𝟐𝟗 - 𝐒𝐮𝐫 𝐭𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐟𝐫𝐨𝐧𝐭𝐬.

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[chapitre long]

𝐋𝐢𝐚𝐦.

Campbell.Inc, c'est l'histoire classique d'une famille au service d'une jeune entreprise de joaillerie qu'ils comptent faire prospérer ensemble. Deux frères sont à la tête de ce projet florissant, Randy et Derek.

Si leurs faciès affichent plusieurs traits communs qui trahissent leur filiation, le duo ne partage néanmoins ni la même couleur de cheveux ni le même dressing. Plus âgé de cinq ans, Derek Campbell assume une chevelure blonde et bouclée, dont plusieurs mèches indomptées tombant sur un front haut, tandis que Randy porte une coupe très courte sur des cheveux foncés et une barbe brune de quatre jours. Le premier pourrait sortir tout droit d'un catalogue Armani. Malgré son costume trois pièces cintré bleu nuit, sa montre plus large que son poignet et seulement un bouton ouvert de sa chemise beige, il émane du personnage une nonchalance surjouée qui dénote avec l'image stricte qu'il pense arborer. Randy, lui, a enfilé une chemise en lin noir débrayée sur un pantalon de la même couleur, noué un polo Camel autour de ses épaules et cumulé des bracelets ethniques style baroudeur. Dans leurs yeux à la couleur identique, à la nuance près, la même lueur vindicative.

La famille ne s'arrête pas à ces deux-là.

Le directeur financier et la directrice marketing sont des cousins et leur avocat, Maître Bartolini – un type bedonnant aux cheveux gominés tout droit sorti d'un film des années 60 –, est le beau-père de Derek. Pourtant, quelque chose cloche dans le parfait tableau qu'ils essaient de nous servir. Pas uniquement le fait que, depuis près d'une heure, ils ne cessent de dévier la discussion vers des questions personnelles qui ne font pas avancer notre affaire.

Si j'avais su qu'ils nous conviaient à un speed-dating, j'aurais décliné.

— Où vivez-vous à Atlanta, mademoiselle Woodforth ? s'enquiert l'homme de chiffres, dont la cravate bleu électrique devrait lui valoir au moins une amende pour atteinte à mon acuité visuelle.

Qu'est-ce que je disais ?

Ce sera quoi ensuite ? Son numéro d'assuré social ?

Plutôt son compte Facebook.

Sonja est une belle femme, son charme laisse rarement indifférent, on ne va pas se mentir. Une dense chevelure chocolat, taille moyenne, des formes avantageuses qu'elle sait mettre en avant sans les rendre vulgaires, un regard noisette espiègle et un sourire grenat en croissant de lune. Sa facilité à communiquer avec n'importe qui et en toutes circonstances – habituellement un de ses atouts –, m'agace ce soir au plus haut point. Je me retiens de serrer trop fort le cristal de mon whisky japonais et prends sur moi. Pour l'instant.

Malgré l'intrusivité de l'interrogatoire, celle qui ne devrait pas être là mais plutôt chez elle, c'est-à-dire loin, se prête de nouveau au jeu, sans sourciller.

— J'ai un condo dans Virginia Highland. Une petite pépite avec toit-terrasse qui ne pouvait pas me passer sous le nez. Vous savez, je suis du genre à me battre quand je veux vraiment quelque chose...

La garce !

Son œillade appuyée dans ma direction ne passe pas inaperçue dans l'assemblée. Stoïque, je réprime avec difficulté une grimace qui ne réclamait qu'à fleurir, fais mine de ne pas me sentir visé alors qu'elle s'adressait en réalité à moi seul. Je déteste devoir me répéter, d'autant plus qu'il n'y a jamais rien eu de sérieux entre nous. Jamais. Des parties de jambes en l'air plaisantes certes, mais aucune attache ni contrat d'exclusivité. Sonja voyait d'autres hommes et ça me convenait. Elle m'a elle-même souvent répété qu'entre nous, c'était « sans prise de tête et sans certitude qu'il y ait une prochaine fois ». À priori, le meilleur deal possible pour un type comme moi qui ne s'adonnait au sexe que pour répondre à mes besoins primaires, puisque notre engagement envers l'autre ne dépassait pas quelques heures. Nos interludes n'engageaient à rien d'autre que des draps froissés et des orgasmes partagés.

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant