Partie 51

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Le lendemain matin, cette phrase résonnant dans mon esprit les larmes se remirent à couler, me desséchant peu à peu, j'avais l'impression de n'être plus qu'une machine à pleurer ayant quelques pauses parfois dans mes moments d'absences torturés par le souvenir de Fahd se faisant tiré dessus, et je mettais ma tête dans mes mains à l'idée que Haytem puisse penser que mon cœur aimait quelqu'un d'autre que lui, que même sans mon ancien bourreau ces problèmes-là étaient loin d'être finis. Je reniflais doucement mon regard posé sur une série télévisé que je ne suivais pas, l'esprit ailleurs quand on toqua à la porte. Mon regard resta impassible, toujours sur le poste de télévision même lorsque la porte s'ouvrit, puis la voix de Jihane se fit entendre.

- Putain mais t'es sérieuse là ? Me dit pas que t'es dans cet état là pour cet enculé ?

Je tournais la tête rapidement vers elle, l'air ahuri, et lui lança agressivement :

- C'est un mort que t'insultes là ? T'as pas honte ?

Son visage se crispa quelques secondes, puis elle reprit en tentant de garder un air assuré.

- O..Ouais ouais, et alors, avec tout ce qu'il t'as fait t'as cru j'allais lui lécher les pieds à ce type aussi, que j'allais le pleurer ? Et puis quoi encore putain zebi on dirait tu le kiff hadek

Les paroles du rêve que je pensais avoir fait refirent surface, et je me mis à pleurer, aussi facilement que ça, j'étais devenu tellement faible en si peu de temps la mort était de ces épreuves de la vie dont on ne pouvait pas guérir et qu'aucune parole ne pourrait adoucir la peine, il fallait juste tenter de vivre avec et pour moi à ce moment-là c'était au-dessus de mes forces. Elle me regarda avec peine, murmura « oh hbiba désolé » et me prit dans ses bras dans lesquelles je cherchais tout le réconfort possible, toute la chaleur humaine possible, la serrant fort de mes bras comme pour qu'elle ne m'abandonne pas elle aussi. Ca pouvait sembler bête en y repensant mais j'étais tellement prise de désespoir à ce moment-là, oui « désespoir » était le mot j'étais complètement désespéré..

- Oukhty raconte-moi ce qu'il s'est passé

- Elle te racontera ce qu'il s'est passé après qu'elle nous le raconte à nous.

On fût toutes les deux prises d'un sursaut à l'écoute de cette voix inconnue et l'on vit avancer 2 policiers dans la chambre. Je reconnus avec stupeur Alae et fut d'autant plus effrayé car je n'avais pas ma casquette et vu son regard il avait l'air d'avoir compris depuis longtemps que je lui avais mentis. Il ne soutint pas mon regard plus longtemps, puis mes yeux se posèrent sur l'officier avec lui, me ramenant des mois en arrière lorsque les policiers étaient venu pour chercher Haytem, il faisait partis de ceux qui était là, c'était impossible pour moi d'oublier leurs visages et je le méprisais déjà du regard.

- Allez Mouloud tu prends note de ce que la petite raconte et toi Shakira tu sors on te rappellera quand ça sera finis tu seras mignonne

Je fis les gros yeux et Jihane aussi, prête à exploser d'une minute à l'autre il avait utilisé un ton qu'il ne fallait surtout pas utiliser avec elle et je venais tout juste de comprendre que celui qu'il appelait Mouloud était Alae que je voyais serrer les dents. Mais pour qui il se prenait ce policier, sous prétexte qu'il avait une tête de maghrébin il pouvait changer son prénom en un autre de la même ethnie, et appelé Jihane de cette façon alors qu'il ne la connaissait même pas ?

- Eh écoute moi inspecteur Navarro là je sais pas pour qui tu m'as pris mais prend pas la confiance avec moi

Elle se retourna vers moi :

- Geleik Shakira il est mehboul lassui il a cru j'allais danser la danse du ventre aussi ? Pfff

Le policier allait dire quelque chose quand Alae se leva la mâchoire toujours aussi serrer, murmura quelque chose que je ne plus entendre à l'oreille de Jihane et elle s'en alla en prenant bien soin de claquer très fort la porte. Celui qu'elle avait surnommé inspecteur Navarro grommela quelque chose dans sa barbe puis il releva les yeux Alae et dit avant de se diriger vers la porte pour sortir.

- J'en ai ras l'cul de ces gamins de cité continue sans moi.

Alae lui répondit d'un hochement de tête et la porte claqua, moins bruyamment qu'après le départ de ma sœur de cœur. Mon rythme cardiaque s'accélérait, j'appréhendais sa prise de parole, il avait l'air tellement énervé, son habituel sourire avait totalement déserté son visage c'est comme si c'était un autre homme. L'image de ce garçon sans son sourire était pour moi comme celle d'un Ange sans ses ailes..

- Bon, SHERAZADE, apparement vous étiez sur..

- Alae..

- Les lieux d'un reglement de..

- Alae..

- compte, étant donné que vous étiez le témoin principal j'ai quelques questions à..

- Alae !

Je ne pouvais pas plus supporter son comportement même si il était tout à fait compréhensif, je lui avais mentis sur mon identité, je lui avais tout caché de moi alors que lui s'était ouvert, dévoilé, qu'il m'appelait quand il n'allait pas bien, parfois à en pleurer et moi je ne lui avais rien rendu de tout cela je.. j'avais honte de moi, et encore plus mal au cœur, j'allais une fois de plus perdre une personne qui m'était chère, c'était trop pour moi, les larmes m'étaient monter aux yeux et se mirent à couler directement après qu'il se mit à crier :

- QUOI ALAE ? QUOI ? MOI AU MOINS CE PRENOM QUE TU PRONONCES IL EST REEL, TOI ON T'A JAMAIS PRISE POUR UNE CONNE PUTAIN J'AURAIS TOUT FAIT POUR TOI, TOUT, JE SUIS KEUF ET JE T'AI JAMAIS DENONCER MALGRE TOUT, JE ME SUIS CONFIER A TOI COMME UN GROS ZEMEL, JE T'AI PRESENTER A CE QUE J'AI DE PLUS CHERE AU MONDE ET QU'IL ME RESTE ET TOI PENDANT CE TEMPS TU FAISAIS QUOI HEIN ? TU FAISAIS QUOI ?

Il se rapprocha de moi pendant que je rapprochais mes genoux de mon visage, pleurant de plus belle et sursautant à chaque interrogation, lui demandant dans mes murmures imperceptibles à travers mes sanglots d'arrêter de parler, que ses mots me tuaient..

- TOI TU TE CACHAIS DERRIERE UNE FOUTU CASQUETTE, SANS PITIEE TU T'ES FOUTU DE LA GUEULE DE MA FAMILLE ET J'OSE MEME PAS IMAGINER A QUI D'AUTRE ENCORE, JE SAIS PAS QUI T'ES SHERAZADE MAIS JE SUIS SUR D'UNE CHOSE C'EST QUE J'AI PAS ENVIE DE TE CONNAITRE !

Il s'arrêta, essoufflé, me laissant suffocante et honteuse dans mes sanglots et mes draps mouillés. Il se rassit, fit mine de réajuster sa tenue de policier et se racla la gorge.

- Maintenant si vous voulez bien j'vais faire mon travail.

Je me calmais petit à petit, reniflant. Reprend toi Shérazade, il va falloir que tu t'y habitues. Ta vie est faite comme ça, de départ comme d'arrivé, seulement il y en a qui reste plus longtemps que d'autres, faut que tu t'y fasses.

Chronique de Sherazade : Du balai à la bague au doigtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant