Partie 49

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Le lendemain, Momo voulait fermer le magasin exceptionnellement pour garder le grec histoire de fêter l'anniversaire de sa mère avec les gens de sa famille. Je ne savais pas ce que j'allais faire de la journée, et il était 9heure du matin chez Jihane quand Fahd me fit savoir qu'elle se passerait en sa compagnie et que je devais descendre tout de suite au même endroit que d'habitude. Je réveillais Jihane pour la prévenir et elle me regarda effrayé : « Putain Oukhty j'ai peur pour Toi, imagine qu'ils essayent de le buter et qu'ils te touchent toi, ou que Fahd te fasse un truc putain j'ai peur.. », je tentais de lui sourire faiblement pour la rassurer et lui dit de ne pas s'inquiéter. Elle n'avait pas l'air plus rassuré au final et me dit qu'elle allait descendre avec moi pour jeter la poubelle, on s'habilla, se brossa les dents et c'était partis. Dans les escaliers un corps était étaler sur toute la largeur du sol au rez de chaussé.

- Oh zebi encore des bourrés c'est pas possible me dit pas que c'est un 3arbi encore

Elle poussa avec son pied le corps qui émit un grognement et il se retourna sur le dos, son visage nous faisant face.

- Putain de merde c'est Haytem !

Elle me regarda avec de grands yeux, comme attendant une réaction de ma part. Je ne savais pas trop quoi faire, ne voulant pas le laisser dans cet état-là. C'est avec douleur que je m'agenouillais vers lui et prit sa tête qui puait l'alcool dans mes mains et il me dit d'une voix non chalante : « Ah Sherazebiiii c'est Toi, ahah ». Jihane claqua sa langue et s'agenouilla près de lui à son tour.

- Eh Hayzebi tu vas lever tes petites fesses et tu vas rentrer chez toi, tu fous la honte à ta mère là

Il ne la regardais pas quand elle parlait et se contentait de me fixer, une expression hilare sur le visage.

- J'en ai connu des putes dans ma vie hein, beaucoup mais toi t'es la piiiiire, celle qui m'a fait le pluuuuuus mal, tu sais ça Sherazebiii ? Ahaha

Il partait dans un fou rire tout de suite après pendant que je sentais le regard de Jihane pesé sur moi.

- Tu sais les gens quand ils boivent ils disent souvent la vérité Oukhty belek il doit dire vraiment ce qu'il ressent là.. je te l'avais dis..

J'avalais difficilement ma salive, ne sachant pas quoi pensé, qu'il avait souffert ne voulait pas forcément dire qu'il m'aimait encore et dans l'histoire nous avions souffert tout les deux, moi comme lui. Il continua :

- Eeeeeh Désolé pour hier quand je m'énèrve t'as vu mais c'est parce que ça me zehef que tu vois des mecs bébé, parce que je te veux que pour moi ahah je suis un vrai pd

Il repartait encore une fois dans un fou rire puis Jihane voyant mon visage décomposé me dit que je pouvais partir et qu'elle allait s'en charger. Je répondis d'un hochement de tête, le regarda quelques secondes toujours en train de rire et descendis, le visage presque inexpressif.

Fahd était adossé à sa voiture comme d'habitude mais cette fois il avait l'air plus fatigué, trop fatigué, et même son costume avait pris un coup de vieux, ce qui n'était pas dans ses habitudes du tout, lui qui prenait toujours soin de lui et de son apparence, pour maintenir sa bonne « réputation ». Lorsqu'il me vit il me dit de me dépêcher et rentra dans la voiture, je fis de même. Il alluma son poste de radio et me dit que Zida lui avait donné rendez-vous au centre-ville et qu'il avait dit que c'était important. Je frissonnais à l'écoute de ses paroles, j'espérais qu'il ne s'agisse pas de ce à quoi je pensais, qu'il ne se ferait pas tuer sous mes yeux. Il roulait rapidement tout en écoutant de la musique classique, ce qui changeait totalement de ses habitudes mais plus rien ne m'étonnait, j'étais comme habitué à présent aux attitudes méconnaissables des gens.

Après quelques minutes arrêta la voiture et nous sortîmes de la voiture, firent quelques pas et attendirent à côté d'un café Kabyle. Il faisait les cents pas en attendant, comme perturbé. En attendant, j'observais l'endroit où l'on était, un petit quartier ensoleillé de bon matin, avec de bonnes odeurs de fleurs provenant d'un fleuriste juste en face. Il n'y avait pas beaucoup de monde dans la rue où nous étions mais c'était comme si elle respirait la joie de vivre, nous faisions tâches dans le décor lui et moi. J'observais les quelques oiseaux et voitures passés, puis les minutes commençaient à se faire longues et je me mis à faire les cents pas à mon tour, et cela sembla l'agacer car il s'arrêta et me dit :

- Tu fais quoi là bouge pas je t'ais pas autoriser à bouger.

Au même moment je sentis un vent rapide passé juste à côté de mon oreille et Fahd se fit propulsé en arrière, s'écroulant au sol, un cercle rouge s'agrandissant à vue d'œil au-dessus de sa poitrine, au niveau de son épaule. J'ouvris mes yeux en grands et poussaient un cris, strident, aigu, accompagné de la faible plainte de Fahd qui gémissait de douleur sur le sol. Je me suis jeté à terre près de lui, comprenant seulement à ce moment-là qu'il venait de se prendre une balle et que ses minutes étaient surement compter. J'avais déjà vu faire dans quelques films des gens enlever du tissu pour appuyer sur la plaie et ne pas laisser trop de sang sortir, alors j'enlevais mon pull fil sans réfléchir, me retrouvant en débardeur à ses côtés et déchira de toute mes forces la manche du pull pour l'appuyer contre le trou d'où jaillissait du sang. Les larmes coulaient le long de mes joues et je respirais bruyamment, haletante, la panique aillant prit le contrôle de tous mes membres tremblant violemment, et ma bouche murmurant « non, non, non, non » sans que je ne le contrôle. Je vis ses yeux se poser sur moi, et sa main lentement se poser sur la mienne qui appuyait sur la plaie pendant que je criais aux gens qui passaient d'appeler une ambulance.

- Sh..Shérazade, te fatigues pas pour moi, casse Toi, c'est un ordre et.. et tu dois m'écouter.. pas vrai ?

Il tenta de sourire puis ses lèvres prirent la forme d'une grimace, déformé par la douleur. Il tentait de faire de l'humour au seuil de la mort, il essayait de me faire sourire pour la première fois le jour où il risquait de voir mon visage sûrement pour la dernière fois de sa vie. Je pleurais de plus, les mains ensanglantées.

- Arrête putain, arrête je bougerais pas d'ici !

Il continuait de me regarder, son regard s'adoucissant quelque peu.

- Pourquoi tu me detestes pas ? Laisse-moi crevé en paix non ? Aie..

- Tu mourras pas Fahd, tu mourras pas t'entends ?

Il ne bougeait soudain plus, mon cœur fit un bon dans ma poitrine et je me suis mise à crier, à le secouer, une main toujours appuyer sur mon pull et sa plaie béante, puis il reposa ses yeux vers moi, le visage plus dur.

- J'suis pas un homme moi, j'ai pas de cœur, aucune pitié pour les gens, aucun sentiment..

Je le regardais sans comprendre, il agonisait et ventait sa méchanceté ?

- Mais.. Toi.. Même si je voulais pas me l'avouer au départ.. T'as.. Aie.. T'as fais bougé quelque chose là..

Il descendit sa main un peu plus bas que l'endroit où il s'était fait tiré dessus, au niveau de son cœur. Je le regardais parler, les larmes redoublant sur mes joues.

- C'est pour ça que.. j'ai réagis comme ça la dernière fois, j'ai pas supporter de te voir souffrir alors que.. d'habitude je m'en fous, moi les meufs je les baise dans tout les.. les trous et..

Il se mit à tousser et du sang sorti de sa bouche, je ne savais plus quoi faire, ses paroles me chamboulant presque + que la situation dans laquelle ont était.

- Chut Fahd.. Chuuut.. Une ambulance va pas tarder à venir, garde tes forces, tu vas vivre je te dis !

Il tenta de sourire encore une fois et il continua :

- Et toi, j'ai jamais pu te toucher, mais c'est pas l'envie qui me manquait..

Il me regardait, pour la première fois sans haine et sans dureté, prit la main où il y avait la bague et dans un dernier effort, l'enleva de mon doigt.

- Je te rends ta liberté Shérazade, ça y est envole Toi..

Chronique de Sherazade : Du balai à la bague au doigtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant