𝟐 - 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐞́𝐞 𝐝𝐞 𝐦𝐞𝐫𝐝𝐞, 𝐞𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞́.

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  𝐄𝐥𝐥𝐲.

Je n'en reviens pas qu'il soit à peine 16 h 30 lorsque je quitte la bouche de métro.

J'inspire profondément pour assainir mes poumons, saturés des odeurs diverses douteuses qui pullulent sous terre, puis resserre les pans de mon gilet douillet. Les températures sont douces en février dans cette partie des Etats-Unis, mais je suis plutôt frileuse et donc, pressée de me glisser sous un gros plaid, calée dans mon fauteuil pour lire jusqu'à épuisement. Besoin de faire autre chose que de ressasser les derniers événements – et ma discussion avec Gladys. Et si je veux museler ma tête, rien de mieux qu'un bon bouquin.

J'ai à peine fait quelques pas que, déjà, mon téléphone se remet à vibrer : ma mère. Encore. Je soupire de lassitude, ne réponds pas et laisse la messagerie s'enclencher, mais hésite à appeler Cooper. Pas pour l'informer de mes déconvenues professionnelles, je n'ai pas changé d'avis, simplement pour l'écouter me parler de son emploi du temps surbooké ou de la météo à Rio. Les problèmes des autres pour occulter les miens, juste quelques minutes...

Après quatre sonneries dans le vide, assise sur un banc à observer les piétons de Pioneer Square, quartier historique de Seattle, j'en conclus qu'il doit être en pleine réunion, son téléphone en silencieux. Je me décide alors à contacter Mélia, ma meilleure amie, mais me ravise aussitôt : elle doit être en train de préparer ses valises, puisqu'elle m'a dit qu'elle comptait prendre un vol dans la soirée. Et c'est finalement un SMS de ma mère qui s'affiche en pop-up sur mon écran, en plus d'une notification de ma boîte vocale au même moment. Les deux mails du début d'après-midi ne lui avaient donc pas suffi.

📩 Maman
[Rdv samedi à 15 h 45, merci de ne pas oublier. Et si tu pouvais enfin avoir retrouvé la raison d'ici là, nous pourrions discuter correctement de ton avenir.]

Oublier n'est malheureusement pas dans ma nature, Maman !

Ce rendez-vous n'a rien d'un après-midi mère-fille que j'attendrais avec impatience, plutôt tout d'un guet-apens ; avec les wedding planners. Je déteste ces entrevues où je n'ai, en plus, pas vraiment mon mot à dire, mais Loretta et Nancy sont des « amies » de mes parents. Alors, pour ne pas foutre en l'air l'enthousiasme de ma mère, qui gère avec entrain tous les aspects de l'organisation, ni ce fragile équilibre de notre relation, je courbe l'échine et me laisse porter. Il faut savoir choisir ses batailles, non ? Après tout, qu'est-ce que des fleurs, un thème, un lieu, un repas et une pièce montée pour 250 personnes, dans une vie ?

Ah, tiens, revoilà mon autruche !

Pourtant, aucune des excuses que je me sers allégrement ne fonctionne, aujourd'hui. Une vilaine angoisse me prend, elle et moi nous connaissons bien. La sournoise débarque toujours sans crier gare, me donne souvent l'impression de suffoquer. Que tout va trop vite. Pas sur mon tempo. Mon fiancé est convaincu que mon anxiété est surtout due à mon âge. Deux ans de moins que lui... Quant à ma mère, elle pense que mes appréhensions sont saines et naturelles, et que me fiancer après trois ans de relation était la suite logique. Elle m'assure que tout rentrera dans l'ordre une fois la cérémonie passée. Elle a probablement raison, pour autant, j'aurais aimé qu'elle soit plus à l'écoute.

Depuis ce qu'elle qualifie à présent de « plus beau soir de sa vie », chacun de mes coups de mou est une occasion idéale pour elle de me rappeler à quel point j'ai de la chance d'être avec un homme tel que Cooper. C'est que là où il est, il doit sacrément avoir les chevilles qui enflent, à force ! Joli garçon, bien élevé, de bonne famille avec une situation stable, des revenus plus que confortables. En somme : tout ce qu'elle avait toujours rêvé pour sa fille unique. Cerise sur le gâteau : je m'apprête à dire oui au fils de ses amis et collaborateurs.

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant