𝐋𝐢𝐚𝐦.
J'aime New York pour à peu près tout ce qu'elle est. Unique, dynamique, démesurée, paradoxale, inoubliable, parfois hostile ; indescriptible en moins de dix superlatifs. Parce que la big apple est tout à la fois. Insomniaque, comme moi cette nuit.
Alors pour combattre les voix qui ne se taisent plus, convoquer une fatigue qui ne venait pas, tenter de faire disparaître le nœud qui s'est logé dans ma trachée et qui ne semble pas vouloir s'en déloger, j'ai sauté dans mon jogging, attrapé la première paire de baskets à ma portée et envoyé un message à Alexio, mon chauffeur et chef de la sécurité. Je sais qu'il se lève aux aurores du lundi au dimanche pour son footing quotidien, peu importe qu'il vente, neige ou grêle. Et puisqu'il occupe l'un des appartements de l'immeuble où je vis, avec sa femme et son fils, pour des questions de logistique, il ne m'a fallu que quelques minutes pour le rejoindre.
— Augmentez la cadence, me propose-t-il, comme s'il était relié à mes pensées.
Je hoche la tête, ignore l'élancement dans ma pommette, là où le poing d'Ethan a rencontré ma tronche et allonge mes foulées. Il me connaît, me décrypte et ne cherche pas à me psychanalyser. Heureusement pour lui. Alexio est un professionnel aguerri en qui je place toute ma confiance : il repère tout et ne fait pas de longs discours pour englober les faits ni les faire paraître plus affables. Il se contente d'aller droit au but, c'est ce que j'apprécie chez lui. S'il dit « blanc » c'est blanc. Aucune nuance, pas de sous-entendu. Il sait quand ça ne va pas, quand je n'ai pas envie de parler. Comme maintenant, alors que je fais de mon mieux pour me vider la tête en me concentrant sur mes inspirations et mes amortissements pour ne pas flinguer mes genoux par un mauvais positionnement.
Manquerait plus que ça.
Mais même ça, ça ne trompe pas mon esprit, les voix. Une en particulier : celle qui me répète de ne pas baisser ma garde, de me protéger. Elle ne s'est pas résignée malgré nos erreurs. Chaque foulée me paraît durer une éternité sans que ma foutue fatigue ne pointe le bout de son nez. J'enrage en silence, prêt à sprinter à travers tout Tribeca jusqu'à ce que mon corps me lâche, que mes muscles se déchirent, à l'image de ce que je ressens. Je crois que je me suis blindé il y a tellement longtemps que la moindre faille m'ébranle plus qu'un tsunami en pleine figure.
Allez mec, trouve un truc qui va t'aider.
Supercalifragilisticexpialidocious, nous répétait ma mère pour parler de New York, quand on était gamins. Je ne sais pas pourquoi je pense à ça mais je prends, et commence à épeler le mot imprononçable de Mary Poppins.
— S.U. P. E R. C.A...
— Vous disiez ? me demande Alexio en ralentissant sa cadence, pour me laisser le rattraper.
— Rien, je réfléchissais à voix haute.On tourne à droite, dans une rue encore semi-désertique à cette heure. Regard fixe devant moi, yeux plissés et mâchoires crispées, j'observe le jour se lever paresseusement sur la ville jamais endormie. Quelques clartés chassent les ombres entre les hauts immeubles qui veulent toucher le ciel, les lueurs pâles de l'aube m'éblouissent tandis que les premiers rayons caressent ma peau.
Si l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors tout devrait bien se passer pour moi.
Alexio accélère, direction l'esplanade de Battery Park City. Je le suis, en sueur mais mes batteries ne sont toujours pas épuisées. Je ne suis pas loin de désespérer – et probablement de me mettre à hurler comme un demeuré. L'air frais du bord de l'Hudson s'infiltre dans mes poumons qui, eux, commençaient à s'atrophier, me donnant une vigueur bienvenue. Je me concentre sur les tensions dans mes muscles, cherchant à oublier celles qui hantent ma tête et ricochent sous mon crâne. Les putains d'images sont là. Toujours. Ancrées. Impérissables même sans avoir les yeux fermés. Je lutte plus fort pour les éloigner en me focalisant sur ma journée à venir : le déjeuner dominical familial, jouer avec Ivy, l'entendre baragouiner des trucs incompréhensibles qui n'ont probablement pas plus de sens pour elle, la voir rire.
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Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024
Romantik[Romance Enemies To Lovers ∞ Slow burn ∞ romance psychologique *** Dominateur, arrogant, sexy. Insupportable ! Un nouveau boss incompétent qu'elle déteste passe encore, mais découvrir que sa vie n'est qu'un mensonge, c'est la goutte d'eau ! Fraîchem...