Partie 45

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Ca faisait bientôt une heure que j'étais au téléphone avec Alae cette nuit là, et ça faisait 2 semaines que j'étais rentré chez la mère d'Haytem. Je n'avais toujours pas revu Alae mais on pensait programmer cela pour bientôt. Il me posait des questions sur ma vie en ce moment que j'essayais toujours de détourner en parlant de la sienne, ne voulant pas trop exposé la triste existence de Shérazade et ses problèmes, ne voulant plus qu'être la Malika qu'il connaissait.

- Y a un mec de la ville qui rend fou quelques un de mes collègues, je sais pas pourquoi pourtant on a pratiquement rien sur lui, appart des petits trafics de stup mais rien de gros, il est sorti de zonz y a pas longtemps.. Un certain Haytem, a ce qu'il parait ça parle pas mal de lui dans la ville, tu le connais pas ?

- Euh.. Non, non ça m'dit rien on t'as dit quoi sur lui ?

Je me sentais mal de lui mentir mais il le fallait. Il était vrai que j'entendais souvent parler de lui au grec, des jeunes parlant de lui comme un héros en parlant des délits qu'il aurait commis et qu'il serait en train de commettre, on parlait de gros coups, de braquages, de choses qui me fendaient le cœur mais je n'y pouvais rien. Il y avait de nouveau aucun dialogue entre lui et moi, le seul « contact » qu'il y avait entre nous était les plats que je lui laissais dans le microonde lorsqu'il rentrait tard et que je retrouvais vide dans l'évier le lendemain matin. C'était ma manière de lui faire savoir que je pensais à lui-même si ça ne servait à rien. On ne le voyait presque plus à la maison, il recommençait à rentrer à des horaires pas possible, c'était même pire qu'avant. Les peu de fois où il était là, il lui arrivait d'être agressif avec sa mère, chose qui était à l'encontre de ses principes et qui ne lui ressemblait pas, il changeait à mon plus grand désespoir. Il avait le regard encore plus noir qu'avant, une haine encore plus grande l'habitait.

- Ah pas grand-chose Malika, sah appart qu'il parait qu'il est considéré comme un grand à la tess y a rien d'autre. Si tu sais des trucs tiens moi au jus 3afek , ça m'aiderait de fou j'ai pas envie de passé à côté de quelque chose

Je lui répondis affirmativement, et prétextais un mal de tête pour raccrocher. Il me dit de bien me reposer et qu'il rappellerait dans la semaine. Je restais allongé sur le lit de Majda, dans mes pensées, réflechissant au chemin qu'Haytem avait pu prendre et celui que prenait ma vie.. Jihane demandait toujours à me voir mais je trouvais toujours une excuse pour l'éviter, c'était trop dur elle commençait à se poser trop de questions et à trouver trop de réponses, je savais que je ne tarderais pas à ne plus arriver à lui mentir.. Je me roulais en boule dans les couvertures, soupirant, quand j'entendis la porte claqué, et étant donné la force avec laquelle elle l'avait été ça ne pouvait pas être Khalti Nouria. J'entendis des pas pressés aller jusqu'à la chambre d'Haytem, son lit semblait avoir été balencé, des tiroirs tirés, la porte des placards s'ouvrant et se refermant, puis ses pas menèrent jusqu'à la porte de la chambre de Majda. Il l'ouvrit dans un gros fracas et je le vis, sa barbe plus noir et un peu plus longue, des cernes sous ses yeux clairs me dire presque en criant : « Je suis sûr que c'est toi qui a fouillé dans mes affaires encore, elle est où cette putain de bordel de boite en plastique que j'avais mis sous mon lit ta race, elle est où ? ». Je me redressais lentement, tentant de comprendre, lorsqu'il s'avança rapidement de moi, une lueur méconnaissable dans ses yeux. Il avait changé, je ne le reconnaissais même plus. Il portait un vieux sweat, un pantalon à poche noir qui semblait tacher et des vieilles baskets. Il avait une allure négligé qui ne lui ressemblait tellement pas, je ne comprenais pas ce qui avait pu se passer, mais malgré tout je ressentais ces mêmes sensations à la vue de son visage, ce même amour à mon plus grand désespoir plus grand et plus douloureux chaque jour. Il me saisit violemment les deux bras pendant que j'étais toujours assise sur le lit, et instinctivement je portais mes mains à mon visage, par peur de recevoir des coups, en gardant les yeux fermés. Je sentis ses mains me lâcher, puis son corps s'agenouiller juste devant moi. J'attendis quelques secondes dans cette position, la peur au ventre, dans l'attente d'une attaque violente de sa part qui ne m'aurait pas étonné, j'étais presque habitué à ce genre de réaction agressive venant des hommes, puis rouvrit les yeux doucement et le vit, la tête dans ses mains. Je ne savais pas quoi faire, comme d'habitude, j'avais mal au cœur pour lui, pour nous même si ce « nous »pour lui n'était plus d'actualité, pour moi il n'avait jamais cessé de l'être. Je n'osais pas parler, et me contenta de le regarder, de l'observer sous toutes ses coutures. Ses cheveux avaient quelques peu poussé et n'avaient plus aucune forme, ses doigts sur son visage était noirci à leurs extrémités, et il fit lentement retomber ses mains, me laissant voir ses yeux clairs pleins de chagrin, de tristesse. Ma gorge se noua à la vue de l'être que j'aimais dans cet état. Plus rien n'était normal, tout allait de travers, le comportement des gens m'échappaient. Lui d'habitude si fort, si respectueux devenaient agressif, et l'on pouvait lire le même sentiment dans ses yeux que dans les miens. Je me rappelais la seule fois où il avait réagi violemment avec moi, lorsque sa mère était à l'hôpital, seulement cette fois-là. Je sentis mon cœur se déchirer à l'idée que le sien pouvait faire de même, encore une fois, je ne supportais pas l'idée que la douleur pouvait le traversé. Etait-ce ça l'amour ? Ce sentiment qui vous conduit à vouloir tout endurer, tout encaisser pour l'autre, dans le seul but de le voir heureux et de pouvoir partager son bonheur ? Les larmes aux yeux je levais lentement ma main vers son visage vieilli, et la posa sur les poils rudes et noirs de ses joues. A ma grande surprise il me laissa faire, son regard pénétrant les miens, me faisant frissonner. « Haytem, Je t'aime » était les seuls mots qui traversaient mon esprit mais qui ne pouvait passer la barrière de mes lèvres, je n'avais pas le droit, je ne pouvais plus, c'était interdit. Les larmes roulèrent sur mes joues pendant qu'en moi tout l'amour que j'avais pour lui explosait, que les déclarations fusaient dans le silence pesant de la chambre de sa sœur. Il continuait de me regarder sans aucune surprise, prit ma main sur ma joue, me leva pour que je sois à sa hauteur. Cette promiscuité avec lui me troublait énormement, ça faisait si longtemps. 1 an Haytem, 1 an que j'attendais ce jour où je me sentirais exister à tes yeux, 1 an que j'attendais de pouvoir sentir ton odeur et le contact de ta peau, mais jamais je n'aurais pensé que la vie aurait pris une telle tournure. Ses gestes étaient lents, comme s'il se retenait, comme si il combattait de toutes ses forces pour mettre de la distance entre lui et moi. Je baissais la tête, troublé par ce rapprochement soudain, ne sachant pas à quoi m'attendre, quand il souleva doucement mon menton vers son visage d'une main, puis essuya doucement mes larmes de l'autre. Je n'en pouvais plus, une sensation de chaleur intense parcourait mon corps, puis glacé, puis de nouveau chaud, il me mettait encore une fois dans tous mes états. Il me regardait quelques secondes, puis à ma grande surprise, me serra dans ses bras. Je gardais les yeux grands ouvert, sans lui rendre son étreinte au début, puis me rappelai que ce moment ne risquait pas de se reproduire, que les choses allaient aller en s'empirant comme d'habitude, que nous deux ça ne serait plus jamais possible. Alors je passais mes bras autour de lui, le serrant fort, aussi fort que je le pouvais comme pour ancré son empreinte en moi, comme pour prendre une part de lui avant que tout ne se termine. Car oui, à ce moment-là je me disais que c'était ma manière de lui dire au revoir, une dernière fois.

Chronique de Sherazade : Du balai à la bague au doigtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant