𝟒𝟎 - 𝐋'𝐚𝐧𝐭𝐢𝐜𝐡𝐚𝐦𝐛𝐫𝐞

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𝐄𝐥𝐥𝐲.

 « Ne comptez pas les jours, faites que les jours comptent », résonne dans ma tête.

Merci Mohamed Ali.

J'ai compté quand même, et deux jours se sont écoulés. Deux jours qui en valent au moins dix fois plus tant chaque minute a été intense, chargée de questions, de solutions, de discussions, de rapprochements, de décisions.

Le temps est d'ailleurs un concept fascinant. Il fait partie de chacun d'entre nous bien qu'on ne puisse ni le voir, ni le toucher, ni le sentir ou même l'entendre. L'invisible existe en silence, même lorsqu'il nous inflige les pires souffrances. On ne peut que remarquer ses effets en inspectant nos propres reflets, en pensant aux êtres chers qui nous ont quittés ; en nous demandant comment maintenant peut déjà être du passé. Universel, il possède pourtant quelque chose de très personnel ; il est propre à chacun mais sans appartenir à personne. Le temps a cette faculté étonnante de pouvoir abriter toute une éternité au sein d'une unique seconde, alors que la suivante peut sembler n'avoir jamais existé.

Chacun de mes battements de cœur me semble à présent durer une heure.

Isolée dans un salon d'attente cossu, mes yeux balaient lentement le crépuscule new-yorkais. Depuis le huitième étage du bâtiment de verre et d'acier, qui accueille l'un des cabinets d'avocats les plus réputés de la côte est, la grosse pomme paraît... paisible. Mirage.

Où as-tu filé, Liam ?

Les paumes plaquées sur la vitre froide, je retiens un énième soupir. L'appréhension me grignote de l'intérieur. J'ai beau être prête pour ce qui va suivre, un sentiment délétère se distille au goutte-à-goutte dans mon organisme. L'incertitude. Les Campbell nous ont prouvé que lorsqu'ils sont de la partie, tout peut basculer en un battement de cils. Pourtant, si je n'ai aucune confiance en eux ni en ce qu'ils vont tenter durant cet entretien aux allures d'ultime confrontation, je crois dur comme fer en mon plan. Le karma devrait faire le reste. J'ai été préparée par la meilleure avocate qui soit – ce qui doit justifier ses honoraires exorbitants, je suppose. En quarante-huit heures, j'ai entendu plus de termes juridiques que depuis ma naissance et pris des décisions que je n'aurais jamais imaginées devoir envisager. Et j'ai pensé à elle, aussi, la « tête pensante » de cette machination dont il ne restera bientôt plus que des cendres. Claryssa Matthews s'apprête à goûter au sel de la défaite, ça vaut bien mes crampes d'estomac et ma carence en sommeil.

Ça va aller, Elly, et aujourd'hui va compter.

Sur les conseils de la thérapeute que Liam a engagée pour m'aider, j'inspire profondément en comptant jusqu'à cinq avant d'expirer. Un. Deux. Trois. Quatre...

« T'as pas besoin de bosser. Brittany et Gérald savent très bien que d'ici peu, tu ne feras plus partie de leurs effectifs. »

Merde !

Le passé revient me hanter. Il a la voix de Cooper, en pleine partie de jambes en l'air et fouilles anales avec sa Betty. Ma psy ne le sait pas encore, mais elle va devoir faire le plein de petits cahiers à couvertures en tissu coloré, vu tout ce que j'ai à lui raconter. Je suis bonne pour cinq années complètes de canapé rien que pour lui dresser le portrait de ma génitrice.

— Elly, tu es prête ? vérifie soudain Amélia, depuis le pas de la porte.

— Toutes mes personnalités ont bien été briefées, plaisanté-je en lui adressant un petit salut militaire.

Ma meilleure amie s'avance pour me prendre dans ses bras. Je profite de son étreinte pour me gorger de sa force en humant son parfum aux effluves de patchouli. Amélia Scott est une douce Tyrannie, je mesure ma chance de l'avoir dans ma vie.

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant