Partie 50

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Je ne pouvais pas m'empêcher de la regarder, à chaque moment où mes yeux ne savaient plus où poser leur attention elle s'arrêtait là, sur cette main, plus précisément sur ce doigt où il manquait ce diamant, me rappelant le cœur lourd qu'Il manquerait à tout jamais à ma vie. Je n'aurais jamais pu penser verser autant de larmes, hurler aussi fort que j'avais hurlé lorsque je vis ses yeux ne plus réagir à mon regard, sa bouche ne plus se plier difficilement pour me parler de choses insensées, aussi insensé que je recommence encore, à me morfondre sur le sort de celui qui à causer mon malheur et qui n'a jamais eu pitié pour moi, même lorsque le sang me traversait la bouche ou qu'un torrent de larmes inondaient mes joues. C'était par son absence que finalement mon bourreau avait réussi à m'achever.

Le retour à la case départ avait était plus difficile que je n'aurais pu l'imaginer, trop brutal, trop agressif, je n'aurais jamais pensé que le jour où je serais libéré de lui se ferait aussi simplement, aussi doucement que lorsque l'on retire une bague d'un doigt, mais se ferait ressentir d'une manière aussi violente au fin fond de mon être. Malgré toute sa cruauté, malgré toute sa méchanceté une partie de moi s'était attaché à ce mauvais personnage.. « Habitué » serait peut-être plus approprié mais c'est de cette habitude qu'est venue cette sorte d'attachement, même si j'avais du mal à le réaliser. Il y avait les paroles de cette chanson que Ramzi mettait souvent lorsque l'on roulait ensemble en voiture qui m'était revenu à l'esprit, que je n'avais pas bien saisi la première mais qui aujourd'hui prenaient tout leur sens « On ferme les yeux quand on meurt mais seule la mort nous ouvre les yeux. ». Sa mort m'avait ouvert les yeux sur tellement de choses, que finalement je m'étais attacher à lui sans m'en rendre compte malgré tout le dégoût et le mépris que je pouvais ressentir.. Mon mutisme face à ce destin qu'il avait tracé de la pointe de ses griffes, mon refus de le dénoncer, était-ce quelque part pour le protéger ? Est-ce que j'avais finis par l'avouer à Jihane parce que finalement au fond de moi je savais que Zida ferait-ce qu'il avait prévu et que de ce fait je ne risquais rien et mes proches non plus ? Et si je lui en avais parlé, et si je lui avais déclaré le poteau rose, serait-il toujours en vie ? Est-ce que Zida aurait quand même trouvé un moyen pour mettre fin à ses jours ? Que serait-il advenu de moi, de nous ? Je pris ma tête dans mes mains, je ne comprenais plus rien, les questions se tordaient dans tous les sens dans mon esprit, comme mon corps douloureux, agressé par le froid, devant cet homme dont je n'aurais jamais soupçonné une telle violence, et une telle haine envers moi. Plus les coups défilaient, plus j'avais l'impression de quitter la lourde masse de mes membres que je n'arrivais bientôt plus à contrôler, piétiné par son regard meurtrier et ses chaussures dont j'avais du mal à distinguer la couleur. Plus la douleur se faisait vive, plus mes souvenirs refaisaient surface, plus je repensais à tout ce qu'il s'était passé, distinctement, je revoyais leur visage tantôt désolé, tantôt triste, tantôt refermé, puis je le revoyais lui, celui que j'apparentais à un monstre qui m'avait ouvert les grilles de ma cage pour me rendre ma liberté et déployé mes ailes meurtris.. Mais à ce moment-là, sentant à mon tour le sang traverser mes lèvres je me suis posé cette question qui redressèrent un peu plus mes poils sur ma peau gercé, et si ce n'était pas vers Toi Fahd que j'allais finalement m'envoler..

L'ambulance pour Fahd avait fini par arriver, ce coup de feu ayant eu l'effet d'une réunion entière de la ville dans cette rue qui un peu plus tôt n'était habité que par quelques chants d'oiseaux et les rayons du soleil aveuglant au sommet du ciel, qui avait gardé sa belle couleur bleue et pure. Son sang ne s'arrêtait pas de couler et mes larmes non plus, le chant des oiseaux s'animaient de plus en plus et rythmaient dynamiquement les petits coups que je tentais vainement de donner sur les joues de Fahd du plat de ma main qui ne pressait pas sa plaie pour le réveiller de ce que j'avais peur d'être l'éternel sommeil, pendant que la foule formait petit à petit une ronde autour de nous. J'avais l'impression d'être l'actrice d'un spectacle dramatique, les regards de pitié et les remarques fusaient, des gens filmaient même ce qu'il se passait. J'aurais préféré que ça ne soit que cela, qu'une pièce écrite et que tôt ou tard le rideau se fermerait, le laissant se relever et revoir ses yeux vers s'animer, même d'animosité ça m'était égale, tant que ses yeux se rouvraient. Mais tout ce que j'avais pu voir à travers mes larmes c'était les ambulanciers le soulever, les portes de la camionnette se refermer, des hommes habillés de bleus s'avancer vers moi, et au loin, entre un ou deux battements de cil un visage familier, celui de Alae, puis plus rien, trou noir.

Je me rappelle de la douceur de ses mains passés sur mon visage, de ce contact humide

sur mon front et des paroles d'une voix masculine qui semblaient venir d'un poste de télévision. Ses gestes s'étaient arrêté subitement, et quand je réussis à entrouvrir les paupières je vis le petit visage de Khalti Nouria tourné vers le poste, attirant mon attention à mon tour. Les images de plusieurs endroits où il y avait toujours foule devant de grosses flaques de sang, parfois près d'un corps, d'autres fois non, puis la rue dans laquelle j'avais été plus tôt avec Fahd avait été montré, sans son corps cette fois, et les paroles du journaliste percutèrent mon cerveaux :

« Aux alentours de 9h30 ce matin dans différents endroits de la ville 3 jeunes hommes se sont fait tiré dessus avec un mode opératoire identique, tirs au sniper. Agé tous les 3 de 24 ans ils étaient connu des services de police pour différents délits : viols, trafic de stupéfiant et homicide volontaire. 2 sont mort et l'un reste dans un état critique. Selon la police, ces homicides sont directement lié au trafic de stupéfiant, ils n'auraient d'ailleurs qu'une seule raison d'être, le partage du territoire entre équipe de dealer. Des règlements de compte en série, une violence qui semble sans fin, la longue liste de meurtre de la ville depuis le début de l'année s'allonge encore une fois. »

J'avais sentis mon cœur se serrer, le visage de Khalti s'était baissé et je l'entendis renifler puis la vie passé sa main rapidement sur son visage avant de tourner la tête vers moi, son regard s'agrandissant un peu plus à la vue de mes yeux ouverts.

- Ah Benti ti réveillé.. t'es à l'houpital tout va bien maintenant.. Comment tu te sons ?

J'essayais de parler quand je sentis soudain ma gorge très sèche et le besoin de boire un grand verre d'eau, elle comprit à la vue de mon regard et elle sorti de son sac une bouteille d'eau qu'elle porta à ma bouche pour m'aider à boire. En même temps que j'avalais avidement l'eau des cris de femmes et des pleurs se firent entendre en dehors de la chambre d'hôpital où j'étais, je portais ma main pour retirer la bouteille, plongeant mes yeux dans ceux de Khalti qui s'étaient plissés tristement..

- Le fils de ma coupine Hafida il i mort aussi Allah y Rahmou.. Sa sœur a fait un malaise aussi ils sont fla chambre à couté..

Les larmes m'étaient monter aux yeux encore une fois, l'impression que le toit de tout l'hôpital venait de me tomber sur la tête, l'envie de crier que je voulais qu'on me réveille de ce cauchemar et je crois que je l'ai fait, je ne sais plus, je me rappelle de l'expression apeuré de Khalti Nouria, de mes cheveux tirés dans tous les sens par des bras que je n'avais plus l'impression de contrôler, une infirmière arrivé, se pencher vers moi puis plus rien encore une fois. Les images de son sang et de son visage sans vie ne faisaient qu'hanter mon esprit, j'en devenais folle, je voulais uniquement que l'on m'annonce que tout cela n'était qu'une caméra caché, qu'un des scénarios stupides et cruelles que Fahd aurait inventé, rien qu'en pensant à cette hypothèse je riais hystériquement dans le noir de la chambre glacé dans laquelle j'étais. Je commençais à devenir folle et au matin je ne savais plus si le souvenir de ce souffle contre ma peau et de ce murmure avait été réel ou imaginaire, si la voix d'Haytem avait véritablement murmuré avant que j'entende coulisser la porte de la fenêtre « Finalement c'est lui que tu as vraiment aimé ».

Chronique de Sherazade : Du balai à la bague au doigtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant