Partie 36

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Même quand on croit avoir tout vu de la vie, avoir tout connu, on arrive toujours par être surpris, tomber de haut. Même quand on se croit intouchable, insensible, pensant qu'on peut tout encaisser, on finit toujours par être touché, souffrir de maux. Je m'attendais à tout sauf voir cette photo, elle avait le regard pénétrant, presque triste, comme pour nous faire savoir son mal être. Pourtant sur toutes les photos que j'avais d'elle, elle était souriante, pleine de vie, elle respirait la joie de vivre.. Alors pourquoi sur cette photo ma mère avait-elle cette expression, ce regard ?

Elle se tenait droite, adossé à un mur en terre cuite, seule. Je n'avais jamais vu cette photo auparavant, j'étais dans un tel état d'incompréhension, comment Ramzi avait-il trouvé cette photo, et comment pouvait-il dire qu'il s'agissait de sa mère ?

Un sentiment incontrôlable d'égoïsme surgit en moi, c'était Ma mère, la mienne, c'était mon soleil, mon souffle, il ne pouvait pas ressentir ce que je ressentais pour elle, il ne savait pas de quoi il parlait.

- Euh ça va Shérazade ?

Je tournais la tête vers lui, les sourcils froncés, plia la photo et la remit dans ma poche. A ce moment là je ne réfléchissais pas et réagissait impulsivement, j'avais la conviction que Ramzi se jouait de moi, qu'il s'agissait d'une nouvelle provocation qu'il aurait trouvé pour me pousser à bout. Je me suis levé, voulant partir mais il fut plus rapide que moi et me bloqua le passage en se plaçant devant moi.

- Qu'est-ce qui te prends ? Et rend moi ce qui m'appartiens tu seras mignonne

- Ce qui t'appartiens ? De quel droit tu peux dire que cette photo t'appartient ? Mais t'es vraiment quelqu'un de mauvais, ça t'amuse de me faire ça ? Qu'est-ce que vous avez tous contre moi, pourquoi vous vous acharnez sur moi hein?

Sans que je m'en rende compte mon visage était inonder de larmes, il se recula, sûrement désemparé ne sachant pas quelle attitude adopté, et je sortis du grec, j'avais besoin d'air et surtout de m'éloigner de lui.

Je n'en pouvais déjà plus de tout ce qu'il se passait, j'en avais marre de la facilité qu'avait les gens à m'atteindre. Je me suis assise sur le bord d'un trottoir en face du grec, mit ma tête sur mes genoux et me vidais, cette douleur si vive de la mort de ma mère qui ne s'était toujours pas estomper avec le temps refit surface plus intense encore. Je souffrais de ce besoin de la tenir dans mes bras, de la serrer contre moi, de la sentir, de l'embrasser mais n'avoir affaire qu'à du vide, je souffrais de son absence, de ce silence. J'entendis la porte du magasin s'ouvrir et je reconnu à l'écoute la façon de marcher de Momo, la manière dont il posait violemment ses pieds sur le sol, traînant son corps lourd.

- Wesh qu'est-ce qui se passe, vous allez jamais vous entendre vous deux ou c'est comment ?

Je relevais lentement la tête vers lui, le visage complètement mouillé, tremblante. Je vis son visage se durcir, il allait faire demi-tour sûrement pour demander des explications brutales à Ramzi quand je le retins par le bras toujours assise sur ce trottoir.

Ramzi et lui était si proche, je me rendais compte qu'à force de montrer mes émotions les gens allaient se déchirer autour d'eux.

- Ca va aller Momo, c'est moi qui m'prend trop la tête en ce moment, j'ai agi sans réfléchir, je sais pas ce qu'il m'a pris.

Il allait répondre quand je pris la photo de ma poche et la mise dans sa main, un goût amer dans la bouche et lui dit de le lui rendre. C'était à contre cœur que je faisais ça, mais j'essayais de me rattraper pour ne pas amplifier les tensions.

- Tu veux rentrer chez Toi ? Tu m'as pas l'air bien Sherazade, repose toi un peu tema la tête de fatigué que t'as

Je baissais la tête, et lâcha son bras. Je devais faire peur à voir après la nuit que j'avais passé, et encore plus avec ce qu'il venait de se passer avec Ramzi. Il était vrai qu'un peu de repos ne m'aurait pas fait de mal. J'hochais donc la tête positivement et me relevais doucement sous son regard plein de pitié. C'était ce que je n'appréciais pas avec Momo, je savais quand pour certaines circonstances j'arrivais à lui faire pitié, et il n'essayait pas de le cacher. Il me tapota le dos comme pour me dire « courage » et je m'en allais.

Chronique de Sherazade : Du balai à la bague au doigtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant