𝟕 - 𝐈𝐧𝐯𝐞𝐫𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐩𝐨̂𝐥𝐞𝐬. 𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟏

8.7K 842 218
                                    

𝐋𝐢𝐚𝐦.

— La dernière proposition est donc à cent quatre-vingt-huit millions de dollars, prononce la voix graveleuse de notre avocat, me sortant ainsi de la contemplation de mon écran de smartphone.

Si le tabagisme a enroué ses cordes vocales, force est de constater que rien n'altère sa rigueur et sa ténacité. Mais rien de suffisamment puissant pour m'obliger à me concentrer. J'ai perdu le fil il y a plusieurs minutes déjà. C'est l'un des meetings les plus importants de l'année pour moi, pour nous chez KMC.Corp, pourtant, je suis incapable de rester focus plus de cinq minutes. Heureusement qu'Ethan, Neve, deux de nos plus proches collaborateurs impliqués dans ce rachat, ainsi que nos avocats, sont présents pour veiller au grain.

Conscient que j'ai décroché, mon bras droit me tamponne d'un léger coup de genou sous la table. Ma nuque opère un quart de tour afin de lire sur son visage ce qu'il pense de cette dernière proposition, même si nous en avons longuement discuté ces derniers jours. Nous travaillons sur cette fusion-acquisition depuis des mois, la phase de concrétisation est enfin là. Pas moi. Mon corps oui, mon esprit est ailleurs.

— Liam ? me rappelle-t-il à l'ordre en même temps que je comprenais son approbation.

Je me contente d'un hochement de tête. Un putain de hochement de tête à près de deux cents millions de dollars ! Il faut vraiment que je me reconnecte à la réalité, ou au moins à ce qu'il se passe dans cette salle de réunion. Ce qui relève du calvaire du guerrier, il faut bien l'avouer. Ma capacité d'attention ne dépasse toujours pas les six cents secondes montre en main, bien que je lutte sincèrement pour écouter le charabia juridique. Mon esprit rejoue en boucle la dispute avec Lyanor.

Cette fille n'a rien à envier au dragon qu'est Neve quand elle se met en colère.

Me voilà donc avec deux dragonnes sur le dos.

Et puis soyons honnêtes, sous médication et alors que son thorax la faisait souffrir, je n'ai certainement ni tout vu ni tout entendu. Ou peut-être que si, finalement, puisqu'elle n'avait plus de langue de bois, plus aucune restriction à mon égard. Elle a réussi à crier tout le mal qu'elle pense de moi. Que je ne suis qu'un « sale connard autoritaire qui aime jouer les dominants dans ma tour dorée ». Un « odieux pervers psychopathe qui prend son pied à faire souffrir les plus faibles ». Dans le florilège de mes soi-disant vérités, j'ai appris qu'il me faudrait une thérapie si longue pour soigner ma folie qu'il serait nécessaire de faire appel à tous les psys de l'État, si bien que je n'aurai jamais ni suffisamment de milliards sur mon compte pour me payer l'aide essentielle, ni assez de vies pour guérir.

Je passe toutes les autres insultes, elles ont fusé tels des satellites lancés en orbite. J'ai dû les encaisser sans broncher, puisqu'à chaque fois que j'allais ouvrir la bouche pour me défendre, soit elle me menaçait d'émasculation, soit Ethan et Neve me torpillaient de leurs regards de snipers. J'en ai pris pour mon grade, sur plusieurs générations. Si j'ai besoin de soins, c'est principalement pour panser les coups et blessures verbales qu'elle m'a assénés. La flamme de sa colère m'a brûlé pour m'en laisser des cloques abrasives pleines de pus.

J'ai perdu ce combat. Une bataille unilatérale épique menée par son long monologue car je n'ai pas pu batailler, bâillonné par la corde familiale, beaucoup, par ma conscience qui m'ordonnait de la fermer, aussi. Il m'a fallu accepter le retour de bâton avec lequel j'avais frappé le premier. Depuis, Lyanor s'est murée dans le silence, cloîtrée dans sa chambre.

Une semaine qu'elle refuse de m'ouvrir sa porte quand je tente d'avoir une conversation avec elle. Une semaine que l'indocile refuse de descendre dîner avec moi. On cohabite mais elle m'évite, recluse. Neve m'a confirmé que Lyanor a toujours envie de me torturer, juste après m'avoir répété, pour la centième fois :

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant