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J'ouvre la porte de l'appartement, mais je tremble tellement que j'ai du mal à mettre les clés dans la serrure. Derrière moi, ma sœur sanglote encore et ne cesse de passer sa main sur son ventre, là où la barre de fer l'a transpercée, une heure auparavant. Je n'arrive pas à réaliser ce qu'il vient de se passer. Je me rappelle être tombé. Avoir eu très mal. J'ai senti un craquement au niveau de ma colonne vertébrale, tellement douloureux que j'ai perdu conscience un cours instant et puis... plus rien.

- Je... je l'avais dans le ventre... Du sang... partout... Je... je n'ai pas rêvé n'est-ce pas ? gémit Sacha, Comment... je... j'allais mourir !

Je me tais, ne sachant quoi répondre. En même temps qu'est-ce que je peux dire dans cette situation ?

- Dis... tu l'as vu aussi toi... Tu...tu crois qu'on devient fous... ?

- Ne dis pas de bêtises, je réponds d'une voix tremblante, Va plutôt prendre une douche, ça va te faire du bien.

Elle acquiesce d'un hochement de tête et se dirige d'un pas chancelant vers la salle-de-bain. Je vais quant à moi m'affaler sur le canapé, ne pouvant trouver autre chose de mieux à faire. Je ne prends même pas la peine d'enlever mes chaussures et fixe l'écran de la télévision sans la voir réellement.

Évidemment que je me pose des questions moi aussi ! Mais qu'est-ce qui se passe ? Sur le moment je n'ai pas réalisé mais comment j'ai pu me lever alors que j'étais censé avoir la colonne en miettes ? Et comment ma sœur a survécu ? Je l'ai bien, j'ai senti le trou béant dans son ventre... Comme elle le dit elle aurait dû.... Et c'est de ma faute, en plus. Si je n'avais pas insisté pour y aller elle n'aurait pas... Non. Ne pense pas à ça, Sacha, elle a survécu, c'est le principal. Oui mais comment ? Le sang présent sur nos vêtements -que nous avons dissimulé grâce à nos pull- est là pour nous le rappeler. Ce n'est pas possible...

Ma sœur me tire de mes pensées en posant sa main sur mon bras, m'indiquant que la douche est libre. J'y vais d'un pas mécanique.

Devant le miroir, je m'examine sous tous les angles. Mais pas la moindre égratignure, plaie ou cicatrice. Le type dans la glace a une lueur incrédule dans ses yeux verts et je veux bien le comprendre... Je reste longtemps, planté là, avant de me dire qu'il serait peut-être appréciable de prendre ma douche, puisque c'est pour ça que je suis là à la base. L'eau chaude me fait du bien et me remet un minimum les idées en place. Bon. On vient de vivre un truc de dingue. Et, bizarrement, j'ai le pressentiment que le raconter à notre mère n'est pas une bonne idée. Non seulement, elle sera absolument furax qu'on lui ait désobéi (et tout me retombera dessus du coup) mais elle paniquera complètement et là, c'est sûr qu'on peut dire adieu aux rares libertés qui nous étaient accordées. Première chose à faire : effacer les preuves.

Après avoir enfilé un T-shirt et un pantalon, clean, je vais voir Sacha qui est assise par terre, devant la table basse, un crayon en suspens au-dessus d'une feuille de papier. Elle a cessé de pleurer mais son regard est effrayamment vide. Je reste un instant silencieux, attendant de voir la mine du crayon s'écraser contre le papier et tracer des traits, mais rien ne se produit. Ma sœur est clairement perturbée. En même temps, je ne lui en veux pas. Je pense que vivre une expérience comme celle de tout à l'heure n'est pas sans traumatismes. En plus, c'est ma faute, je n'ai rien à dire. Il faut que je paye la conséquence de mes actes.

Je lui demande où elle a mis ses vêtements tâchés de sang. Elle m'indique notre chambre d'un mouvement de tête et je pars le prendre pour les mettre avec les miens, dans un sachet plastique. Je descends ce dernier dans la cave de l'immeuble, à défaut d'une meilleure idée, qui est une sorte de débarras poussiéreux et pleins d'araignées où personne ne va jamais. Je place le sac en plastique dans les restes d'une vielle commode qui semble dater d'il y a au moins 150 ans et je remonte, ni vu, ni connu. Ce n'est pas la cachette idéale, mais ça fera l'affaire.

Sacha et SachaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant