Devious BOSS | En pause jusqu'au 6 octobre 2024

𝟑𝟏 - 𝐂𝐡𝐚𝐜𝐮𝐧 𝐬𝐨𝐧 𝐦𝐨𝐧𝐝𝐞.

𝐋𝐢𝐚𝐦.

— LIAM JE T'EN SUPPLIE, ARRÊTE !

Sa voix transcende les craquements d'os et d'articulations qui berçaient l'impétuosité de ma colère. Déchaîné, corrompu par la culpabilité, l'impuissance et l'image du corps immobile de Lya écrasé par cette ordure de mes deux, je viens de m'exploser les jointures de la main. Aucun regret, la douleur n'est rien en comparaison de l'apaisement que ça m'apporte. J'ai perdu les pédales pour la première fois depuis...

C'était la première fois.

Et pour la première fois de ma vie, j'ai envie d'une cigarette.

De tirer une latte pour saturer mes bronches d'un poison moins venimeux que celui qui les infecte en ce moment, puis d'écraser le bout rougeoyant sur le front du type qui s'apprête à passer du temps entre les quatre murs d'un pénitencier. Qu'il s'estime heureux, si Lyanor n'était pas intervenue, quelques coups supplémentaires bien placés et c'est entre quatre planches qu'il aurait terminé cette soirée.

Pas une grande perte pour l'humanité.

Si j'avais su qu'il me suffisait de tabasser un salopard pour que la femme qui m'obsède corps et âme prononce enfin mon prénom et abandonne le vouvoiement, j'aurais sauté dans un jet pour lui ramener son ex-fiancé par la peau des couilles. Et je lui aurais montré ce que ça fait d'être à la place de la victime. Vu son gabarit de suricate prépubère au look BCBG plus habitué aux spas cinq étoiles qu'à la salle de sport, il aurait imploré Lyanor d'intervenir au bout de deux pichenettes.

Je n'arrive toujours pas à comprendre ce qu'elle lui trouvait.

Je garde quand même l'idée dans un coin de ma tête.

Je laisse lourdement retomber mon bras droit. Me redresse en reniflant pour chasser l'odeur de l'hémoglobine et de la sueur, aidé d'Ethan qui me parle pour me calmer. Ses mots ne m'atteignent pas, plus. Mon garde-fou n'est qu'un brin de paille solitaire face à l'incendie de mes émotions. Je n'entends que cette inquiétude qui gronde en moi et menace de nouveau de me faire dérailler.

J'inspire, seul mon torse et mon visage pivotent vers Lyanor. Ce que je découvre me laisse sans voix, pas insensible. Elle est assise au sol, les avant-bras en croix devant sa poitrine. Je croise furtivement son regard tourmenté et luisant des larmes qu'elle a déjà versées. Foudroyé, mon cœur dégringole, c'est tout juste si je ne vérifie pas sous mes pompes pour ne pas marcher dessus.

— Police ! Ne bougez plus, mains visibles au-dessus de vos têtes ! Tout de suite ! beugle un officier.

— Éloignez-vous de lui, lui adjoint un second en parlant de Randy.

— Cet homme a tenté d'agresser cette jeune femme, cherche à lui expliquer mon meilleur ami.

En pilote automatique, un sale goût de bile sur la langue, mes membres obéissent mais je ne vois qu'elle. Ses yeux verts ternis, cernés de larges traînées noires à cause de son mascara, sont bien mobiles pour ne pas m'alerter. Ils détaillent le porc qui gît au sol en gémissant. Puis je le vois. L'exact moment où Lyanor atteint son point de rupture, quand un voile de détresse extrême s'installe dans ses iris détrempés. Sa conscience vient d'émerger mais la réalité est trop difficile à affronter. Alors, elle se retranche dans un coin sombre de son esprit où la logique n'a pas sa place. Et mon âme craquelle, sur le point de se fendre.

Putain, comment en est-on arrivés là ?

— Lyanor ? l'appelé-je, anxieux.

— Gardez le silence, m'intime une voix à ma droite.

Je fais fi de l'ordre de l'agent, répète son prénom, une fois, deux. Ethan m'imite. Elle éclate soudain en sanglots, les mains tremblantes et agitées devant elle, comme si elle chassait quelque chose. Je ne sais pas ce qu'elle croit voir mais elle n'est plus là. Plus dans cette réalité, du moins. Conscient qu'elle entre dans un état second, un troisième policier – celui qui s'occupait du salopard qui n'est pas la victime sur ce toit –, s'adresse à elle, avec le tact d'un tigre indompté.