𝟒 - 𝐅𝐮𝐢𝐬-𝐦𝐨𝐢 𝐣𝐞 𝐭𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬

8.5K 836 332
                                    

𝐋𝐢𝐚𝐦.

Une main manucurée aux ongles si longs et aiguisés qu'ils doivent l'empêcher de faire bien des choses se pose haut sur ma cuisse. Trop pour que je n'y discerne pas le signe évident d'une proposition non voilée, qui interrompt le fil de mes pensées.

Il faut payer qui pour avoir la paix, à la fin ?

Ma tête pivote d'elle-même vers sa propriétaire. La jeune femme, que je (re)connais, me sourit de toute son étincelante dentition, qu'elle a sans nul doute été se faire de nouveau blanchir, pour l'occasion. Mes yeux interrogent les siens, bien que je sache exactement ce qu'elle veut. Habituellement sombres, presque noirs, ses iris sont ce soir recouverts, éclaircis par le port de lentilles honey, comme si ce changement de couleur pouvait à lui seul receler ce qui se cache derrière cette barrière de superficialité. Chez elle, presque rien n'est d'origine, si ce n'est son goût pour le fric. Si elle pensait se la jouer mystérieuse avec son regard intense de biche énamourée, elle s'est lourdement gourée.

À presque trente ans, Katia Manning n'a toujours pas compris que plus elle cherche à s'embellir par le biais de subterfuges plus risibles que subtiles, moins elle parviendra à se caser. À croire qu'elle ignore que toute l'élite de cet État est au courant qu'elle est en quête active de son futur mari. Riche, sinon rien. Multimillionnaire, à minima. Peu regardant sur les dépenses d'une potentielle compagne, obligatoirement. Pas forcément père de ses futurs enfants, mais bon payeur de pension en cas de divorce, assurément. Indéniablement, ce gala mondain qui réunit les plus gros portefeuilles new yorkais est la jungle idéale pour elle – et d'autres de ses congénères pas moins vénales. Ce soir, millionnaires et milliardaires ont fait le déplacement. Certains célibataires, à l'instar d' Ethan et moi.

Rien d'étonnant donc, que Katia n'ait pas pu rater l'occasion de venir parader, pour ne pas dire « se pavaner ». Fille d'un riche promoteur russe, elle-même agent immobilier de luxe à ses heures perdues, elle entend bien remplir son portefeuille ce soir, au sens propre du terme. Malheureusement – pour elle –, elle ne m'intéresse toujours pas. Malheureusement pour moi, elle ne semble pas l'avoir compris et (re)tente sa chance dès qu'elle me voit.

Installé sur un haut siège au bar, un verre de mon alcool favori en main, j'attends que la brunette au carré long daigne ouvrir la bouche. Je caresse l'espoir fou qu'elle en sortira quelque chose d'intelligent, d'une voix moins mielleuse que d'habitude.

Je crois que je tiens le pourquoi de ses lentilles honey, tout compte fait : on n'attire pas les abeilles avec du vinaigre.

Manque de bol, elle utilise son timbre le plus agaçant.

— Liam, tu m'offres un verre ? minaude-t-elle en posant son autre main sur mon épaule gauche.

Gentleman, je fais signe au barman de s'occuper de la commande de la demoiselle. Je trinque avec elle sitôt son verre de Tequila Clase Azul à trois mille dollars la bouteille posé devant elle. Katia apprécie les belles choses et ne déroge pas à ses règles, jamais. J'avale cul sec mon liquide ambré alors qu'elle suce sa tranche de citron verre, me lève et la plante là. Gentleman d'accord, mais pigeon, non !

Si elle veut un mari, qu'elle fasse appel àune agence matrimoniale. Je suis célibataire mais pas sur le marché. Puisqu'elle est agent immobilier, elle devrait comprendre ce principe fondamental : ce n'est pas parce qu'un bien existe qu'il est à vendre.

Continuellement interpellé par des connaissances, je mets une vingtaine de minutes à traverser la salle de réception où se déroule ce gala de charité en faveur de l'éducation des enfants issus des quartiers les plus défavorisés de notre pays. Je parviens à repérer Ethan au moment où je venais de me décider à l'appeler. Pas plus chanceux que moi, mon cousin semble enlisé dans une situation similaire à la mienne plus tôt. Une demoiselle en robe de cocktail bleue électrique moulante, talon vertigineux, brushing bouclé impeccable et décolleté un peu trop plongeant pour la circonstance lui fait la conversation. Peut-être un brin amusé de ne pas être le seul à me faire tourner autour par tous ces jolis vautours aux lèvres carmins, je ralentis le pas et me marre dans ma main.

Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant