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(pdv de Sacha, le frère)


Chutes.

Il y a celles des objets, en pleine nuit et sans raison particulière, provoquant des montées de panique - y-a-t-il quelqu'un dans ma chambre ? On allume la lumière, l'ombre de l'armoire nous fait sursauter, mais non, ce n'est rien, juste une pile de livre en équilibre qui est finalement tombée. N'est-ce pas ?

Il y a les chutes dans les escaliers, qui provoquent des mouvements de terreur à notre mère- tu ne t'es pas fait mal ? Les escaliers de cet apparentement étaient vraiment tordus, on avait pris l'habitude de les descendre à tous petits pas, fermement agrippés à la rampe. Ma sœur, cependant, n'a pas besoin d'escalier pour tomber. Combien de fois l'ai-je vu se ramasser parce qu'elle lisait en marchant ? Notre mère s'en arrachait les cheveux.

Il y a les chutes de gommes, de stylos, qui jouent au saut à l'élastique en cours. Se baisser pour les ramasser, voir les chewing-gum collés sous la table. Ou alors, à la cantine, une cuillère de yaourt qui n'a pas bien calculé sa trajectoire et qui finit sur le plateau – regards discrets et paniqués, personne ne m'a vu ? La personne à côté de moi me sourit avec un air complice, j'ai un rire gêné.

Les chutes de tartine, toujours sur la confiture. Les chutes de la petite voisine qui court dans tous les sens. Les chutes qui font mal, celles qui font rire, celles qui donnent juste envie de rester par terre à tous jamais, la pluie, la neige, les feuilles en automne, les rires en cascades, les larmes et les espoirs qui se brisent.

Notre monde tombe, nous tentons de le rattraper et chutons avec lui, tant de fois, si longtemps, que nous nous y habituons presque, à ces chutes du quotidien.

Mais il y a les autres. Ces autres chutes qui éteignent les regards et les consciences – celles qui changent vraiment les choses.

Un entrepôt, une plateforme. Un coup de feu. Le vide qui se jette sous la fenêtre grande ouverte.

Un corps contre notre porte.

Je recule, me heurte contre la table de nuit, essaie de me glisser entre cette dernière et mon lit. Vite, le mur, il me faut le mur. Je veux fusionner avec lui, me figer à jamais, condamné à regarder les cafards se promener sur ma peau et entendant les pensées solitaires des prochaines personnes qui finiront ici et qui se confieront à moi, par un regard ou un murmure.

Malheureusement pour moi, la pièce est trop petite, il faut que je grimpe sur mon lit pour coller la surface froide à ma nuque, mon dos trop courbé pour s'y incruster parfaitement. J'essaie de me retenir de rire. Ma sœur me lance un rapide regard soucieux, évaluant mon état. Je sens sa main brûler la poignée de la porte, elle se retient, encore prudente. Cependant, son envie de l'ouvrir déborde tellement que, malgré mon trouble qui me crie de faire l'inverse, une partie de moi reçoive ce désir avec une ardeur qui amplifie le chaos de ma tête.

Je vois les lèvres de ma sœur bouger, sa voix presque inaudible, je ne l'entends pas, je ne veux pas l'entendre. Au creux de mes iris, je tombe. Les chutes, se superposent pour n'en former qu'une, celle qui a tout commencé et qui me souffle des idées grises. Et puis encore ce bruit sourd, la balle fusant dans la pièce et ricochant dans ma tête. Deux notes. Un sifflement.

- Hé, calme-toi.

Ma sœur s'est approchée de moi, je reprends contact avec elle et le monde autour de moi. Depuis mon périple dans la tête de ma sœur, j'ai l'impression que mes oreilles bourdonnent et d'avoir de la barbapapa dans le cerveau, ma concentration m'échappe de toutes parts et je ne peux la retenir.

Sacha et SachaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant