ramené une chaise et s'est assis face à nous.

- Allez, l'un après l'autre, dit-il en tapotant la place sur le lit face à lui.

- C'est quoi ? je demande tandis qu'il termine de brancher son ordinateur à la machine.

- Assis, devant, tout de suite.

J'échange un regard avec mon frère et il décide d'y aller d'abord. Il vient s'asseoir en face du scientifique dont je vois le regard briller d'une curiosité presque effrayante.

- C'est un neurostimulateur, explique-t-il, il va enregistrer l'activité neuronale de votre cerveau.

Je comprends que ça va être du donnant-donnant, si on se plie à ses exigences il daignera partager certaines de ses informations. L'idée a beau me déplaire il faut bien reconnaître que ça aurait pu être pire. Ce qui me met néanmoins hors de moi, c'est le simple fait d'être maintenue dans cette soumission oisive, dans la crainte d'une répression invisible. J'ai l'impression d'être sous le joug de Big Brother et de sentir son regard épier le moindre de mes gestes.

Timothée colle plusieurs électrodes sur le crâne de mon frère, j'ai une appréhension sourde qui gronde au fond de ma gorge et je scrute chacun de ses gestes. Il se retourne vers moi, sans doute en sentant mon regard, et me jette un regard ennuyé.

Il commence à me parler comme avec beaucoup d'arrogance et de mépris :

- Electrodes, explique-t-il en me montrant le capteur au bout d'un fil.

- Ça va, je marmonne, je suis pas débile.

Il soupire puis s'éloigne de mon frère pour bidouiller des trucs sur son ordinateur. Puis je comprends que la machine se met lentement en marche lorsque son ronronnement se transforme en grondement. Je me retourne immédiatement vers mon frère qui attend lui aussi dans une forme d'appréhension immobile, brusquement, il sursaute puis frissonne violement.