Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024

𝟑𝟐 - 𝐄𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐨𝐭𝐬.

𝐋𝐢𝐚𝐦.

Je me suis toujours efforcé de respecter la loi.

Je ne suis certes pas le meilleur modèle qui soit, j'ai cumulé quelques conneries dont certaines que je ne raconterai pas à Ivy avant qu'elle ait environ trente ans, mais j'ai toujours gardé en tête que mes actions personnelles pouvaient avoir des répercussions regrettables sur la société familiale. Par extension, sur tous ceux et celles qui y œuvrent chaque jour. Ce soir, tout ce backstage s'est effacé au profit d'une pulsion viscérale de foutre le feu à la ville entière si c'est la clé pour annuler les dernières heures, rembobiner pour tout recommencer.

— Monsieur Kavanagh ?

Le timbre insistant du Capitaine Rollands me ramène amèrement au présent. Je fais appel à tout mon self control pour museler mon envie d'envoyer balader le bureau qui nous sépare puis de me barrer loin d'ici. Près d'elle. Bon élève, je m'astreins donc à suivre les conseils de mon avocat – enfin, les ordres de mon père et Ethan, surtout. Alors depuis le début de cet « entretien » insensé, j'écoute sagement mon représentant qui ne s'est pointé pour rien.

— Comment va-t-elle ? riposté-je en le fixant droit dans les yeux.

— Pourriez-vous répondre par autre chose, M. Kavanagh ?

Le flic en costard anthracite exhale un soupir silencieux pendant qu'il desserre sa cravate bleue, lassé par mon refus de coopérer directement tant que je n'aurai pas obtenu mes infos. Harrison Weslay, le ténor dont les honoraires dépassent les milles dollars de l'heure et la réputation les limites de l'État, a la bonne idée d'intervenir :

— Pourriez-vous répondre à sa question, Capitaine ? Nous avancerions plus vite. Vous comme moi savons que mon client ne passera pas la nuit ici.

— Sous-entendez-vous que je pratique une justice à deux vitesses dans mon poste, Maître Weslay ? l'interroge-t-il après avoir lancé un regard agacé à sa subordonnée.

Les grands yeux de chats gris de la métisse à la coupe afro me détaillent depuis plusieurs minutes. Il y a six mois de ça et dans d'autres circonstances, j'aurais été flatté, probablement tenté ma chance.

— Je pense surtout que la réactivité n'est le fort de personne ici, Capitaine, ne puis-je m'empêcher de maugréer. Deux de vos hommes ont jugé plus important de me menotter que de s'occuper de la victime d'une tentative d'agression, laissant à leur collègue dépassé le soin de se charger d'une jeune femme en pleine crise de psychose. Au lieu de l'aider, il n'a fait qu'envenimer son angoisse !

— Mes hommes ont géré deux victimes M. Kavanagh, souligne-t-il gravement, dont la vôtre.

Campbell, une victime ?

Il va leur falloir beaucoup d'alcool pour me faire avaler cette connerie plus haute que la statue de la Liberté.

— M. Campbell n'est pas une victime mais l'agresseur dans cette histoire, Capitaine, réfute mon avocat avec un mécontentement assumé.

Jusqu'à maintenant, Harrison s'était montré relativement patient et coopératif. Résigné, Rollands fait signe à sa collègue d'aller se renseigner. On va enfin pouvoir avancer. Un lourd silence s'abat dans le bureau aux murs chargés de distinctions.

J'ai eu droit à un traitement de faveur. Pas de salle d'interrogatoire austère équipée de quatre pauvres chaises ni de vitres sans teint ou des caméras de surveillance. Le Capitaine me reçoit dans son bureau aux meubles en noyer, mieux rangé que ceux que l'on voit dans les séries TV. Mes bracelets en métal m'ont finalement été retirés. Ethan avait raison : les menottes laissent des traces.