𝟑𝟎 - 𝐂𝐚𝐭𝐚𝐜𝐥𝐲𝐬𝐦𝐞. 𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟏

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Hello ! Petit "sondage" à la fin de ce chapitre. Merci à ceux et celles qui participeront.

◆◆◆

Enlisés dans l'écoute d'une explication aussi bancale que barbante à propos de l'augmentation de leur marge, Ethan décroche tout à coup et pivote vers moi. Front froissé, visage fermé, un sourcil bizarrement courbé, il pose sa main sur mon avant-bras gauche, me tordant presque le poignet pour consulter ma Breitling Navitimer, comme si elle était mieux réglée que sa Tag Heuer Monaco.

— Sonja, où est Lyanor ? la questionne-t-il froidement, faisant derechef s'interrompre les autres voix. Tu es revenue il y a plusieurs minutes, mais pas elle.

Prise à partie, sa main suspend son geste. Ses baguettes en bois d'ébène et jade à quelques centimètres de sa bouche entrouverte, la brune perd de sa superbe puis déglutit sans cesser de fixer Ethan. Son silence résonne en moi comme un aveu de culpabilité. Toutefois, impossible d'ignorer l'étonnement qui fige ses traits ni sa ride du lion peu à peu creusée par le doute qui l'assaille. Mon rythme cardiaque s'emballe, à l'image d'un cheval de course en plein triple galop.

Mon esprit, lui, carbure pour démêler la vérité du mensonge dans son mutisme persistant. Je déteste au plus haut point cette sensation dérangeante d'être en train de découvrir cette femme au corps que je connais pourtant sur le bout des doigts. C'est bien elle, l'ancienne universitaire bosseuse, déterminée à faire carrière sans jamais être taxée de NepoBaby. La working girl qui prônait autant que moi les relations sans menottes en vantant à qui voulait l'écouter la définition new age de « la femme indépendante et épanouie ». Les hommes, leur emprise et leurs chaussettes sales n'avaient qu'un rôle mineur dans sa doctrine. Je crois d'ailleurs qu'elle m'a plu pour tout ça. Sa façon de me vouloir deux heures sans jamais chercher à m'hameçonner, son penchant assumé pour le sexe sans sentiment et son aptitude à redevenir la partenaire professionnelle et rien de plus en un battement de cils. C'est bien elle, mais le passé s'estompe à mesure que je remets tout en question. Absolument tout. Y compris ce « nous » qui n'a en réalité jamais vraiment existé ailleurs que dans l'espace restreint d'un lit. Ses vérités répétées tintent entre mes oreilles sur la partition de la tromperie.

Je la reconnais sans plus la connaître, enlaidie par la crémation des dernières particules de ma confiance.

J'aimerais vraiment me tromper, qu'elle éclate d'un rire narquois avant de nous rembarrer moi et ma paranoïa, quitte à s'essuyer les pieds sur le tapis de ma présomption. Parce qu'elle a compris que j'ai saisi. Mais elle ne dit rien, s'enfonce dans cet aveu tacite qui signe une fin qu'elle ne voulait pas envisager.

La tricheuse est démasquée. Ma regrettable crédulité, totalement incinérée.

— Sonja... ? m'enquiers-je, du timbre le plus guttural que j'aie en stock.

Si sa langue pleine de conneries a colporté n'importe quoi dans mon dos, femme ou pas, mon ex-plan baise va plonger dans le bassin à poissons du jardin zen, sans aucune délicatesse ni considération iméritée. La fraîcheur de l'eau devrait lui remettre les idées en place, à défaut que mes mots aient eu l'effet escompté.

— Voyons, un peu de retenue, m'enjoint l'avocat dont l'hypocrisie luit presque autant que ses cheveux teints plaqués en arrière pour camoufler un début de calvitie. La modération est le breuvage des sages. Mademoiselle Johnson n'a pas pu se volatiliser et nous allons l'embrasser à polémiquer ainsi sur le temps qu'elle s'octroie aux commodités.

Personne ne lui a appris à la boucler, en fac de droit ?

Ma patience salement écorchée, je fais abstraction des yeux fureteurs qui nous épient, me lève et tape du plat de la main sur la table pour l'obliger à réagir, elle. Eux peuvent garder leur morale à un dollar. Deux verres à pied se renversent au moment où un hoquet de stupeur traverse Arabella. Du vin se déverse sur le bois, nappant au passage le chemin de table blanc de larges auréoles pourpres. En temps normal, mon éducation m'aurait incité à limiter les dégâts en recouvrant la marre de sel. Impossible à cet instant. Ma rage et mes craintes mêlées contrôlent tout, ankylosent mes muscles. L'air vicié d'animosité devient irrespirable.

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant