17.

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Pdv Sacha, le frère

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Après que ma sœur, Félix et une partie des autres furent partis, il ne se passa rien d'extraordinaire. Nous avons juste eu « cours ». C'était long et ennuyeux, mais plus détendu que d'habitude, en raison de notre nombre réduit.

Ensuite, nous sommes allés manger, et là, on vient de nous dire d'aller aux dortoirs.

J'ai fait profil bas, durant toute la matinée, même si j'ai bien remarqué que Madeleine m'a regardé plus fixement que d'habitude quand je suis arrivé. Évidemment, je n'ai pas pipé mot. J'ai espéré, à mon réveil, que cela soit un mauvais rêve, mais malheureusement pas. Je ne peux toujours pas prononcer la moindre phrase correctement. C'est une très désagréable sensation. Je sais exactement ce que je veux dire, mais je suis littéralement incapable de produire les sons associés. Me voilà donc coupé de moyen de communication avec les autres. Super.

Mon moral est au plus haut là. Youhou. Et je ne parle pas de ce matin avec Sacha. C'était horrible, je ne savais pas comment lui expliquer ce qu'il m'arrivait, j'avais peur que l'on ne me crois pas ou qu'on se foute de moi, et surtout j'étais toujours sous le choc. Mais bon, il va bien falloir lui dire à un moment ou à un autre. La question est juste « Comment ? »

En prévision d'une éventuelle tentative de discussion, j'ai « emprunté » un calepin que l'on nous a fourni pour les cours ainsi qu'un stylo. Pour l'instant cela suffira. Mais vais-je un jour retrouver la parole ? Ou alors suis-je condamné au silence ? Devrais-je apprendre la langue des signes ? Et quel était le but de cette opération que j'ai subi ? Merde. J'ai encore mal à la tête, et je me pose encore trop de questions.

Une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et me retourne. C'est vingt-deux, qui m'a rejoint alors que nous sortions de la cantine. Elle me fait un sourire en coin et me chuchote de ralentir. Je m'exécute et nous nous retrouvons bientôt à l'arrière du groupe. C'est alors qu'elle m'attrape par le bras et m'entraîne dans un tournant. Elle me tire jusqu'à un endroit isolé, que je connais pas. Je suis juste certain que ce n'est pas du tout un chemin pour aller aux dortoirs, loin de là, j'ai plutôt l'impression que nous en sommes le plus éloignés possible.

Je lui lance un regard à moitié affolé, à moitié interrogateur.

- Roh, ne t'inquiètes pas, fait-elle, C'est juste une petite escapade, on ne craint rien.
Je hausse un sourcil et pointe du menton, la caméra de vidéosurveillance de l'angle de mur braquée sur nous.

- Ah, ça... Pas de problème, je te dis, je l'ai déjà fait plein de fois, il ne m'est rien arrivé ! Et puis, ajoute-t-elle, Je pense que dans notre dortoir ou dans un couloir, ils s'en fichent. Tant qu'on ne fait pas de bêtise, bien sûr. Et non, continue-t-elle devinant mes pensées, Cela ne sert à rien d'essayer de se cacher des caméras, ils nous ont implanté un traceur à notre arrivée, et ils savent donc exactement où nous sommes à tout instant. Si ils avaient vraiment voulu nous empêcher d'aller se promener, je peux t'assurer que je ne serais pas là à t'expliquer ça tranquillement, nous serions déjà ramenés de force dans nos dortoirs. Alors fais-moi confiance, suis-moi, ordonne-t-elle.

Pas vraiment convaincu malgré tous ses arguments, j'obtempère, et je la suis, un peu réticent. Je ne sais pas comment elle fait pour se repérer dans ce labyrinthe, pour moi, tous les couloirs se ressemblent. Des portes identiques, le même papier peint moche, des tableau accrochés un peu partout, mais parfois les mêmes à plusieurs endroits différents, et surtout beaucoup trop d'embranchements. À vrai dire, je doute même que Vingt-deux sache où nous allons, elle a plus l'air de choisir des couloirs au hasard qu'autre chose.
Mais non, mais non. Ce n'est sûrement qu'une impression, si ça se trouve, elle a clairement un chemin en tête, et il n'y a aucun risque de se perdre. Cette fille m'a l'air sérieuse et avisée, elle ne partirait pas comme ça, dans l'inconnu ?

Sacha et SachaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant