Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024

𝟑𝟗 - 𝐀𝐫𝐦𝐢𝐬𝐭𝐢𝐜𝐞

𝐋𝐢𝐚𝐦

Je manque d'air, catapulté hors de mon corps pendant que les grands yeux verts de Lya me sondent, comme s'il pouvait y avoir autre chose que des « HORS DE QUESTION ! » derrière mes prunelles effarées. Autre chose que des « Mais qu'est-ce que tu racontes, enfin ? ». Là-haut, ça se percute et c'est le branle-bas de combat, un vacarme monstre près de me coller la migraine du siècle. Pourtant, aucun mot ne me vient, à croire que mon cerveau n'est plus tout à fait connecté au reste de mon corps figé.

Je dois avoir l'air d'un bel idiot avec ma bouche entrouverte et la désagréable sensation que mon sang est en train de déserté mon visage. Lyanor, au contraire, ne souffre pas de carence de vocabulaire. Son regard torturé, luisant des larmes prêtes à s'échapper de la lisière de ses longs cils, elle cite :

— « Chacun est prisonnier de sa famille, de son milieu, de son métier, de son temps ». J'étais prisonnière de ma famille et de l'environnement dans lequel je me sentais entravée, alors je me suis évadée. Mon travail n'est pas une nouvelle cellule, Liam. Ne m'enferme pas dans ta tour dorée, s'il te plaît.
— Lya... soupiré-je de dépit, plus à mon attention qu'à la sienne.
— Mène ce combat avec moi, persévère-t-elle le bras tendu sur ma poitrine, pas contre moi.

Avec la plus grande sincérité, la jeune femme que je pensais fourbe et manipulatrice il y a trois mois vient de nous avouer son attachement. Et ce, en dépit de cette soirée qui aurait pu lui donner envie de fuir, de ME fuir. Mais elle est là, fragile, et, étonnamment, plus forte que jamais, résolue à entreprendre ce qui lui semble juste et nécessaire pour avancer. Mon palpitant réagit à cette déclaration inattendue, tambourine sous ma peau pour exprimer toute l'admiration qu'elle m'inspire.

Et probablement plus que cela.

Je suis en feu, à l'intérieur, et crois bien que je ne respire plus du tout tant ses mots m'ont percuté, tant ils sont en train de me dévorer. Je ne peux pas nier qu'une part de moi est assaillie par la peur que Lya regrette la direction qu'elle fait emprunter à sa vengeance. Une autre, sans que je ne puisse déterminer si c'est la plus rationnelle des deux, me suggère qu'il est temps de mettre de l'eau dans mon vin pour accompagner Lyanor là où va sa décision, peu importe mes propres envies.

De combler sans délai la distance insolente qui nous sépare encore.

La voilà donc, mon inspiration. Je sais ce qu'il me reste à faire, l'évidence n'a jamais été aussi aveuglante – bien qu'un peu flippante pour un type comme moi, pas habitué à capituler. Mais je le fais. Je m'incline et signe l'armistice d'une dispute qui n'aurait pas dû exister.

Foutu pour foutu...

Elle me rendra sûrement la vie difficile quelquefois, mais elle me permettra surtout de me sentir vivant, c'est bien là le plus important. Alors je cesse de jouer au plus malin, au plus autoritaire, au pseudo-connard dont l'avis vaut mieux que celui des autres. Au diable mes anciens travers, je suis l'homme qui renaît dans les larmes de la femme qui fait trembler son âme. Je relègue mes réticences aux oubliettes et je m'incline pour lui rendre hommage, certain que ni sa famille ni son ex-fiancé ne lui ont jamais dit à quel point elle est exceptionnelle. Ethan avait raison : le patron ce soir, ce n'est pas moi. Et puisque les actes valent plus que les mots, c'est ce que je choisis pour abdiquer, exaucer son souhait.

Après un ultime pas vers elle, je pose un genou à terre, le cœur en proie à des secousses inédites, puis le deuxième. Le regard médusé qu'elle me lance traduit son incompréhension. Ma famille a la bonne idée de rester en retrait.

— Liam... Qu'est-ce que tu fais ?

Je mentirais si je disais que l'inquiétude qui se peint soudain sur son visage aux traits fins ne m'amuse pas. Joueur éhonté malgré la présence d'un public, les bras ouverts, je cadenasse nos regards et lui souris. Cette fois, les mots sont fluides quand j'énonce un scénario qui ne nous est pas inconnu.